ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.52
  • ARTICLES
  • CONSEILS POUR LES VACANCES
  • L'Assomption, III, n° 63, 1 août 1877, p. 310-311.
  • TD 7, P. 52-55; CO 239.
Informations détaillées
  • 1 ACTION SOCIALE
    1 AMOUR DES AISES
    1 ATHEISME
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EGOISME
    1 ENFANTS DES ECOLES
    1 FOI
    1 GALLICANISME
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 JANSENISME
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MIRACLES DE LA SAINTE VIERGE
    1 NOTRE-DAME DE LOURDES
    1 PELERINAGES
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 LOUIS XV
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 EUROPE
  • 1 août 1877.
  • Nîmes
La lettre

Un fameux diplomate aurait dit depuis 1870: Il n’y a plus d’Europe. Je voudrais que le mot fut vrai pour pouvoir lui répondre: Eh bien! les catholiques la referont. En effet, l’Europe n’est pas vaillante, la Révolution lui cause des ennuis et lui fera payer cher l’engouement pour les idées modernes, mais enfin si la Révolution a commencé, elle peut bien finir. Si les idées sont modernes, elles datent de peu et peuvent déguerpir dans peu. Est-il possible de tordre le cou à la Révolution pour rendre la vie à l’Europe? C’est la question.

Voulez-vous l’examiner avec moi pendant les vacances?

D’abord ce qui fait qu’il n’y a plus d’Europe, c’est qu’il n’y a plus de solidarité. Chacun pour soi, chacun chez soi. Voilà la devise universelle, qui se trouve être la dévise de l’égoïsme élevé à sa plus haute puissance. Voulez-vous combattre ce mal? Commencez vous-même par détruire l’égoïsme en vous. Combattez-le en faisant bon marché de votre personnalité, de vos petits calculs, de vos plaisirs. Ah! que de points où vous pouvez combattre l’égoïsme sans sortir de votre chemise?

En poursuivant à outrance l’égoïsme et les égoïstes, montrez votre générosité, soyez des hommes dévoués, imprégnez-vous de l’esprit de sacrifice; agissez, agissez dans le travail qui forgera votre âme, dans le zèle pour la charité, dans la poursuite des grandes idées basées sur les grands principes. Luttez contre ce qui vous semble mal. Ayez le courage de votre foi. Surtout, guerre au respect humain et à toutes ses variétés. Quand cela sera fait, je crois bien qu’il vous sera facile de tendre la main à vos frères, de vous unir à eux; la coalition du bien se fera, vous serez d’abord battus et rebattus, et c’est ainsi que vous apprendrez à battre.

L’Europe s’en va, peut-être s’en est-elle allée, parce que la foi lui fait défaut, chose triste à dire! Nous voyons en ce moment deux peuples se battre, parce qu’ils croient; mais, si ces peuples ont la foi, ne peut-on pas, sans risquer beaucoup, promettre une très grosse récompense à qui découvrira la foi de leurs chefs?

Si les chefs croyaient, ah! que ne ferait-on pas ? Mais où sont les chefs croyants? Et dans le reste de l’Europe, où sont les peuples croyants?

Si la perte de la foi est la perte de la vie sociale, le retour de la vie sociale n’aura lieu qu’avec le retour de la foi. Ah! mes amis, songez à cela, si l’un d’entre vous avait la foi gros comme un grain de senevé, vous soulèveriez des montagnes, et si cent d’entre vous avaient la foi gros comme une montagne vous soulèveriez le monde. Qu’y a-t-il d’impossible à ce que cent jeunes gens aient une grande foi?

Ecoutez un fait où je ne joue pas un rôle brillant. L’an dernier, je croyais que nos Pères de Paris feraient bien de mettre un terme à leurs pèlerinages. Le très têtu Père Picard insista tant qu’il m’extorqua mon consentement de pèleriner encore une fois. On pèlerina donc vers notre chère Dame de Lourdes. Savez-vous combien la caravane obtint de miracles? Douze bien comptés, dont plusieurs amenèrent la conversion de familles entières, entr’autres d’un franc-maçon, qui, lorsqu’il vit sa fille mourante revenir à la vie et complètement guérie, alla se confesser. Que conclure? que le P. Picard avait plus de foi que moi ou qu’il savait mieux s’en servir?

Donc il faut avoir une grande foi et si la Sainte Vierge ne la récompense pas toujours par douze miracles, on peut être certain qu’elle sera toujours récompensée, d’autant plus que les miracles ne sont pas toujours une preuve de sainteté. Mais il n’en est pas moins sûr que le moyen de triompher du monde, c’est la foi, comme dit S. Jean.

Vous serez des hommes de sacrifice et vous serez des hommes de foi, deux conditions pour rendre l’existence à l’Europe.

Ce qui n’est pas ne peut pas se battre. L’Europe a des tronçons qui se choquent; mais, depuis la réforme, on ne peut plus dire; l’Europe se bat. Pour rendre à l’Europe cette vie de combats glorieux d’autres fois, il faut lui rendre l’unité; et, chose étonnante à laquelle vous ne comprendrez rien à première lecture, c’est que l’Europe a perdu la vie quand elle a perdu l’unité, et que son unité s’est envolée le jour ou l’on n’a plus voulu à divers degrés l’unité catholique. Sur ce chapitre, les premiers coupables sont les protestants, les deuxièmes sont les jansénistes et les gallicans, les troisièmes sont les philosophes genre Louis XV, et les quatrièmes, les catholiques libéraux. Mais ceci est bien fort pour vous, je m’arrête, vous laissant les vacances pour méditer le problème et le comprendre.

Après cela, soyez bien sages, obéissez à papa et à maman, donnez de bons exemples au petit frère, n’arrachez pas les cheveux à vos soeurs, ne faites pas enrager les domestiques, et ne recevez pas les visites en leur tirant la langue.

Conseils très importants pour ceux qui ne comprendraient rien à ce que dessus.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum