ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.14
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • CANEVAS D'UN PRONE POUR LE DIMANCHE DE LA DEDICACE
  • Le Pèlerin, V, n° 45, 10 novembre 1877, p. 713-714.
  • TD 8, P. 14; CO 218.
Informations détaillées
  • 1 ARCHITECTURE SACREE
    1 AUMONE
    1 AUTEL
    1 BAPTEME
    1 CONFESSIONNAL
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 EGLISE
    1 FORTUNE
    1 PARTIE D'EDIFICE DU CULTE
    1 PAUVRE
    1 PREDICATION
    1 SERVICE DE L'EGLISE
  • 10 novembre 1877.
  • Paris
La lettre

Ce prône a été trouvé dans les papiers d’un vieux curé, mort il y a 20 à 30 ans, à 98 ans six mois neuf jours. C’était un homme d’autrefois; il était vicaire vers l’époque de la grande Révolution, qui l’avait empêché de polir convenablement son style. Quelles que soient les imperfections littéraires, nous les pardonnons à cause de la franchise des idées.

Mes très chers frères,

C’est aujourd’hui la dédicace des églises de France, et j’en profiterai pour vous dire quelques mots du temple matériel et pour m’étendre un peu plus sur le temple spirituel que le temple matériel représente.

Les églises ont diverses architectures. Le Nord, dit-on, s’arrange mieux du genre ogival, improprement dit gothique; on prétend que le roman convient mieux au Midi; quand au genre byzantin avec ses dômes, on le met un peu partout sans que je puisse dire pourquoi. Les églises byzantines ont, m’a-t-on assuré, un grand dôme flanqué de quatre petits, ce qui représenterait Notre Seigneur avec les quatre évangélistes. Mais je n’en suis pas plus certain que de l’interprétation donnée au rabat, qui, selon les uns, signifie les tables de la loi de Moïse, selon les autres, dans ses deux parties veut dire la loi ancienne et la loi nouvelle, à moins qu’il ne les représente successivement toutes deux selon qu’il est vieux ou qu’il est neuf, sale ou propre. Mais comme en général, il est surtout sale, je me permets de croire ce symbolisme trop en faveur de l’ancienne loi et quelque peu juif; et, quant à moi, je suis de l’avis d’un excellent chanoine de Quimper-Corentin, qui eût préféré renoncer à la vie plutôt que de quitter son rabat, et je n’accepterai jamais l’horrible collet romain, uniquement bon à forcer les gens à être propres et à enrichir les blanchisseuses.

Mais parlons du temple spirituel, ce qui est bien plus important.

Eh bien, rien de déplorable comme de voir les églises mal tenues. La propreté de l’église représente en général la netteté de la conscience des paroissiens, ou peut-être du conseil de fabrique. Je ne voudrais pas fréquenter les paroissiens d’une église malpropre, et je ne voudrais pas signer les comptes de marguilliers qui laisseraient trop d’arraignées à la voûte, à moins que cette voûte ne fut extrêmement élevée. Ce n’est pas que l’on ne rencontre des églises très propres, parce que personne n’y va, ou parce que l’on y fait payer si cher les chaises que les pauvres ne peuvent pas y aller. Grâce à Dieu nous n’en sommes pas là, et je vois avec plaisir pauvres et riches se grouper autour de cette chaire. Du reste, comme les pauvres sont toujours les plus nombreux, si ma chaire devenait déserte, je ferais ce que fit un missionnaire de mes amis, mort en odeur de sainteté, bien que je l’aie vu s’impatienter contre des religieuses qui lui donnaient un trop bon dîner. Voici ce qu’il me raconta un jour: je le laisse parler:

« Figurez-vous, mon cher, me dit-il, que les sept curés de la ville sont allés trouver l’évêque pour se plaindre de ce que j’attirais trop de monde dans mon église. Monseigneur m’a fait appeler, et, avant de rien entendre, il m’a lavé la tête d’importance. Quand il a eu fini, Monseigneur, lui ai- je dit, voulez-vous me permettre de dire à Votre Grandeur le moyen employé pour remplir ma chapelle? Au lieu de faire payer les chaises, je m’impose des privations; je fais des quêtes, et je trouve moyen de donner deux sous à tous les pauvres qui viennent m’entendre. Ils viennent d’abord pour les deux sous, puis ils viennent pour la parole de Dieu, et les pauvres sont évangélisés, grande preuve selon Notre- Seigneur de la vérité de sa prédication, quand il était ici bas. »

Venez donc, mes chers paroissiens, car si vous abandonnez l’église, j’irais prier les riches de me pourvoir de quoi donner deux sous aux pauvres présente à mes sermons.

Vous parlerai-je de l’amour que vous devez avoir pour l’église. N’y avez-vous pas été baptisés? je ne puis sentir les baptêmes en chambre, et par conséquent, les ondoiements; mais le baptême qui vous représente la mort au péché, la résurrection avec Jésus-Christ, l’adoption des enfants de Dieu, comme c’est beau ! Si vous êtes enfants de Dieu et que l’église soit sa maison, vous êtes chez vous dans l’église, puisque vous y êtes, chez votre père, père très puissant qui vous donnera ce que vous lui demanderez, pourvu que vous le lui demandiez comme il faut.

Vous dirai-je tous les bienfaits du confessionnal? Ah! pour cela, laissez moi dire aux hommes que vous devriez le fréquenter plus souvent, d’autant plus que si le confessionnal vous répugne, je suis à vos ordres à la sacristie ou au presbytère.

Et l’autel où Jésus s’immole pour vous, où vous n’allez jamais le trouver dans la semaine, où vous l’adorez si mal le dimanche, parce que vous avez la tête pleine de votre commerce ou de vos récoltes; sans parler des demoiselles qui y vont pour se faire voir et des jeunes gens qui y vont pour voir les demoiselles. Ceci me rappelle qu’un dimanche où je ne chantais pas la grand-messe, je vis un jeune homme tournant le dos à l’autel; je sortis de ma place, et je lui dis, en le frappant doucement par derrière: « Monsieur, l’autel est du côté où vous avez le dos! » Je partis aussitôt, et, trois jours après, je reçus une lettre où le jeune homme m’assurait que jamais il n’avait été plus recueilli qu’au moment où je l’avertissais qu’il ne l’était pas du tout. C’est bien possible, mais alors comme les apparences trompent quelques fois!

Et la sacristie? Ah! bien, je profiterai de l’occasion pour avertir les enfants de choeur de ne pas se battre là-bas, quand je prêche. Et quant à la sacristie en elle-même, je ne dirai pas que mon sacristain boit le vin de la messe, c’est un trop honnête homme pour cela; non, Pierret, je ne te soupçonne pas, entends-le bien, mais fais-moi le plaisir de surveiller les polissons de chipeurs qui profitent de l’oïdium pour boire le vin que j’achète fort cher. Je me borne à cette misère de la sacristie pour ne pas dire trop.

Enfin, mes chers frères, soyez bien respectueux, bien silencieux à l’église; venez-y demander les grâces nécessaires à votre salut, confessez-vous souvent, rappelez-vous les promesses de votre baptême, et disposez- vous à être, comme de beaux diamants, l’éclat de ma couronne dans l’éternité que je vous souhaite.

Notes et post-scriptum