ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.77
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  • CINQUIEME DIMANCHE APRES PAQUES
  • Le Pèlerin, N. S., II, n° 73, 25 mai 1878. p. 338-339.
  • TD 8, P. 77.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 APOTRES
    1 AUGUSTIN
    1 BIEN SUPREME
    1 DIEU LE FILS
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
    1 GRACE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 JESUS-CHRIST MEDIATEUR
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LACHETE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROVIDENCE
    1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
    2 JEAN, SAINT
    2 MARIE DE BETHANIE
    2 PHILIPPE, SAINT
    3 HIPPONE
  • 25 mai 1878.
  • Paris
La lettre

Saint Augustin trouve le passage de saint Jean réservé pour l’évangile d’aujourd’hui plein de difficultés. Essayons pourtant de l’expliquer, à la suite du docteur d’Hippone.

« En vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous l’accordera ». Oui, mais il faut demander au nom de Jésus-Christ, tel qu’il est et non pas tel qu’on se le figure. Pour demander au nom de Christ, il faut le connaître, il faut l’étudier, il faut s’en pénétrer, en rendre la doctrine pratique en soi, en l’imitant comme homme, en l’adorant comme Dieu. Et voilà pourquoi nous croyons demander au nom de Jésus-Christ et que, ne demandant pas réellement en ce nom divin, nous ne sommes pas exaucés. N’accusons que nous-mêmes. Car, de sa part, il y a une inexprimable tendresse dans ces mots: « En vérité, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit complète ». Quelle bonté dans la forme de ce reproche et quelle élévation!

Jusqu’à présent, vous ne m’avez rien demandé ». Certes, ils avaient demandé, mais des avantages terrestres. Or, ce qui est de la terre n’est rien. Ce qui est réel, ce qui donne la vraie joie, ce sont les biens supérieurs, divins; ce sont les dons qu’il faut solliciter du Père au nom du Fils; ce sont ces biens qu’il veut nous donner pour répandre en nous les plénitude de la joie. Tout ce qu’on demande en dehors de ces biens n’est absolument rien: Quidquid aliud petitur, nihil petitur;. Cherchez hors de Dieu, vous ne trouverez pour le coeur de l’homme que mensonge, déception, douleur néant.

« Jusqu’à présent, je vous ai parlé en paraboles ». Effrayant mystère que celui du Sauveur prêchant de façon à être à peine compris de ses disciples; mais, comme nous le disions dimanche dernier, Jésus-Christ n’a voulu révéler la vérité que peu à peu. Maintenant je ne vous parlerai plus en proverbes, en figures, mais je vous parlerai ouvertement de mon Père. Alors se présentera une autre difficulté: comment pourrons-nous le comprendre? Quand il parle en parabole, nous ne connaissons que très peu, mais nous comprenons ce peu mis à notre portée. Quand il nous parle ouvertement des profondeurs de la divinité, la vérité, comme le soleil, nous éblouit par son éclat. Que faire? Où nous tourner? Ah! c’est le moment de demander: ;Domine, fac ut videam;. Et comme nous ne demandons à voir que ce qu’il y a de plus divin, autant que cela nous est donné ici-bas, nous obtiendrons ce que nous demandons.

Le monde ne comprend pas le charme, la beauté, la puissance de cette doctrine; il la repousse, la dédaigne. Qu’en ferait-il? Mais l’âme saisie par la grâce se demande si elle ne doit pas céder à l’invitation du Maître divin, s’asseoir à ses pieds comme Marie et se faire enseigner par lui ce qu’il veut bien lui enseigner sur son Père, sur Dieu: palam de Patre meo annuntiabo vobis. Mais pourquoi avoir l’intelligence de ces choses? Afin de comprendre les vues de la Providence sur nous, afin de nous abandonner toujours plus aux exigences de cette vérité qui a bien le droit de demander beaucoup. Que de chrétiens n’ont aucun souci de comprendre, de peur d’être obligés de faire davantage! Ce n’est pas de l’impie seulement qu’il faut dire: « Il n’a pas voulu comprendre, de peur d’être obligé à bien faire, no luit intelligere, ut bene ageret« ; c’est de tout chrétien qui ne fait pas des progrès suffisants dans la vérité, parce qu’il ne veut pas profiter des lumières que Jésus-Christ tient à sa disposition, de peur d’être obligé à l’effort pour détruire les péchés et acquérir les vertus de sa position.

« Je ne vous dis plus que je prierai mon Père pour vous ». Il semble qu’il y ait un moment où le rôle de Jésus-Christ a son terme. Prise à la lettre, cette proposition serait hérétique. Mais dans l’amour qu’il veut inspirer à ses disciples pour son Père, il cherche en quelque sorte à s’effacer, afin que, sans supprimer son intercession, nous nous livrions à cette pensée filiale que nous avons un Père qui nous aime et qui nous l’a prouvé quand il nous a donné son Fils, « afin que qui croit ne périsse pas, mais ait la vie éternelle ».

Oui, le Père nous aime: Ipse enim Pater amat vos, quia vos ne amatis. Qui voit Jésus-Christ voit son Père, lui-même l’a affirmé à Philippe. Qui aime Jésus-Christ aime le Père et est aimé de lui: ;ipse enim Pater amat vos, quia vos me amatis. Or, dit saint Augustin, nous avons aimé, parce que nous étions aimés. Après tout, le don de Dieu c’est de l’aimer, donum Dei est diligere Deum, et c’est ici le prodige des prévenances divines. Ipse ut diligeretur dedit, qui non dilectus dilexit. « Il nous a donné afin d’être aimé, lui qui a aimé ceux qui ne l’aimaient pas ». Nous avons été aimés quand nous lui déplaisions, afin de pouvoir mettre en nous de quoi lui être agréable. Quelles avances d’un Dieu vers sa créature rebelle! Je me perds dans cet abîme de miséricorde, mais je veux y puiser toute espérance et tout amour.

Voilà pourquoi Jésus-Christ est sorti de son Père. Il en est sorti, mais il y retourne, afin de nous y ramener nous-mêmes. Tel est le commerce d’un Dieu sollicitant les âmes de se donner à lui et de monter avec lui au plus haut des cieux, dans le sein même de Dieu.

Les apôtres commencent à comprendre. Ils avouent que leur Maître sait toutes choses. Ils ne concluent pas qu’ils sont à lui irrévocablement; non, car dans quelques heures ils l’abandonneront. Mais enfin il y a un commencement de foi: In hoc credimus, quia a Deo existi.

Imitons les disciples. Hélas! ne sommes-nous pas bien souvent aussi grossiers qu’eux? Mais si nous les imitons dans leurs défaillances, imitons-les dans leur foi.

Seigneur, nous aussi, nous voulons croire. Au milieu des ténèbres qui se font, nous nous attachons à votre doctrine. Elle vient du Père, comme vous en venez. Répandez-en les rayons sur nous, donnez-nous l’amour du Père, et par ce don nous vous serons toujours fidèles. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum