ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.158
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • VINGT-DEUXIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 148, 1 novembre 1879, p. 700.
  • TD 8, P. 158; CO 212.
Informations détaillées
  • 1 ANARCHISTES
    1 ARCHITECTURE SACREE
    1 CHATIMENT
    1 DESPOTISME
    1 DROITS DE DIEU
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 GALLICANISME
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 IMPOTS
    1 JUIFS
    1 JUSTICE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PAPE
    1 SAUVEUR
    1 SOUVERAIN PROFANE
    2 CESAR-AUGUSTE
    2 CHARLEMAGNE
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 JEAN, SAINT
    2 MICHEL-ANGE
    2 NERON
    2 PIERRE, SAINT
    2 PLATON
    3 AFRIQUE
    3 ASIE
  • 1 novembre 1879.
La lettre

Quand Notre-Seigneur, interrogé par les pharisiens qui lui tendaient des pièges en lui demandant s’il fallait, oui ou non, payer le tribut à César, leur répondit: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », il leur fit une réponse digne de leur question. Mais que certains juristes aient vu là la solution du problème posé entre le pouvoir humain et le pouvoir divin, cela nous semble fort. En effet, supposez que Pierre et Paul se font un procès à propos d’un bien dont chacun des deux prétend être propriétaire. Supposez que le tribunal réponde en ces termes: Considérant que la justice veut qu’on rende à chacun ce qui lui appartient, nous ordonnons qu’on rende à Pierre ce qui est à Pierre et à Paul ce qui est à Paul. Pierre et Paul se trouveraient-ils bien avancés après un pareil arrêt? Je me permets d’en douter. Et quand le Sauveur dit: Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, que faut-il conclure, je vous prie? Voilà pourtant sur quoi on a cru pouvoir bâtir tous les systèmes gallicans. L’argument était pauvre, la base faible, l’échafaudage construit dessus trop peu solide; il devait crouler, et nous assistons tous les jours à la dégringolade. Les paroles du Sauveur en sont-elles moins des paroles divines? Elles le sont très certainement, mais leur sens vrai est celui-ci: Si César a ses droits, Dieu aussi a les siens, et il ne faut pas laisser, au nom de ses droits, César absorber les droits de Dieu.

Ah! si les droits divins n’étaient pas imprescriptibles, depuis combien de temps ne seraient-ils pas escamotés! Heureusement que de temps à autre César a des ennuis! Il tient beaucoup à manger du prêtre et du pape, mais il lui arrive d’en mourir et il se trouve (chose merveilleuse) que ni prêtre ni pape n’ont été mangés. Je parle de l’institution, car qu’importe que quelques martyrs de plus aillent au ciel porter aux pieds du trône de Dieu le cri que S. Jean entendait déjà, quand il écrivit son Apocalypse: Vindica sanguinem nostrum qui effusus est!

Ce ne fut pas le sang des martyrs qui cause la ruine des Eglises d’Afrique et d’Asie, ce fut la corruption des chrétiens.

En jetant les yeux sur ce qui se passe, on ne peut s’empêcher de voir une grande conspiration contre les droits de Dieu; humainement parlant ils sont rudement compromis. Mais dites-moi donc, je vous prie, où est César? Il reviendra, on n’en saurait douter, si, comme je le voyais dans Platon pendant ma rhétorique, il est nécessaire qu’aux excès d’un peuple déchaîné succède le joug d’un tyran. Peut-être viendra-t-il autre chose, l’excès du mal peut ramener le bien, n’insistons donc pas là-dessus.

Ce que je tiens à bien constater, c’est que si César a des droits quelconques, Dieu a les siens, qu’il a pris la peine d’énoncer très nettement. on n’a qu’à les chercher dans les saints Livres; Moïse et les prophètes d’abord, puis Jésus-Christ. Il importe de bien les connaître et d’en prendre la défense.

Ne nous faisons pas illusion, le monde marche vers un ordre nouveau. On aperçoit les premières lignes des immenses constructions que prépare l’avenir. L’Eglise catholique, cette vaillante ouvrière que les ruines faites par d’autres que par elle n’ont jamais effrayée, parce qu’elle sait qu’elle peut rebâtir là ou d’autres ont détruit, l’Eglise poursuit son oeuvre. Qu’était le tombeau de saint Pierre quelques années après Néron? Que fut la basilique constantinienne, quand le premier empereur chrétien voulut travailler à ses fondations? Qu’était-elle sous Charlemagne? Au moyen-âge la nef principale était entourée de petites églises appartenant aux diverses nations chrétiennes; un pape chargea Michel-Ange de donner de l’unité à ces édifices disparates, le Panthéon fut lancé dans les airs. On dit qu’il menace ruine. Soyez certain que le soir même du jour où le tombeau du prince des apôtres serait obstrué par d’immenses ruines, un pape les déblaierait, élèverait un monument plus magnifique, plus harmonieux que les précédents. Peut-être s’occupant mois des Césars ingrats, il se contenterait de graver sur le frontispice: RENDEZ A dIEU CE QUI EST A DIEU. Et la beauté du temple de pierre et de marbre serait une humble image de la beauté de l’édifice moral que les papes, ces impérissables architectes, tiennent en réserve pour l’avenir.

Notes et post-scriptum