ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.180
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • LA SEPTUAGESIME
  • Le Pèlerin, N. S., IV, n° 160, 24 janvier 1880, p. 894.
  • TD 8, P. 180; CO 228.
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT
    1 CONNAISSANCE MORALE
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CONTRITION
    1 DEMOCRATIE CHRETIENNE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENNEMIS DIVERS
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 OUBLI DE SOI
    1 PRUDENCE
    1 REFLEXION
    1 SACREMENT DE PENITENCE
    1 SCANDALE
    1 TRAITES
    1 VERTU DE PENITENCE
    2 JONAS, BIBLE
    2 NAPOLEON Ier
    3 ILE D'ELBE
    3 LYON
    3 NINIVE
  • 24 janvier 1880.
  • Paris
La lettre

Le temps de la pénitence recommence pour les chrétiens, l’Eglise les invite à s’envelopper d’une tristesse divine et à pleurer leurs péchés qui attirent la colère d’en haut. Depuis un an à peu près, de puis Pâques, que de crimes commis même par ceux qui aux Pâques dernières se sont réconciliés avec Dieu! Et que dire de ceux qui ne se réconcilient pas depuis bien des années? Que dire de ceux qui n’ont de chrétien que le baptême, et de ceux qui ne veulent pas que leurs enfants soient baptisés? Que dire encore de ceux qui ont juré haine au Christ et s’enrôlent sous les bannières de Satan, pour livrer au nom de l’enfer une guerre éternelle au Ciel? J’ai couché quelquefois, à Lyon, dans la chambre impériale à l’archevêché, et d’où Napoléon Ier, au retour de l’île d’Elbe, entendait la foule crier: « A bas le ciel! vive l’enfer! » De vieux grands vicaires me contaient que l’empereur, se tournant vers eux, leur dit: « Vous entendez, Messieurs? » Sans vouloir scruter ce que dans la bouche de la multitude signifiaient ces paroles, on peut affirmer que ce n’était pas précisément l’amour de la religion. Eh bien, ces horribles blasphèmes ne sont-ils pas dépassés par les masses qui dans certaines villes ne prennent pas même la peine de s’enquérir s’il y a un enfer et s’il y a un ciel? La haine contre l’Eglise n’est pas moindre, et le mépris de Dieu est bien plus grand. Et ce sont, encore une fois, des chrétiens par le baptême. Les hommes sans le signe du Christ n’ont pas eu le temps d’arriver à la vie publique; mais patience, cela viendra.

Eh bien, un pareil état général n’a-t-il pas effrayé la colère du ciel? N’a-t-elle pas le temps de s’allumer? Et s’il faut s’étonner de quelque chose, c’est que ses foudres tardent encore à partir et à frapper ceux qui ont juré de renverser le trône de Dieu et de son Christ. Que faire donc, sinon faire une pénitence efficace? Ce qu’il y a à faire, c’est d’abord de s’humilier. Où sont les plus grands pécheurs? Les trouverons-nous chez ceux qui, grandis dans l’ignorance des vérités religieuses et dans les pratiques de l’immoralité, ne savent pour ainsi dire plus ce qui est le bien, ce qui est le mal, et qui, selon l’expression de Dieu à Jonas à propos des Ninivites, ne savent pas distinguer leur main droite? Ne faut-il pas plutôt les chercher dans les rangs des chrétiens qui ont tant reçu et ont si peu profité, qui ont les mains pleines des dons de Dieu et les profanent tous les jours? Encore une fois, où sont les plus coupables, parmi les aveugles inconscients ou parmi les ingrats volontaires?

Ne nous hâtons donc pas de jeter la pierre indistinctement à ceux que l’on appelle dans l’Eglise catholique les ennemis de Dieu. Dans le sein même de cette Eglise ne pourrait-on pas trouver des ennemis bien plus redoutables, précisément parce qu’ils trahissent avec plus de science leurs serments si solennellement prêtés? Hélas! hélas! qui sert Dieu pour Dieu? Et, comme à chaque pas on trouve des chrétiens qui se posent comme tels, mais pour eux-mêmes! Où est la divinité nettement? Où est le désintéressement? Où est le dévouement absolu? Où sont ceux qui crient avec le prophète: Zelo zelatus sum pro domo Dei? Ils sont rares. C’est pourquoi la pénitence est indispensable, et nous sommes tenus de penser à sa nécessité et d’en étudier les caractères.

Elle doit porter l’horreur des péchés commis, mais une horreur intelligente! Que d’hommes qui ne pensent jamais à l’espèce de maux causés par leurs fautes! Quels scandales au dehors! Quels ravages au dedans! Il faut édifier au dehors pour détruire le scandale; il faut reconstruire au fond de son coeur tout ce que le péché y avait renversé. Mais ce travail veut être fait avec sagesse, et il importe que la prudence en dirige les détails. Or, la prudence ne peut agir sans réfléxion, et c’est pourquoi avant la pénitence, la méditation doit précéder: sedebit solitarius et tacebit, disait le prophète. Impossible d’aller en avant dans la pénitence affreuse, si on savait se l’imposer sérieusement?

N’allons pas plus loin. Pendant le Carême, nous aurons à revenir sur cette question essentielle. Pour aujourd’hui, faisons consister la pénitence dans la réflexion sérieuse, attentive, par laquelle la conscience, se repliant sur elle-même, voit sa laideur et s’applique à la faire disparaître.

Notes et post-scriptum