ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.61
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • DIMANCHE DES RAMEAUX
  • Le Pèlerin, N. S., II, n° 67, 13 avril 1878, p. 240.
  • TD 8, P. 61.
Informations détaillées
  • 1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ANGOISSE
    1 APOSTASIE
    1 CHATIMENT
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 DECADENCE
    1 DESPOTISME
    1 DIEU
    1 DIVIN MAITRE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 EUCHARISTIE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JEUDI SAINT
    1 JUIFS
    1 LACHETE
    1 MARIE
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SATAN
    1 SEMAINE SAINTE
    1 TRAHISON
    1 TRIOMPHE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTUS
    1 VICES
    1 VIOLENCE
    2 CESAR-AUGUSTE
    2 DAVID, BIBLE
    2 GOLIATH
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 JEAN, SAINT
    2 JUDAS
    2 LAZARE
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 PILATE
    3 ASIE
    3 EUROPE
    3 JERUSALEM
  • 13 avril 1878.
  • Paris
La lettre

Entrons dans la grande semaine de notre rédemption; entrons-y des palmes à la main; c’est la semaine des triomphes. Triomphe de la lumière sur les ténèbres, de la vérité sur l’erreur, des souffrances sur les voluptés coupables, du sacrifice sur l’égoïsme, de l’humilité sur l’orgueil, de l’obéissance sur la révolte, de la mort sur la vie, du ciel sur l’enfer, de Dieu sur Satan.

Mais souvenons-nous que dans ce combat étonnant Jésus-Christ, le vrai David, laisse à Goliath ses armes puissantes, et ne se sert que de la fronde pour le frapper au front et le renverser mort. Goliath est vaincu, Israël épouvanté est vainqueur, sans presque s’en douter, tant le coup a été prompt, inattendu. Satan a ses armes, Jésus-Christ a les siennes. Satan a les richesses, la science, les passions, la haine, la révolte; Jésus-Christ a l’anéantissement, la souffrance, les cris perçants de la prière, l’amour. Il aime les hommes, ses disciples, jusqu’au bout, in finem dilexit eos, et il va à Jérusalem, monté sur un âne, aux cris d’une multitude qui proclame sa victoire sur la mort au tombeau de Lazare, en attendant qu’elle le mette à mort lui-même. Il va au cénacle instituer le mémorial de ses merveilles, memoriam mirabilium suorum; et quand, de ses propres mains, il s’est donné à manger à ses disciples, il va au jardin des Oliviers, aux tristesses de la mort, dans cette effroyable agonie qui lui fait répandre une sueur de sang. La vue des péchés du monde entier que son Père lui met sur les épaules, comme le plus lourd des fardeaux, l’écrase; il n’en peut plus, il lui faut un ange pour le consoler pendant ses affreuses angoisses. Ses disciples les plus chers ne croient pas avoir mieux à faire que de dormir. O amitiés humaines, que faites-vous ici?

Judas approche, le baise et le livre aux valets. Ses apôtres fuient; ils se sont réveillés pour abandonner leur Maître. Après tout, c’était l’heure des grands criminels, et la puissance des ténèbres; c’était l’heure des docteurs apostats et des prêtres prévaricateurs; c’était l’heure de la grande trahison, de la plus grande des miséricordes en face des plus grands crimes, et avant que le soleil ne se levât, trois fois la miséricorde devait triompher sur la croix, comme plus tard la justice sur les ruines de Jérusalem. Ainsi se préparaient les tendresses de Dieu et ses colères, victorieuses les unes et les autres, inépuisables aussi, les unes pour le repentir, les autres pour l’endurcissement obstiné.

Or, Jésus est conduit devant les tribunaux. La casuistique des prêtres, la légalité de Pilate, le rire obscène et sceptique d’Hérode, les fureurs de la populace forment quatre espèces de jugement qui s’unissent pour le condamner: comme un sacrilège pour les uns, comme un ambitieux pour les autres, comme un imbécile pour celui-ci, comme un criminel dont on ne connaît pas bien les crimes pour ceux-là. Qu’importe? Le spectacle d’un homme mis en croix aura, pour cette bête féroce qu’on appelle le peuple, la saveur d’un combat de gladiateurs. L’amphithéâtre sera le Calvaire. Il y aura du sang répandu. La volonté du sang est si grande pour les peuples abrutis! Les hommes devenus pourceaux ont besoin de paraître sous la peau et avec les dents du tigre.

Telle est la raison des proscriptions révolutionnaires, telle était la continuation des moeurs romaines, jusque sur les plages de l’Asie. Elles devaient plus tard faire retour dans le monde européen.

Mais, la croix aura son accompagnement: les soufflets les crachats, les coups, la flagellation, le couronnement d’épines, le manteau de pourpre sur ses épaules divines et ensanglantées, le sceptre de roseau, les saluts dérisoires, Pilate présentant l’homme par excellence: « Ecce homo« , un moment après, le proclamant roi: « Ecce rex vester« , afin que le peuple pût proclamer qu’il n’avait pas d’autre roi que César, et que Dieu n’était plus le sien. C’est là la grande apostasie par où commence l’esclavage des peuples qui disent de Jésus-Christ: « Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous ». Alors paraît un empereur, un gendarme, -peu importe-, avec son fouet, ses chaînes, ou le talon de sa botte. Le peuple renverse l’empereur, refoule un instant le gendarme ou le licteur pour retomber dans une servitude plus douloureuse et plus méprisée. C’est l’histoire de tous les temps. Vous ne voulez pas de Dieu, vous aurez des despotes.

On impose la croix sur les épaules de Jésus. Il s’avance vers le Calvaire. Malgré ses chutes nombreuses, il avance; il est cloué au bois du supplice et le voilà élevé, « hors de la porte, extra portam« , entre le ciel et la terre, sous le regard de son Père, à qui, prêtre et victime, il s’offre dans un grand amour pour la réconciliation des pécheurs, pour la pacification des cieux.

Que se passa-t-il dans l’âme du divin Maître, pendant cette étonnante agonie qui n’a rien de comparable chez aucune créature? Les douleurs de son âme étaient bien vives; mais qu’étaient les tortures de son coeur pendant qu’il s’écriait: « Mon Père, mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné? » Qu’était cet abandon? Quelles en étaient les désolations inexprimables? Angoisses miséricordieuses, remède de tous ceux qui pour Jésus-Christ et son Eglise entreprennent des travaux durs, se meurtrissent les pieds sur les cailloux du chemin et les mains pour défricher les terres semées de ronces. Angoisses fécondes, quand elles sont un modèle aux âmes qui veulent persévérer dans la prière, malgré les ténèbres et les désolations. Puis, au milieu des insultes des docteurs, consolé seulement par Marie, Jean, Madeleine et quelques femmes plus courageuses que les apôtres en dispersion, Jésus expire et le monde est sauvé.

Heureux ceux qui, attachés à leur croix, imitent Jésus mourant et l’aident dans leur amour à sauver le monde par les fruits de sa mort!

Notes et post-scriptum