ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.39
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • CINQUIEME DIMANCHE APRES L'EPIPHANIE
  • Le Pèlerin, N. S., II, n° 58, 9 février 1878, p. 88-90.
  • TD 8, P. 39; CO 227.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 AUGUSTIN
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CIEL
    1 ENGAGEMENT APOSTOLIQUE DES LAICS
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 MONASTERE
    1 PERSEVERANCE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRUDENCE
    1 REGLE DE SAINT-BENOIT
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SALUT DES AMES
    1 SATAN
    1 SOLITUDE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    2 BENOIT, SAINT
    2 CLAIRE, SAINTE
    2 DOMINIQUE, SAINT
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 GERMAIN, SAINT
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 LOUISE DE MARILLAC, SAINTE
    2 SCHOLASTIQUE, SAINTE
    2 THERESE, SAINTE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 MONT CASSIN
    3 OCCIDENT
    3 PROUILLE
  • 9 février 1878.
  • Paris
La lettre

Nous laisserons aujourd’hui de côté l’Evangile du jour et nous nous occuperons spécialement d’une admirable servante de Dieu, la vierge Scholastique, soeur de saint Benoît.

J’ai visité la chapelle où, étant venue passer la journée avec son frère, celui-ci vers le soir voulut s’en retourner au monastère. Scholastique le conjurait de passer encore la nuit avec elle. Benoît s’y refusa, de peur d’avoir l’air de fournir prétexte à la violation de la règle. Mais Scholastique mettant la tête dans ses mains pria avec une telle abondance de larmes qu’aussitôt le ciel se couvrit de nuages, et la pluie, les tonnerres se précipitèrent avec une telle furie qu’il fut impossible à Benoît de sortir; et Scholastique, se tournant vers lui: « Maintenant, partez si vous le pouvez, et voyez comment Dieu vient de m’accorder sur-le-champ ce que vous m’aviez refusé avec tant de dureté ». Le lendemain ils se séparèrent, pour rentrer chacun dans leur couvent, et peu après Benoît, priant dans sa montagne, vit l’âme de sa soeur monter au ciel sous la forme d’une colombe.

Que de leçons dans cette vie dont nous connaissions si peu! D’abord Benoît s’était enfui dans la solitude; mais bientôt la puissance d’attraction que Dieu accorde à certains serviteurs se fait sentir. Il attire non seulement des religieux qui se formeront sous sa règle, mais encore des vierges à qui il donnera une règle, sous la conduite de Scholastique. Grande puissance à COUP Sûr, mais bien nécessaire pour grouper les catholiques dispersés, désorganisés en face de la révolution. On ne leur demande pas, comme à Benoît et à Scholastique, d’attirer au désert, mais on leur demande d’attirer partout où deux ou trois peuvent se réunir au nom de Jésus-Christ, afin que par leur union et leur entente leurs forces se multiplient et préparent les triomphes de l’Eglise.

Que faisait Benoît quand, après avoir été plusieurs années solitaire, il se décida à prendre des disciples et poursuivit son entreprise malgré les rebuts des commencements? Il préparait pour l’Occident la grande oeuvre des cloîtres, d’où devaient surtout sortir les apôtres de la barbarie. Que faisait-il encore, quand il donnait un asile à sa soeur au pied du mont Cassin et l’aidait à réunir un essaim de vierges autour d’elle? Il ouvrait des asiles merveilleux d’où la prière devait, pendant tant de siècles, s’élancer avec plus de pureté vers le ciel. C’était l’époque des grandes invasions. Les Goths, les Vandales, les Huns se précipitaient sur les ruines de l’empire romain, et, pendant que leur oeuvre de sang et de destruction s’accomplissait dans les villes /et/ dans les champs cultivés, des fugitifs inconnus d’abord suspendaient comme des nids aux flancs des monts, dans l’épaisseur des forêts, sur les rochers de la mer, des cabanes que la foi devait plus tard transformer en vastes édifices et où la sainteté, la pénitence, le zèle, la science chrétienne allaient préparer leurs prodiges.

Scholastique, obéissant à son frère, faisait de son côté une oeuvre admirable et révélait ce qui s’est vu constamment dans les grandes oeuvres catholiques. Saint Benoît en s’occupant des hommes chargea sainte Scholastique de préparer un asile aux épouses de Jésus-Christ, comme saint Augustin en avait chargé sa soeur. Saint Dominique avait fondé l’abbaye de Prouilhe, avant de s’occuper de jeter les fondations de son ordre. Saint François d’Assise eut sainte Claire, saint Vincent de Paul Mlle Legras. D’autres fois les religieuses commencent, les religieux suivent, comme saint Jean de la Croix suivit sainte Thérèse. De tous ces faits que conclure? C’est que Dieu bénit ces efforts communs pour travailler à sa gloire.

Oserai-je tirer un autre enseignement de la demande de sainte Scholastique, dans sa dernière rencontre avec saint Benoît? Evidemment la conduite du saint patriarche était la plus sage, la plus prudente. Celle de sainte Scholastique fut pourtant sanctionnée par un prodige. Pourquoi? Parce qu’au- dessus de la prudence il y a les ardeurs de l’amour divin. Scholastique, dont la vie de la terre allait s’évanouir, voulait être préparée par son frère à ce passage vers le ciel, dont elle indiqua le moment à celui-ci en se montrant à lui sous la forme d’une colombe. Les paroles de Benoît devaient l’embraser davantage et consumer en elle les derniers restes d’imperfection, dont elle désirait être purifiée. Le désir de la vierge était excellent. L’histoire ne dit pas sans doute que rien indiquât en elle une fin prochaine, mais elle avait probablement en elle une réponse de mort, et la mort avait le droit de la rendre exigeante. A peine le dernier soupir rendu, elle ouvrit ses ailes et s’élança vers la patrie; mais Benoît lui avait donné la puissance de prendre un vol plus rapide et plus vigoureux.

Soyons, nous aussi, exigeants quand il s’agira de nous préparer à la mort; mais pour cela sachons nous en occuper. Sollicitons de vrais amis qui n’attendent pas le dernier moment pour dire: « Voilà l’heure »; faisons comme Scholastique, obtenons qu’un homme de Dieu reste longuement avec nous ou du moins multiplie ses visites. Ceci dépend de l’état de chacun. Satan redoute le prêtre au lit du moribond. Scholastique, sur sa couche funèbre, n’eut plus son frère pour recevoir son dernier soupir; un saint évêque saint Germain s’en chargea. Ainsi par Benoît et par Germain fut-elle introduite aux pieds du céleste époux. Sachons au dernier moment n’être pas exposés à cette solitude terrible, où les parents ne sont souvent plus les vrais consolateurs. Demandons à Dieu qu’il nous ménage les vrais /consolateurs/, et si nous savons y mettre l’insistance de Scholastique, ils ne nous feront pas défaut.

Seigneur, donnez-nous un saint Benoît pour nous préparer à la mort, un saint Germain pour nous fermer les yeux.

Notes et post-scriptum