ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.80
  • ARTICLES
  • LES PAPES ET LEURS PERSECUTEURS, PAR M. LE COMMANDEUR MENCACCI
  • L'Assomption, IV, n° 20, 15 octobre 1878, p. 155-156.
  • TD 7, P. 80-83.
Informations détaillées
  • 1 HERESIE
    1 LEGISLATION
    1 PAGANISME
    1 PAPE
    1 PERSECUTIONS
    1 SAINT-SIEGE
    2 ASTOLPHE
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 DIDIER
    2 FREDERIC II, EMPEREUR
    2 HENRI IV, EMPEREUR
    2 HOHENSTAUFEN
    2 LEON XIII
    2 MENCACCI, PAOLO
    2 NAPOLEON Ier
    2 NERON
    2 PASCAL II
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    3 ALLEMAGNE
    3 BYZANCE
    3 CANOSSA
    3 CONSTANTINOPLE
    3 LOMBARDIE
    3 ROME
    3 RUSSIE
  • 15 octobre 1878.
  • Nîmes
La lettre

La papauté a été persécutée de tout temps, depuis Néron jusqu’à Napoléon Ier, pour ne rien dire des pouvoirs plus modernes.

Néron et les Césars prétendirent pendant trois siècles l’étouffer dans le sang; elle résista. Elle résista aussi aux princes hérétiques de Byzance. Ces théologiens en diadème se souvenaient que les empereurs de Rome étaient souverains pontifes de Jupiter; ne pouvant plus l’être dans l’Eglise, ils voulurent faire les papes, et, par là, les tenir sous leur joug. A leur grand désespoir, Dieu ne le permit pas. Ils s’en vengèrent en préparant le schisme photien. On frémit en songeant aux âmes qu’ils ont perdues et qui demandent à Dieu vengeance de leur perte.

Les barbares devaient avoir leurs persécuteurs. On en vit de passagers, mais les rois lombards se chargèrent de faire de la tyrannie contre les papes une sorte d’institution. Les empereurs de Constantinople ayant abandonné et Rome et ses habitants et ses pontifes, du fond de la Lombardie les vexations se multiplièrent contre l’autorité des papes: on les dépouilla de leurs sujets. Le droit moderne commençait avec Astolphe et Didier. Les princes s’exerçaient déjà à ce droit nouveau, dont un des axiomes consiste à promettre et à ne pas tenir.

Formés à l’école des Byzantins et des Lombards, les empereurs d’Allemagne dépassèrent promptement leurs maîtres. Ces prétendus descendants des Césars païens prétendaient que la terre entière leur appartenait. Que restait-il aux Papes? Partant de ce fameux principe, les Henry IV, les Frédéric II n’avaient qu’une chose à faire: les dépouiller. Ils ne s’en firent pas faute, autant qu’il dépendit d’eux; et le plus grand miracle de ces temps bouleversés est que, avec leur esprit de suite, leurs mensonges, leurs faux serments, leur action sur les évêques choisis par eux parmi leurs plus viles créatures, l’Eglise et la Papauté aient pu résister et finir par vaincre la simonie, la débauche universelle et surtout le parjure devenu instrument du pouvoir, instrumentum regni.

L’étude de ces temps odieux m’inspire (le croira-t-on?) une immense compassion pour certains persécuteurs modernes; ils ne sont pas assez malhonnêtes ou bien ils sont trop timides. Les anciens rois des Romains s’y prenaient bien autrement; il promettaient au Pape tout ce que celui-ci pouvait leur réclamer de juste, d’équitable, jusqu’à ce qu’ils fussent couronnés empereurs. Mais à peine l’Empire conféré par celui qui, seul, avait le droit de conférer l’Empire, ah! la scène changeait; l’excommunié de Canossa reprenait ses fureurs comprimées, et alors les guerres, les massacres, les tromperies, l’astuce, la violence, tout était bon contre un Pape assez naïf pour croire à la sincérité d’un empereur allemand.

Rien ne frappe comme la longanimité des Souverains Pontifes, qui, si leur règne était un peu long, étaient bien trompés, au moins cinq ou six fois, par ces monarques tudesques, sans parler de toutes les promesses jurées à leurs prédécesseurs, et sans cesse violées; c’était souvent l’affaire de moins d’un mois. Le Pape était proclamé l’antéchrist, on l’excommuniait, on l’appelait Judas, suppôt de Satan; mais un ennemi imprévu survenait-il, les troupes sans solde se révoltaient-elles, l’armée était-elle saisie et ravagée par quelque épidémie, aussitôt le Pape était reconnu pour vrai successeur de S. Pierre, pour vicaire incontesté de J.-C. L’empereur l’allait trouver, tenait l’étrier de son cheval, sauf à le faire prisonnier comme Pascal II, et tant d’autres. Et c’était sans cesse à recommencer. Les Papes acceptant sans cesse le rôle de dupes, les empereurs celui d’hommes sans foi. Non, M. de Bismark est bien plus honnête. Et, quant à l’empereur de Russie, les exemples que l’histoire lui donne, me portent à quelque compassion pour lui, et puis les nihilistes sont là.

Après tout, les Césars romains ne sont plus, le bas empire s’est écroulé, Frédéric II, le dernier de la triste maison des Hohenstauffen, étouffé ou étranglé par un de ses bâtards, fut, à proprement parler, le dernier de sa race. Que reste-t-il, au fond, de celle de Napoléon Ier?

La papauté, toujours près d’être écrasée sous le poids de ses persécuteurs, se purifie avec la tourmente, et fût-elle prisonnière dans la personne de Léon XIII et de Pie IX, elle sait que beaucoup de Papes ont été captifs, mais que la papauté finit toujours par être libre et victorieuse.

Le livre que j’annonce n’est malheureusement pas écrit en français. Traduit, il ferait heureusement partie des publications populaires destinées à faire disparaître les préjugés dont la démagogie s’applique à infecter certaines classes.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum