- TD 8.117
- ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
- CINQUIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
- Le Pèlerin, N. S., III, n° 131, 5 juillet 1879, p. 426.
- TD 8, P. 117.
- 1 ADVERSAIRES
1 AMOUR-PROPRE
1 AUTEL
1 BONTE
1 CHARITE DE JESUS-CHRIST
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 DEFENSE DES DROITS DE DIEU
1 DOUCEUR
1 JUSTICE DE DIEU
1 LACHETE
1 MAITRISE DE SOI
1 MECHANTS
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 OUBLI DE SOI
1 PAIX
1 PAIX DE L'AME
1 PARDON
1 THOMAS D'AQUIN - 5 juillet 1879.
- Paris
Ce que Notre-Seigneur recommande le plus, c’est la loi de charité sous toutes ses formes. Loi facile avec nos amis, loi difficile avec nos ennemis et avec tous ceux dont nous avons à nous plaindre. Pourtant Jésus-Christ demande cet effort de notre part. On ne sait pas, en effet, assez la force de cette bienveillance qui pousse à prendre les choses et les hommes du bon côté, Mansueti autem haereditabunt terram, et habitabunt in multitudine pacis. Conserver la paix, la répandre autour de soi, quel bienfait! Jésus- Christ lui-même a proclamé le bien de la douceur: Beati mites, quoniam ipsi possedebunt terram. Cette terre dont parle là le divin Maître; c’est la terre des vivants, c’est le ciel sans aucun doute; mais quelle puissance dès ici-bas n’obtiennent pas la douceur et la bienveillance! Non pas qu’il faille confondre ces telles dispositions de l’âme parfaite avec la faiblesse et les complaisances coupables envers les méchants. La distinction est bien facile à faire; soyez doux, bon, quand il s’agit de votre intérêt propre; soyez inébranlable, quand il s’agit de l’intérêt de Dieu. Hélas! que de chrétiens confondent ces deux états: défendre sa cause et défendre la cause de Jésus-Christ. Et en combien de circonstances est-on apte à soutenir ses droits personnels, est-on complètement indifférent, quand il ne s’agit que des intérêts divins! Or, c’est tout le contraire qui doit avoir lieu. Faites bon marché de ce qui vous est propre, soyez inflexible, quand il s’agit de vous poser en défenseur des lois d’en haut et tout ce qui concerne la lutte pour le royaume céleste.
Le prophète s’écriait: Vidi praevaricantes, et tabesoebam, et il se glorifiait de cette sainte colère, qui n’avait pour principe que la gloire de Dieu offensée et non pas un faux point d’honneur.
D’autant plus qu’en bien des circonstances on se croit offensé et qu’au fond on ne l’est pas du tout; on s’est offensé soi- même à propos de rien, et combien de fois celui qui se pose en victime a-t-il plus de torts véritables? Ah! nous avons une pierre de touche: l’autel où est immolée la victime offerte dans toute l’innocence de la sainteté infinie. Irons-nous nous approcher d’elle avec un coeur qui ne soit pas pacifique? Saint Thomas d’Aquin fait bien observer qu’on n’exige pas une profonde tendresse pour ses ennemis, il veut que l’on pardonne au fond du coeur. Voyez ce que votre coeur ressent pour ceux qui, selon vous, vous ont fait quelque injure. Devez-vous donc ne pas défendre vos intérêts? On ne vous dit point cela; on vous dit seulement que la défense légitime peut fort bien s’allier avec la charité, et que bien souvent la charité qui se domine aide à se défendre bien plus utilement, parce qu’étant plus maître de soi, on voit mieux ce qu’il y a à faire, quel parti prendre dans son propre intérêt bien entendu. La charité procure le sang-froid, et le sang-froid est le plus utile auxiliaire dans certains moments de crise. Mais ce n’est point là le motif supérieur qui nous commande la bienveillance envers nos détracteurs, et tous ceux qui peuvent nous offenser de quelque manière que ce soit. Le motif, c’est que nous serons jugés à la mesure à laquelle nous aurons mesuré les autres, et, au dessus de tout, c’est que tout le pardon accordé par nous, nous fait ressembler à Jésus-Christ disant à son Père du haut de la croix: « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Sachons pardonner, prions pour ceux qui nous veulent du mal, et, semblables au divin Maître, nous conquerrons à sa suite la terre de la vraie patrie.