ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.1
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • LE PRONE
  • Le Pèlerin, V, n° 42, 20 octobre 1877, p. 657.
  • TD 8. P. 1; CO 191.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 CHASUBLE
    1 EVEQUE
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PREDICATION
    1 RHETORIQUE
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
    2 DAVID, BIBLE
    2 FENELON
    3 BREST
    3 PARIS
  • 20 octobre 1877.
  • Paris
La lettre

Le pèlerin, dans ses voyages, entend toujours, le plus qu’il peut, la messe du prône ou, au moins le dimanche, une de ces instructions simples, familières, pratiques, qui lui ont toujours fait plus de bien que les grands sermons n’en pas finir.

Il aime le genre naturel, surnaturel et surtout pas antinaturel.

Le genre naturel est celui des anciens évêques qui appelaient leurs instructions au peuple des homélies, (mot grecque), conversations. Les anciens évêques ne péroraient pas, ils causaient.

Le genre surnaturel. Ils n’avaient pas peur des prodiges racontés dans l’Evangile, ils étaient de l’école du miracle. Tout en étant miraculeux en Notre-Seigneur, depuis sa conception et sa naissance jusqu’à sa résurrection et sa montée au ciel, ces grands docteurs montraient avec saint Augustin, qui les résume tous, que le plus grand des miracles eût été que le monde se fût converti sans miracles.

Pas de genre antinaturel: voilà le difficile. Comment monter en chaire sans lancer quelques jolies phrases, sans jeter des fleurs de rhétorique à son auditoire, sans faire de grands gestes? D’abord Fénélon fait observer que les anciens évêques eussent été bien embarrassés pour faire de grands gestes, leurs immenses chasubles qu’ils ne quittaient pas pour prêcher les en empêchant; puis, il savaient que, pour qu’une instruction soit retenue, il faut qu’elle soit courte. Courte, elle doit être substantielle, sans quoi on n’a pas le temps d’y mettre grand’chose.

Un ancien curé de Paris, avant d’être curé, entendant un prêtre, jeune alors comme lui, se vanter d’avoir prêcher une passion de trois heures moins un quart, lui riposta qu’il avait prêché trois heures et quart. Un vieux missionnaire, lui aussi plus tard curé de Paris et mort noyé à Brest, les écoutait dans un coin. « Tant pis, messieurs, s’écria-t-il avec sa brusquerie amicale, tant pis, trois fois tant pis: tant pis pour vous, tant pis pour votre sermon, tant pis pour votre auditoire »! Donc il faut n’être ni antinaturel, ni long. Quant à la rhétorique, hélas! est-on bien rhétoricien quand on court après les phrases, sonores à force d’être creuses? Question à traiter plus tard.

J’aime aussi les prônes dans lesquels le prédicateur sait ce qu’il veut dire. Le même curé de Paris, noyé à Brest, se croyait philosophe. En conséquence il crut devoir composer un volume de philosophie. Le livre était sur le métier depuis dix ans, et quand je le rencontrais, je le pressais de le faire paraître. Mon homme retardait, retardait, retardait. « Quand donc, lui dis-je un jour, ferez-vous gémir la presse? -Ah! me répondit-il avec un soupir, c’est que je fais et refais sans cesse. Or quand je suis arrivé à la fin, je pense autre chose que ce que j’ai mis au commencement. »

Il ne faudrait pas qu’un prône fut ainsi fait, à moins que, pour éviter l’apparente contradiction entre le commencement et la fin, on le fit sans queue ni tête.

Hélas! quand je repasse les jours anciens, comme le roi David, dont je vais avoir bientôt l’âge, je suis bien forcé de dire que plus d’un de mes sermons, de mes prônes étaient un peu comme la philosophie de mon cher curé. Aussi, avant d’avoir soixante-dix ans révolus, je veux offrir aux lecteurs du Pèlerin quelque chose qui soit comme une réparation de mes prédications interminables de jadis. Quoi? Des méditations, des plans d’instructions, des canevas de prônes, quelque chose de court, de simple, de naturel, de surnaturel et surtout pas antinaturel. Si je réussis, ce dont je doute, les bienveillants lecteurs, si je leur suis utile, voudront bien dire une fois pour toutes un Ave Maria pour ma conversion.

Notes et post-scriptum