ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.109
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • TROISIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 129, 21 juin 1879, p. 396.
  • TD 8, P. 109.
Informations détaillées
  • 1 BON PASTEUR
    1 CRITIQUES
    1 EGLISE
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 ENVIE
    1 GRACE
    1 INDUSTRIELS
    1 JUIFS
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 PARENTS
    1 PLAN DE DIEU
    1 REDEMPTION
    1 RESPONSABILITE
    1 SALUT DES AMES
    1 SCANDALE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
  • 21 juin 1879.
  • Paris
La lettre

Les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus; or les pharisiens et les scribes murmuraient et disaient; en voilà un qui reçoit les pécheurs et mange avec eux!

L’Eglise est remplie de gens qui font consister leur christianisme à tout blâmer, à tout critiquer. Qu’était venu faire ici-bas le Sauveur? Sauver le genre humain coupable. Comme opérer cette merveille? En abordant les pécheurs sans doute? Nullement. D’abord ces docteurs, si justes à leurs propres yeux, voyaient peut-être avec une secrète jalousie Notre-Seigneur ne les pas laisser dans leur majestueuse solitude, et leur donner des émules de vertu. Puis au nom de leur impaccabilité personnelle, ils croyaient peu qu’une conversion capable d’élever un vil publicain à leur sainteté fût possible. Prendre un homme aussi humble que ce pharisien, aussi modeste que ce scribe? Allons donc! Ah! nous le prenons dans ses propres pièges, ce fameux réformateur! Voyez-le recevoir les pécheurs et manger avec eux. Encore une fois, comment pourrait-il les convertir sans les aborder? Eussiez-vous voulu, hommes admirables, qu’il les ramenât par sa grâce seule? Mais dans ce cas il n’avait qu’à l’envoyer du haut du ciel, et y rester lui-même. C’eût été en effet plus simple. Seulement qui eût su les prodiges de sa grâce? Et que fût devenu et le mystère de l’Incarnation et le mystère de la Rédemption? Le plan divin était bouleversé. Le beau malheur! Dieu aurait eu la consolation d’en faire à la guise des pharisiens et des scribes.

Tout cela est parfaitement absurde, n’est-ce pas? Quand on veut persuader quelqu’un on lui parle, on entre en relation avec lui. Mais ce blâme des pharisiens est bien plus commun qu’on ne le croyait du premier coupe. « Jean est venu en jeûnant, et l’on a dit: C’est un possédé du diable. Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et l’on a dit: C’est un ivrogne: ;potator vini« . Comment faire pour contenter le monde? Comment faire? Ne rien faire. Et encore alors on vous blâmera de n’avoir rien fait. Car vous deviez faire quelque chose, uniquement pour fournir aux pharisiens l’occasion de vous blâmer, et si vous ne la fournissez pas, sachez que vous serez blâmé de ne pas la fournir.

Jésus vient pour convertir les pécheurs, s’il les aborde, il va à eux, il accepte pour leur parler les invitations qu’on lui fait. O crime! ô scandale! Mais grands rigoristes, censeurs impitoyables, qui convertissez-vous? je vous le demande! Question impertinente; il s’agit bien de convertir, il s’agit de rester dans sa raideur, dans son dédain universel. O Pharisiens!

Qu’il est beau de se draper dans son manteau philosophique et de dire; il n’y a rien à faire. Je vous le déclare, il y a presque tout à faire, puisqu’il n’y a presque rien de fait.

Mais alors la question se transforme, et, au lieu de dire: qu’ai-je à faire? il se faut demander: que n’ai-je pas à faire? Eh oui, que n’avez-vous pas à faire, chefs de famille qui vous occupe si peu de vos enfants, et qui pour conserver votre pain négligez d’apprendre le prix de leurs âmes? Vous avez fort à faire, maîtres et maîtresses de maisons, pour y porter l’ordre chrétien. Vous avez fort à faire, chefs de grandes industries; quand au milieu de vos ouvriers vous ne leur demandez que du travail, en échange d’un salaire, vous oubliez que vous avez charge d’âmes, et que si vous scandalisez le plus petit d’entre eux, il vaudrait mieux qu’on vous passât au cou une meule d’âne, mola asinaria, et qu’on vous précipitât au fond de la mer. Ah! que de meules il y aurait à passer au cou de certains industriels!

Ne vaut-il pas bien mieux ne pas aborder les pécheurs et les laisser tranquilles? Notre-Seigneur ne l’entend pas ainsi. Eût-on son troupeau entier dans la bergerie, si une seule brebis manque, il faut courir après, il faut l’atteindre, la charger sur son épaule et revenir avec une grande joie, partagée par les anges du ciel. Quatre-vingt-dix-neuf justes, si ce sont des pharisiens qui n’ont pas, le croient-ils du moins, besoin de pénitence, voyez-vous, ce n’est pas grand’chose. Quel avis à certains honnêtes gens! Mais un pécheur qui se frappe la poitrine, ah! voilà que quoi mettre la joie au ciel et dans les choeurs angéliques.

Concluons que, nous aussi, nous devons courir après les brebis égarées. Peut- être aussi pourrons-nous examiner, si nous ne sommes pas de ceux à qui la pénitence serait très utile, ne fût-ce que pour ne pas trop ressembler aux scribes et aux pharisiens.

Notes et post-scriptum