ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • LA COMMUNION DES SAINTS ET L'ADORATION DE L'AGNEAU
  • Le Pèlerin, V, 1877, n° 44, 3 novembre 1877, p. 688-690.
  • CL 26.
Informations détaillées
  • 1 ANCIEN TESTAMENT
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CIEL
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 EGLISE CELESTE
    1 EGLISE MILITANTE
    1 EGLISE SOUFFRANTE
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JOUR DES MORTS
    1 PAPE
    1 PRIERES POUR LES AMES DU PURGATOIRE
    1 REGNE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-SACREMENT
    1 SAINTE VIERGE
    1 SAINTS
    1 SYMBOLE DES APOTRES
    1 TOUSSAINT
    2 ANGELICO, FRA
    2 DAVID, BIBLE
    2 JEAN, SAINT
    2 JESSE, BIBLE
    2 JOACHIM, SAINT
    2 RAPHAEL SANZIO
    2 VAN EYCK, HUBERT
    2 VAN EYCK, JEAN
    2 VITET, LOUIS
    3 BRUGES
    3 ITALIE
    3 JERUSALEM
    3 MONT SION
  • 3 novembre 1877.
  • Paris
La lettre

La fête de la Toussaint, immédiatement suivie de la Commémoraison des morts, exprime, dans la prière publique et solennelle de l’Eglise, la merveilleuse unité de la société, qui est une dans le Christ et dont les membres sont partagés en trois groupes: l’Eglise du ciel, l’Eglise du purgatoire, l’Eglise de la terre; le combat, l’expiation, la gloire: telles sont les trois phases par lesquelles passe le vaste et indestructible royaume de Jésus-Christ, l’Eglise, jusqu’au jour où le triomphe définitif aura réuni tous ses membres dans la Jérusalem céleste. Mais, bien que placés dans des séjours divers, les saints sont en communion les uns avec les autres, il y a entre eux communication de mérites et de prières. Nous prions et honorons les saints du ciel; nous prions pour les âmes saintes du purgatoire, et les saints du ciel à leur tour prient pour nous; les âmes délivrées du purgatoire par nos prières nous rendent avec surabondance ce que nous avons fait pour elle.

Telle est la foi de l’Eglise, exprimée, dès le temps des apôtres, par un article du Symbole: Je crois la communion des saints.

Les artistes chrétiens ont exercé chacun à leur manière leur puissances de création à traduire pour les yeux cette magnifique unité de la société chrétienne dans le Christ. A cette grande pensée se rattache la fameuse peinture de Raphaël, que l’on désigne ordinairement sous le nom de Dispute du Saint-Sacrement, et qui exprime si bien l’union du ciel et de la terre dans le mystère de l’Eucharistie.

Avant Raphaël, Fra Angelico en Italie et les frères Van-Eyck à Bruges avaient réussi à traduire cette unité, dans des oeuvres admirables: l’un en groupant les saints autour de la Vierge glorifiée, les autres en représentant les saints en adoration devant l’Agneau.

C’est cette dernière composition que le Pélerin est heureux de mettre aujourd’hui sous les yeux de ses lecteurs.

S. Jean dans le livre de l’Apocalypse a tracé à grands traits cette scène, que son regard d’aigle apercevait dans la lumière de l’inspiration.

« L’Agneau était debout sur la montagne de Sion et avec lui cent quarante-quatre mille qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts.

« Et j’entendis une voix du ciel, comme la voix de grandes eaux et comme la voix d’un grand tonnerre, et la voix que j’entendis était comme le son de joueurs de harpes qui jouent de leurs instruments.

« Ils chantaient comme un cantique nouveau.

« Ce sont ceux qui ont été achetés entre les hommes, premices pour Dieu et pour l’Agneau; et dans leur bouche il ne s’est point trouvé de mensonge; car ils sont sans tache devant le trône de Dieu. »

Telles sont les paroles inspirées que les frères Hubert et Jean Van-Eyck ont essayé de traduire dans la peinture de Bruges, splendide composition qui, par l’expression des visages et l’éclat du coloris, mérite bien d’être appelée une vision du paradis.

La scène se passe sur une colline verdoyante et fleurie, la colline de Sion, en vue de la Jérusalem céleste, dont les remparts et les tours se dessinent à l’horizon.

L’Agneau est sur l’autel, au centre de la composition; son sang inépuisable coule dans le calice. Sur le devant de l’autel on lit: Ecce Agnus Dei, qui tollit peccata mundi. « Voici l’agneau de Dieu qui porte les péchés du monde. » La victime reçoit les adorations et les chants de reconnaissance des saints. Une couronne d’anges splendidement vêtus entoure l’autel. Les deux qui sont en face encensent l’Agneau. Quatre placés au fond soutiennent les instruments de la passion: la croix, la lance, le roseau, la colonne de la flagellation. Les autres ont les mains jointes et contemplent l’Agneau mystique.

Sur le premier plan jaillit une fontaine, la source des eaux vivifiantes de la grâce: « L’Agneau sera leur Pasteur; il les conduira à des fontaines d’eau vive, » dit encore S. Jean.

Quatre groupes distincts représentent les saints de toute tribu, de toute langue, de toute nation, car c’est des quatre points cardinaux que le Christ réunit les siens.

Vers le haut à gauche, s’avance le groupe des martyrs; on les reconnaît aux palmes qu’ils tiennent dans les mains, et aux premiers rangs la tiare pontificale nous rappelle le grand nombre de papes qui ont versé leur sang à l’imitation de Jésus-Christ. A droite les saintes femmes, les vierges, les martyres s’avancent en foule vers l’époux sans tache.

Au premier plan, à gauche, les saints de l’Ancien Testament sont représentés par les prophètes et les patriarches. Au milieu d’eux on distingue le père de David, Jessé, vêtu de blanc, tenant à la main un rameau qui doit porter la fleur du salut. Derrière lui le roi-prophète avec sa couronne, et devant lui Joachim, le dernier anneau de cette chaîne bénie, qui tient lui aussi le rameau de son heureuse paternité.

A droite de la fontaine, les apôtres vêtus de blanc, les souverains pontifes, les évêques, les docteurs, les uns agenouillés, les autres debout et rendant leurs hommages à la divinité de l’Agneau, représentent les chefs de la société parfaite dont Jésus est le roi, mais dont le gouvernement est confié aux vicaires du Christ et aux successeurs des apôtres sur la terre.

Au sommet l’Esprit de Dieu apparaît sous la forme de la colombe, et des traits de lumière se dirigent vers les deux groupes du premier plan, pour nous montrer l’inspiration et l’unité des deux Testaments.

« Ce n’était pas petite chose, dit M. Vitet, que de mettre en mouvement tous ces bataillons de fidèles, et de les conduire ainsi vers un centre commun, par groupes variés de caractères et d’attitudes, sans confusion et sans raideur, non comme un régiment ou une procession, mais comme une foule ardente, passionnée et cependant modeste et recuille.

Ainsi les maîtres flamands, comme les maîtres d’Italie, mettaient au service de la vérité la puissance de leur génie, et savaient, par un effort presque surhumain, traduire sous des formes sensibles, pleines de vigueur et de charme, les grands enseignements des Livres sacrés*.

Notes et post-scriptum