ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.136
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  • TREIZIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 139, 30 août 1879, p. 556.
  • TD 8, P. 136.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 DECADENCE
    1 GRANDEUR MORALE
    1 HAINE CONTRE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INGRATITUDE
    1 JUIFS
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTIONS HUMAINES DE JESUS-CHRIST
  • 30 août 1879.
  • Paris
La lettre

Dix lépreux se présentent à Notre-Seigneur, il les guérit tous. Un seul, le seul qui ne fût pas juif, un étranger, vient le remercier. Les autres avaient autre chose à faire. Ainsi va le monde, l’ingratitude est à l’ordre du jour. où sont les neuf autres? demande Jésus-Christ. Ah! oui, ils prendront bien la peine de venir remercier celui à qui ils doivent la santé! mais ils n’y songent seulement pas. Au fait faut-il prendre la peine de remercier et ne vaut-il pas mieux demander toujours?

Le coeur sous certains appétits abrutissants fini par se méconnaître lui-même, tant l’ingratitude lui est devenue une seconde nature, et l’on peut dire qu’un peuple est bien près de sa fin, quand il n’est composé que d’ingrats. La vérité est la base de toute société, mais l’honnêteté des sentiments en est le ciment indispensable. Otez l’élévation des sentiments, vous verrez un prompt et universel abaissement des institutions et des hommes. Or ce qui élèves l’homme, c’est le coeur, et c’est pour cela que la Vérité faite homme a voulu nous montrer le plus grand amour. Qui est grand comme Jésus? Tu solus altissimus, Jesu Christe, lui change l’Eglise depuis bientôt dix-neuf siècles. Or la gloire de Jésus-Christ, c’est d’être aussi reconnaissant que généreux. quidquid minimis horum fecistis, mihi fecistis. Or ce Dieu fait homme, bon et reconnaissant à la fois, ne trouve qu’ingratitude. Qui sait? Les neuf lépreux qui ne revinrent pas allèrent peut-être au temple. On leur dit peut-être: « Défiez-vous. Il vous a fait du bien; quel intérêt a-t-il à vous en faire? -Vraiment je n’en sais rien. -Ne vous y laissez pas prendre. Il a mal parlé des docteurs de la loi, des scribes et des pharisiens; si c’était un conspirateur! En vérité, je vous le dis: défiez-vous ». Et les neuf lépreux se défièrent, ils se tatèrent peut-être pour voir s’ils étaient victimes de quelque maléfice. Ils n’étaient victimes de rien, que de leur ingratitude qui cherchait un prétexte. Enfin ils ne revinrent pas.

Avons-nous bien raison de trop anathématiser ces pauvres gens, parce qu’ils furent ingrats? Et nous, que faisons-nous tous les jours? Quelles montagnes d’indifférence, d’ingratitude, n’opposons-nous pas à la charité du Sauveur! Et situation plus déplorable que celle des lépreux, eux restèrent guéris; mais notre ingratitude nous faisant abuser des trésors de sa grâces mis à notre disposition, l’âme reste infirme, paralysée, incapable d’aucune action. Ainsi se perd la possibilité de monter à des hauteurs presque divines par l’élan de ces sentiments généreux dont on ne veut plus. Les sentiments ont disparu, que voulez-vous qu’il reste? Je le répète, quand l’universalité d’un peuple en est venu là, l’universalité de ce peuple privé de principe de cohésion s’effondre sous les souffle du premier vent parti de l’horizon et ne laisse plus qu’un vaste amas de poussière.

C’est la gloire de Jésus et de son Eglise de chercher avec son merveilleux acharnement à reconstruire les individus et les nations, les individus en leur rendant le principe de la charité, les nations en leur rappelant leur raison d’être et les lois qui doivent les maintenir. La loi est une certaine expression de l’ordre; mais quand l’ordre n’est pas aimé, que la loi est méprisée, que les chefs ne sont plus respectés, que les citoyens entre eux ne se tendent plus la main, qu’attendre, qu’une prochaine dissolution? Nous en voyons quelques exemples.

Telle est la destinée du peuple juif, telle est inévitablement la destinée des peuples dont les membres ne connaissent plus entre eux ni l’affection ni la reconnaissance. Demandons au divin Sauveur de nous donner d’autres sentiments et de refaire notre coeur semblable au sien, dans la bonté, la générosité et la gratitude.

Notes et post-scriptum