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Informations générales
  • ARTICLES
  • INSTRUCTIONS SUR L'EDUCATION CHRETIENNE
    II
    SUR LA REFORME DE LA MEMOIRE
  • L'Assomption, II. n° 47, 1 décembre 1876, p. 181-182.
  • K 1-2
Informations détaillées
  • 1 AME
    1 AUGUSTIN
    1 BIEN SUPREME
    1 CORPS
    1 DECADENCE
    1 DIEU
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT FAUX
    1 FOI
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 IGNORANCE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 INTELLIGENCE
    1 LIBRE PENSEE
    1 MAHOMETANISME
    1 MEMOIRE
    1 NUTRITION
    1 PARESSE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 RELIGIONS ADVERSAIRES
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SENS
    1 TRINITE
    1 VERITE
    1 VOLONTE
    2 LUTHER, MARTIN
    3 AFRIQUE
    3 ALLEMAGNE
    3 AMERIQUE
    3 FRANCE
    3 INDES
    3 TURQUIE
  • 1 décembre 1876.
  • Nîmes
La lettre

L’homme est créé à l’image de Dieu. On a cherché en lui cette image de plusieurs manières. Saint Augustin nous assure que, de son temps, des hérétiques accusaient les catholiques de dire que Dieu avait des yeux, une bouche, un nez et une barbe. Non, cette image de Dieu est placée dans la portion la plus noble de notre être, dans notre âme. Or, dit encore saint Augustin, l’homme a trois facultés: la mémoire, l’intelligence et l’amour, qui correspondent au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Et si vous me demandez comment l’homme dans le plus intime de tout son être, ressemble à Dieu: « L’âme, poursuit ce grand Docteur, se souvient d’elle-même, se comprend et s’aime, Ecce mens meminit sui, intelligit se, diligit se. » (De Trin. XIV.)

Vous le voyez, la mémoire, l’intelligence, l’amour sont les puissances fondamentales de l’âme.

Parlons aujourd’hui de la mémoire.

Par mémoire, je n’entends pas cette facilité de retenir une leçon, d’apprendre des vers. Par mémoire, j’entends la puissance qu’a l’homme de retenir des idées, qui font l’ensemble de sa vie spirituelle.

Expliquons-nous. L’homme a un corps et une âme, et Dieu a disposé les choses de façon à ce que les idées ne vinssent à l’âme que par son corps, c’est-à- dire par les sens qui sont de son corps.

Je prendrai une comparaison: l’homme a besoin d’aliments pour vivre, il les prend, les introduit dans son estomac. Là, par une opération merveilleuse, ces aliments sont transformés en sang qui circule dans tout le corps et forme sa vie. Si les aliments sont sains, le corps se fortifie; si les aliments sont mauvais, le corps en souffre. Il en est de même pour l’âme, dans un ordre d’opération spirituelle.

Je vois: l’image s’empreint dans mon oeil, mon âme la saisit et la généralise. Mon oeil a vu l’image: un cercle, un carré, un animal, un homme (Développer.); mais mon âme ne saisit que l’idée générale.

Ces idées générales restent en moi. L’idée des êtres extérieurs n’est en soi ni bonne ni mauvaise. Mais combien d’autres idées sont mauvaises sans que nous y fassions attention! Il y a, en effet, des idées vraies et des idées fausses, des idées bonnes et des idées mauvaises…

Mais recevoir des idées fausses, mauvaises, injustes, c’est affreux.

Ainsi un jeune homme entendra dire que toutes les religions sont bonnes. Il laisse s’établir en lui ce principe que les protestants publièrent au temps de Luther: Illius est religio cujus est regio, c’est-à-dire: il faut suivre la religion de son pays.

Mais, dans ce cas, il faut être, en France, catholique ou libre penseur; protestant en Allemagne; mahométan en Turquie; brame dans les Indes; païen au centre de l’Afrique ou de l’Amérique.

Ou bien [on entendra dire]: « l’Eglise catholique doit être persécutée parce qu’elle persécute les autres religions! »

Vous voyez l’inconvénient de certaines idées fausses: elles s’étendent, gagnent l’esprit.

Eh bien! voilà une partie fondamentale de votre éducation: vous donner des idées vraies, des idées justes.

Mais comment vous les donnerons-nous? Saint Augustin nous répondra encore: « Haec trinitas mentis non propterea Dei est imago quia sui meminit mens, et intelligit ac diligit se; sed quia potest etiam meminisse et intelligere et amare quo facta est. -Cette trinité de l’âme n’est pas l’image de Dieu parce qu’elle se souvient d’elle-même, se comprend et s’aime elle-même: mais aussi parce qu’elle peut se rappeler, comprendre et aimer Celui par qui elle a été faite. »

Etablissons bien ceci: vous avez été faits à l’image de Dieu, vous étiez capables de le connaître; mais le péché originel est survenu, a brisé quelque chose en vous et le premier effet a été l’ignorance.

L’ignorance est la perte plus ou moins complète de la mémoire entendue au sens où je vous le disais tout à l’heure. L’âme a été dégradée dans sa première faculté, la mémoire. C’est l’ignorance qui nous fait perdre l’idée de Dieu. Voyez le monde avant Jésus-Christ en proie au paganisme… Voyez encore le monde depuis que de fausses idées, fruits du péché, l’ont envahi. Ignorance coupable, qui nous vient de la paresse. Je ne parle pas de la paresse qui nous empêche d’étudier les objets de l’instruction classique; je parle de cette paresse qui nous fait négliger les vérités du salut.

Et vous voyez s’il importe d’avoir des idées justes, des idées divines. Et pour cela que faut-il?

1° Comprendre l’importance des idées vraies à mettre dans la mémoire. Pourquoi le triomphe de la révolution? A cause du triomphe des idées fausses…

Il faut, au nom de votre foi, chercher les idées vraies. Et comment? Le voici. Lorsque vous avez été baptisés, vous avez reçu le don infus de la foi. Ce don vous a communiqué une facilité plus grande de recevoir les idées divines, les vérités divines. Votre âme a pu se souvenir de Dieu. potest et meminisse et intelligere et amare a quo facta est*. Il y a sans doute là une faculté naturelle, mais il y a aussi un don magnifique de Dieu; car si l’âme peut recevoir l’idée de Dieu et dans l’ordre de la raison et dans l’ordre de la foi, elle a l’idée mère, l’idée source de toutes les idées vraies.

2° Quand vous aurez compris l’efficacité de ces idées, il faut secouer la paresse et les développer en vous; et voilà l’importance de l’instruction religieuse. Prémunissez-vous de bonne heure, mes enfants, contre cette idée si fausse que l’instruction religieuse n’est bonne à rien. Même au seul point de vue humain, l’instruction religieuse agrandit merveilleusement les idées; mais surtout l’instruction religieuse vous fait, autant qu’il est permis ici-bas, connaître et aimer Celui par qui votre âme a été faite et en qui vous trouverez l’éternel bonheur.

3° Enfin, il faut la soumission de la foi. Oui, pour réformer vos idées, il faut un grand esprit de foi. Et qu’est-ce que l’esprit de foi? C’est l’acceptation des vérités de la foi, et, dans la pratique, la disposition à voir les choses comme Dieu les voit.

Ayez, mes amis, le courage de réformer votre mémoire par la destruction des idées fausses, par l’acceptation des idées justes, et vous serez surpris de voir, au bout d’un certain temps, votre âme s’épanouir dans un monde nouveau et se fortifier par la nourriture divine qu’elle aura reçue et dont elle se sera pénétrée.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum