- TD 8.194
- ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
- TROISIEME DIMANCHE DE CAREME
- Le Pèlerin, N. S., IV, n° 165, 28 février 1880, p. 967.
- TD 8, P. 194; CO 199.
- 1 AMOUR DU CHRIST
1 ANARCHISTES
1 DIABLES ADVERSAIRES
1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
1 ESPRIT FAUX
1 GENEROSITE DE L'APOTRE
1 JUIFS
1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
1 PRUDENCE
1 PRUDENCE DE LA CHAIR
1 RUSE
1 SAUVEUR
3 BABEL - 28 février 1880.
- Paris
Jésus chasse un démon, et ce démon était muet. Grande question de savoir qui sont plus dangereux des démons qui parlent ou des démons qui se taisent. Evidemment, quand l’enfer ouvre ses portes et qu’une foule de gens prêtent leurs langues aux diables bavards, c’est une confusion semblable à celle de la tour de Babel. Mais il n’y a pas à s’inquiéter beaucoup. Ces avis en sens opposés, ces cris, ces jalousies, ces haines dans le camp infernal envahissant la terre sont d’un bon effet. On peut être certain que la fin du mal est prochaine, au moins pour un temps, sauf à recommencer peu après.
Mais quand le diable se tait, c’est qu’il ne veut réveiller ni le maître du champ, ni ses serviteurs. Il sème la zizanie en silence et la mauvaise graine pousse sans bruit, étouffant sans bruit aussi le bon grain. Maintenant nous n’en sommes plus là, au moins dans nos pays. Que vous dirai-je? Le diable sera toujours le diable, et qu’il fasse du tapage ou qu’il n’en fasse pas, toujours il faudra se défier de lui.
Seulement il y a une classe d’humains fort extraordinaire: ce sont ceux de l’espèce des pharisiens, qui se croient fins et attribuent les bonnes oeuvres à Satan. Examinez bien. Voilà un homme qui fait des prodiges de zèle. Zèle imprudent, disent-ils; pour nous, nous aimons peu ces exagérations; cela ne vient pas de Dieu. De qui ce zèle vient-il donc? Mais vous ne voyez donc pas ces excès si dangereux de ferveur! -Mais, encore une fois, ce zèle d’où vient-il?- « Eh bien, puisque vous ne comprenez pas, je vous dirai tout bas: cela vient du diable. Le zèle de Dieu est prudent, le zèle de Dieu est modéré, le zèle de Dieu est tolérant. Ah! la prudence! Ah! la modération! Ah! la tolérance! Quelles belles vertus trop inconnues aujourd’hui! En vérité, je vous le dis, tous ces exagérés, tous ces ardents, tous ces zélés, comme on les appelle dans le Sacré-Collège, ne m’édifient pas beaucoup, et s’ils ont du feu, je me demande s’il ne vient pas du feu de l’enfers.
Il faut le reconnaître, les pharisiens disaient que Jésus-Christ chassait les démons au nom du prince des démons. In principe daemoniorum ejicit daemonia. Le fait avait bien son côté quelque peu paradoxal, mais les très prudents pharisiens avaient dit anathème à qui ne le croyait pas.
A la vérité, le Sauveur n’était pas de leur avis; mais le zèle du maître du monde était-il bien selon la prudence? Evidemment non, puisqu’on le crucifia. Voilà à quel délire et quel blasphème conduit la logique avec un certain amour de la prudence.
Allez, ô prudents; trouvez des raisons, des prétextes, vous ferez pas que tout royaume qui se divise ne soit condamné à la désolation et à la ruine, et que les maisons n’y tombent sur les maisons, c’est-à-dire que les partis ne s’y déchirent et que l’anarchie n’y triomphe.
Et Jésus-Christ ajoute: « Lorsque le fort armé garde sa demeure, tout ce qu’il possède est en paix; mais si un plus fort arrivent en triomphe, il lui ôte toutes ses armes et fera la distribution de ses dépouilles. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne recueille pas avec moi gaspille ». L’entendez-vous? Il n’y a point de milieu, il faut être pour ou contre Jésus-Christ: Qui non est mecum, contra me est, et qui non colligit mecum, dispergit. Il faut en prendre son parti. Pour qui êtes-vous, gens d’entre- deux? Qui non est mecum, contra me est. Etrange embarras des prudents, qui veulent n’être trop ni à droite ni à gauche; pas trop à droite, Jésus-Christ pour eux étant trop tout d’une pièce; pas trop à gauche, l’étiquette d’ami de Satan n’étant pas bien portée.
Seigneur, faites que nous ne soyons jamais contre vous, mais toujours avec vous. Hélas! assez de chrétiens tendent leurs mains dans les deux sens. Que nous ne soyons jamais de ceux-là; que nous servions votre cause, non comme ils l’entendent, ni comme nous l’entendons, mais comme vous l’entendez; écartez de nous le prince des ténèbres, et, la nuit, donnez-nous votre lumière; et que dans ses rayons nous marchions dans la vraie sagesse et le vrai courage pour votre service, dans les épreuves, les travaux et les combats que vous saurez bien un jour récompenser.