ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.121
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  • SEPTIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 133, 19 juillet 1879, p. 454.
  • TD 8, P. 121.
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 HYPOCRISIE
    1 LIBRE PENSEE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MENSONGE
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 TOLERANCE
    1 VERITE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
  • 19 juillet 1879.
  • Paris
La lettre

Défiez-vous des faux prophètes! Quelle recommandation plus importante que celle-là dans les temps présents? Aujourd’hui tout le monde est prophète. Qui ne prophétise pas? Chaque citoyen est convaincu de la divinité de son opinion; on en change bien quelques fois et même souvent, mais ce qui est dans le cerveau du premier venu est incontestablement la vérité….pour le quart d’heure. Malheureusement la vérité de Pierre n’est pas celle de Paul, et Jacques dit le contraire de Jean. Mais voyez-vous, et voilà le mystère, c’est absolument comme s’ils disaient la même chose. J’irai plus loin; il importe que l’on se jette à la face le blanc et le noir, le oui et le non, sans quoi où seraient les droits de la libre pensée? Donc chacun ayant le droit de dire tout ce qu’il pense et même ce qu’il ne pense plus, mais qu’il pensera peut-être encore demain, il en résulte que cette magnifique harmonie d’avis opposés forme l’ensemble toujours incomplet de la pensée moderne et de son progrès indéfini.

Quelle naïveté aux chrétiens de penser avec leur fondateur que la vérité est une; la vérité est la contradiction, le droit de contredire les autres et de se contredire soi-même. Vous voyez bien que tout le monde peut prophétiser. Il est vrai que le Sauveur des hommes a eu la simplicité d’enseigner et de vouloir qu’on crût que deux et deux font quatre, ce que ne feraient jamais deux et trois; il a porté ses prétentions jusqu’à dire que le jour et la nuit n’étaient pas la même chose; mais la science moderne a bien su lui montrer qu’il avait tort. La lumière et les ténèbres sont identiques, au nom de la philosophie du jour, et en même temps ne sont pas identiques; d’où il faut conclure que tout peut être vrai et tout peut être faux, et que par conséquent chacun peut se dire prophète, sans qu’il faille la moins du monde conclure qu’il y a de vrais ou faux prophètes, c’est au choix des gens. Défiez-vous, ne vous défiez pas, c’est absolument la même chose.

Eh bien! malgré les principes modernes, certaines gens ont la simplicité de croire que la vérité est éternelle, qu’elle est une, que deux et deux font toujours quatre et non pas cinq, et que quand le soleil est couché, tout le monde est à l’ombre. De soi-disant chrétiens vont jusqu’à penser qu’après tout Jésus-Christ n’avait pas tort en affirmant qu’entre deux propositions contradictoires l’une est vraie et l’autre est fausse, que par conséquent il y a des prophètes de vérité et des prophètes de mensonge, et qu’il faut essentiellement se défier de ceux-ci.

Attendite a falsis prophetis. Menteurs dans le fond, ils le sont dans la forme, ce qui montre leur malice. Un homme peut dire le contraire de la vérité, sans être un menteur pour cela; il se trompe et tout homme est sujet à errer. Mais prendre le masque d’une hypocrisie dangereuse, jusqu’à ce que, devenu le plus fort on puisse dévorer le troupeau du pasteur et le pasteur lui-même, c’est prouver qu’on a la conscience de ce que l’on fait, et, sans faire de personnalité, les exemples modernes surabondant. Il importe donc de se défier, et bien sot qui, au nom de la tolérance, ne se défie pas; il sera étranglé, déchiré, dévoré. Il n’aura que ce qu’il aura voulu, et ce ne serait que justice, si d’autres ne devaient en pâtir. Enfin on peut les juger à leurs fruits: a fructibus eorum cognoscetis eos. Leurs fruits, c’est l’immoralité, l’improbité, la perte du sentiment du bien et du mal, le cynisme, la dégradation des âmes, en un mot les moeurs modernes, fruit des idées modernes, a fructibus eorum cognoscetis eso.

Qu’une masse d’êtres abrutis trouvent cela très bien, je n’ai rien à dire; j’estime toutefois que les chrétiens non abrutis ont le droit de trouver un pareil état très mal, les fruits très mauvais et les arbres qui les portent pires encore. Et si la hache de saint Jean est à la racine de ces arbres, eh bien! nous laisserons couper les racines, et si les arbres en meurent, nous dirons qu’on l’aura voulu.

Entre les chrétiens sincères et les faux prophètes Notre-Seigneur place la classe larmoyante des béats à la bouche ouverte pour dire sans cesse: « Mon Dieu! mon Dieu! » et qui n’entreront pas pour cela dans le royaume des cieux. N’entrera que qui aura fait la volonté du Père céleste; et le Père céleste n’est pas assez injuste pour punir ceux qui ne font pas sa volonté, parce qu’ils ne la connaissent pas. Donc elle est publiée, donc il faut la connaître, donc le vrai peut être distingué du faux, et le bien du mal; donc les faux prophètes sont des imposteurs. Ayons le courage de le leur dire en face et de les fuir par tous les moyens.

Notes et post-scriptum