ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.92
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • LA FETE-DIEU
  • Le Pèlerin, N. S., II, n° 77, 22 juin 1878, p. 400.
  • TD 8, P. 92.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 CHATIMENT
    1 COMMANDEMENTS DE L'EGLISE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 DROITS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 JANSENISME
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 LIBERTE
    1 PECHE D'OMISSION
    1 PETITES MAISONS
    1 PROCESSION DU SAINT-SACREMENT
    1 ROI DIVIN
    1 SACRILEGE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SAUVEUR
    1 SOUVERAIN PROFANE
    2 ADAM
    3 FRANCE
    3 JAPON
  • 22 juin 1878.
  • Paris
La lettre

Christum regem adoremus dominantem gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem.

« Adorons le Christ-roi, maître des nations, qui donne à ceux qui se nourrissent de sa chair la santé de l’esprit. » Telle est l’invitation par laquelle l’Eglise commence l’office de ce jour.

I. La première vérité exprimée ici, c’est le règne du Christ. Le Christ est roi, et sa royauté n’est pas un simple titre de gloire; il domine toutes les nations: dominantem gentibus. La procession solennelle du Corps du Seigneur est une manifestation extérieure qui proclame la domination du Christ sur les peuples.

Quand donc nous voyons les peuples se révolter contre le culte extérieur de l’Eucharistie, nous avons le droit de protester, de déclarer que la liberté de l’Eglise est atteinte, car le Christ est le maître des nations, et les peuples révoltés subissent tôt ou tard les effets de la colère du ciel. Un roi éternel et tout puissant ne peut être longtemps désobéi et méprisé.

Un prince, à qui son peuple ne permettrait pas de sortir de son palais, ne posséderait qu’une ombre de pouvoir, ne jouirait que d’un titre illusoire. Mais si ce prince est Dieu, si ce prince possède une puissance infinie, quelque immenses que soient sa miséricorde et sa mansuétude, pensez-vous qu’il ne se lassera pas un jour des prétentions insensées de ses sujets et ne gouvernera pas avec la verge?

« Tu les gouverneras avec une verge de fer et les briseras comme le vase d’argile », dit le Seigneur à son Fils par la bouche du prophète.

N’est-ce pas un immense sujet de tristesse pour les chrétiens qui habitent les grandes cités de penser que tous ont le droit de circuler librement, excepté le souverain Maître du ciel et de la terre? Gens de négoce et gens de plaisir, ouvriers et oisifs, petits et grands, tous ont un droit égal d’aller et de venir, d’encombrer les ponts et les promenades et Jésus-Christ n’a pas ce droit! Pour honorer n’importe quel prince étranger, on dressera des estrades, on organisera un cortège. Nous sommes loin de blâmer ces actes d’hospitalité, mais le Christ ne mérite-t-il pas autant et plus d’égards qu’un roi païen ou qu’un ambassadeur du Japon? Non; qu’il reste dans les églises, qu’il ne sorte pas de la sacristie. Et s’il faut aller visiter les malades, consoler ceux qui souffrent, fortifier les agonisants, il ne pourra traverser les rues qu’en se cachant; car s’il se contrait, il gênerait la liberté des courtisanes et des penseurs. Voilà où nous en sommes au XIXe siècle du Dieu incarné. Et cependant les droits du Christ sont imprescriptibles.

II. Mais s’il ne nous est pas permis à tous de manifester publiquement la royauté du Christ sur le monde, tâchons du moins de lui donner dans ses demeures des témoignages de soumission et d’amour. La marche triomphale de la fête du Corpus Domini est le complément de ce culte intérieur et plus intime du Très Saint Sacrement, qui est le centre vivifiant de la piété catholique. Car ce souverain, -là est le mystère,- est en même temps la nourriture de ses sujets: « Qui se manducantibus das spiritus pinguedinem; il donne à ceux qui le mangent l’embonpoint spirituel ».

Lorsque Adam eut péché, Dieu dit: « Chassons l’homme du paradis, de peur qu’il ne mange du fruit de l’arbre de vie ». Or ce fruit divin, ce fruit vivant et vivifiant, nous l’avons retrouvé: il est apparu au Calvaire, suspendu à l’arbre de la croix, et depuis lors il est dans le tabernacle, toujours vivant dans la sainte Eucharistie, toujours prêt à se donner à nous pour nous rendre la santé de l’esprit. Et non seulement il nous est permis de toucher à ce fruit, mais l’Eglise veut que nous en fassions notre nourriture. Elle nous fait une loi de communier au moins une fois l’an, au temps de Pâques, et nous invite à manger aussi souvent que possible ce pain céleste qui possède en lui toute délectation. Combien de chrétiens baptisés ne satisfont même pas au précepte! Aussi la santé de l’esprit devient de plus en plus rare, et, sans parler de ceux qui peuplent les maisons de santé, de combien de lumières ne se privent pas ceux qui, sans perdre la raison, la laissent inactive et endormie pour tant de bien qu’ils pourraient faire.

On ne saurait trop inspirer d’horreur pour la communion sacrilège, mais la crainte exagérée du sacrilège exerce sur les âmes, en France du moins, une influence si pernicieuse qu’on reconnaît dans le préjugé qui éloigne de la communion fréquente une de ces manoeuvres sataniques, dont l’hérésie janséniste savait si bien se servir. Disons-le donc bien haut, il n’est pas nécessaire d’être parfait pour communier souvent, et l’abstention absolue de la communion dénote un mépris des lois de l’Eglise et des désirs de Jésus lui-même, qui est un péché aussi grand, sinon plus grand, que la communion sacrilège. On ne peut être sauvé sans manger la chair du Christ; c’est lui-même qui l’a déclaré dans l’Evangile. Arrière donc ces barrières que le rigorisme a élevées entre Dieu et les âmes, entre Jésus et l’homme qu’il veut sauver, en se donnant à lui avec la plénitude de ses dons!

Notes et post-scriptum