ARTICLES

Informations générales
  • ARTICLES
  • L'EGLISE DE SAINT-BAUDILE ET SA CONSECRATION
  • L'Assomption, III, n° 70, 1 novembre 1877, p. 357-358.
  • K 1-2; CO 238.
Informations détaillées
  • 1 AMEUBLEMENT DES EGLISES
    1 ARCHITECTURE SACREE
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CHAIRE
    1 CLOCHER
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONFESSIONNAL
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 MINISTRES DU CULTE
    1 PARTIE D'EDIFICE DU CULTE
    1 STALLES
    1 VITRAUX
    2 DONNET, FRANCOIS
    2 HOEN-BERNARD
    2 MACEDONIUS
    2 VAUDOYER, LEON
    3 BORDEAUX
    3 CHYPRE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 GASCOGNE
    3 MIDI
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES, CATHEDRALE
    3 NIMES, EGLISE SAINT-BAUDILE
    3 NIMES, EGLISE SAINT-PAUL
    3 NIMES, EGLISE SAINTE-PERPETUE
    3 POITIERS
    3 ROME
    3 STRASBOURG
  • 1 novembre 1877.
  • Nîmes
La lettre

Nîmes a le privilège de consacrer une grande église tous les huit ou dix ans. Saint-Paul, Sainte-Perpétue, Saint-Baudile, sans parler de toutes les chapelles bénites que l’on consacrera, Dieu sait quand.

Saint-Paul reste toujours notre plus majestueux monument. L’architecte Vaudoyer appelait Sainte-Perpétue la reine de Chypre. Je n’ai pas vu jouer la Reine de Chypre, mais on m’assure que c’est un meli-mélo musical, comme Sainte- Perpétue est un meli-mélo architectural, sans compter son clocher avec ses huit seringues.

Saint-Baudile ne manque pas d’élégance: la voûte principale est belle, les bas-côtés sont loin d’être aussi étroits qu’on me l’avait assuré; les confessionnaux sont commodes, je m’y suis assis et agenouillé; on est à l’aise pour dire ses péchés et les entendre accuser. Mais les vitraux? Ah! pour les vitraux, je distingue: celui du fond, et ceux du transept me font, quoiqu’on dise, un bon effet. Mais la rosace du Père éternel est intolérable. Le peintre eût été à coup sûr condamné au concile de Constantinople comme partisan de Macédonius. Que fait le Saint-Esprit dans un lobe où il se perd avec dix ou douze motifs d’ornementation? Voilà ce que font les peintres d’Eglise qui ne savent pas le premier mot de théologie.

La chaire est parfaitement exécutée: honneur à M. Hoën-Bernard! Mais le plan est quelque peu déplorable; quelle différence avec la chaire de Saint-Paul! et même celle de Sainte- Perpétue, où l’on a condamné l’ébéniste à faire un tour de force pour empêcher les prédicateurs de se faire entendre. Et le banc d’oeuvre, s’il vous plaît, où l’on a dit que les dossiers étaient faits pour scier le dos des prêtres et des marguilliers! Et la place du curé, place essentiellement anti-liturgique! A Rome, les Evêques au choeur n’ont pas dans la basilique des stalles plus hautes que celles des chanoines, encore moins dans les solennités où ils sont assis sur des bancs recouverts d’un tapis. On m’a dit que le motif (je ne sais comment dire), sera surmonté d’une croix. A cela je n’ai rien à objecter: la tête d’un curé s’appuyant sur un calvaire comme on m’a appelé la chose, c’est symbolique. Maintenant un calvaire à deux colonnettes, je ne vois pas bien le sens, on m’a dit que ce serait la place pour l’Evêque, mais, dans ce cas, le curé ne devra jamais s’y asseoir. J’ai vu à Montpellier, il y a longtemps, des séminaristes mal élevés s’asseoir pendant le sermon sur le trône épiscopal; si j’avais osé, je les en aurais chassés à coups de pieds, mais ici pour qui cette place? pour le curé? c’est anti- liturgique; pour l’Evêque? le curé ne s’y mettra- t-il jamais? Après cela, on m’assure que ça se passe ainsi en Gascogne. L’argument est si fort, que je n’ai plus qu’à me taire.

Passons aux verrières des bas-côtés. Elles ont leur genre à elles, c’est, comme on dit, sui generis. J’admire le velours cramoisi de la robe ou du manteau d’un prophète. On m’a parlé d’un certain mariage, j’ai eu le tort de ne l’apercevoir pas. La chapelle du purgatoire est selon moi mal réussie. La grille fait mal comme effet dans les bas-côtés. Le médaillon du vieux qui brûle ne m’a pas aussi scandalisé que certains juges plus compétents que moi.

Ce qui me scandalise, c’est la demoiselle. On me dira: si on lui avait mis une chemise, il y a longtemps qu’elle serait brûlée. Oui, mais ne pourrait-on pas lui faire un vêtement de flammes plus décent. Le peintre qui tenait à ne pas faire un Saint-Esprit plus gros qu’un pigeon, a mis dans les mains d’un prêtre à l’autel une hostie grosse comme ma tête. Je ne m’en fâche pas, mais par respect, pour l’hostie, voilez un peu plus la demoiselle qui est au bas. Voyons, je suppose que c’est l’âme d’une personne pieuse, une enfant de Marie par exemple, qui voudrait se montrer, n’importe où, même à S. Baudile, dans cette simplicité de toilette.

Je passe à l’extérieur: tout y est réussi, sauf deux anges dont les ailes doivent être contrariées par les niches qu’on leur a faites ou qu’on leur a jouées; ces pauvres ailes me font mal, et quant à la statue du patron, je n’accorderai jamais que la place où on l’a mise soit sa vraie place; sauf ces critiques, l’ensemble est gracieux et le monument réjouit l’oeil.

J’ai entendu blâmer les deux tours. Il est possible que les flèches n’aillent pas à notre Midi. Dans tous les cas elles sont un souvenir patriotique de l’architecte; elles rappellent les flèches de Bordeaux. Le cardinal Donnet prétend qu’elles sont aussi hautes (je parle des tours de Bordeaux) que la flèche de Strasbourg, à quoi l’Evêque de Poitier dit qu’elles sont plus hautes de treize pieds en les mettant l’une sur l’autre.

Reste à attendre le tour de la cathédrale. Mais hélas! quand viendra-t-il et, doit-on, certaines exigences d’architecte données, désirer qu’il vienne de longtemps? Non que la cathédrale n’ait pas besoin de réparations, mais il faut faire le possible et surtout ne pas chasser les fidèles pour un temps dont on voit le commencement, dont personne ne peut prévoir la fin.

La consécration de Saint-Baudile doit avoir lieu dimanche; un cardinal, trois archevêques, dix à douze évêques y ont été invités.

Nîmes, ce 26 octobre 1877.

Notes et post-scriptum