ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES

Informations générales
  • TD 8.219
  • ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
  • DEUXIEME DIMANCHE APRES PAQUES
  • Le Pèlerin, N. S., IV, n° 171, 10 avril 1880, p. 1068.
  • TD 8, P. 219.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 ANTIPATHIES
    1 BON PASTEUR
    1 CRAINTE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 GRACE
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JUIFS
    1 MAUVAIS PRETRE
    1 PERSECUTIONS
    1 PROTESTANTISME
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SCHISME
    1 SOCIETES SECRETES
    1 TRAITRES
    1 UNITE DE L'EGLISE
    2 JUDAS
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
  • 10 avril 1880.
  • Paris
La lettre

« Je suis le bon pasteur, le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ». Voilà la perpétuelle action de Jésus-Christ, le don de lui-même. De l’amour de Jésus-Christ découle l’existence et l’union du troupeau. Car d’une part il donne sa vie et ressuscite, et de l’autre, quand il a disparu selon la chair, il est toujours vivant dans ceux qu’il a établis pour le remplacer. Mais sous ce suprême et unique pasteur, ceux qui viendront après lui, ou ceux qui partageront sa sollicitude, seront reconnus à ce trait caractéristique qu’ils donneront leur vie pour leurs brebis.

A la vérité, parmi les vrais pasteurs unis au pasteur Jésus, se mêleront des mercenaires. C’est la plaie la plus horrible du grand troupeau de l’Eglise. Jésus-Christ les appelle des mercenaires. Saint Paul les proclame de faux frères. Quand le loup vient, ils prennent la fuite, parce qu’ils sont mercenaires, dit l’Evangile. Quelquefois même, ils se tournent du côté du loup; ils donnent pour prétexte que le loup sera apaisé par leurs avances. Quand cet apaisement des loups s’est-il jamais rencontré dans l’histoire? Tant que le loup sera loup, il voudra dévorer les brebis, il en prendra même la peau, alors il joindra la perfidie a la rage; mais il n’a d’autre but et n’en peut avoir d’autre que de détruire et de massacrer: Nisi ut perdat et mactet.

Les pasteurs sont massacrés, eux aussi, mais à celui qui meurt en succède un autre:

Uno avulso non deficit alter,

et les vrais pasteurs se sont toujours reconnus au don de leur vie pour leurs troupeaux, et les mercenaires à la passion de se vendre et à leur lâcheté.

Il est étonnant que le bon pasteur au milieu des plus grands périls ne sacrifie aucun de ses droits. Le troupeau était bien petit, quand le Sauveur se servait de cette parabole prophétique. Mais son regard s’étendant jusqu’aux extrémités du monde, il ajoutait: « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail »; il faut que je les y amène. Le bon pasteur cherche ses brebis partout où elles sont. Jésus-Christ étend son ambition des âmes jusqu’aux extrémités de la terre; il ira partout, par lui ou par ses apôtres; la charité le presse et l’amour de Jésus-Christ pressera ses envoyés: Charitas Christi urget nos. Ils s’en iront aux limites de la terre, ils demanderont partout à découvrir quelque brebis égarée de Jésus. Ils en trouveront, les chargeront sur leurs épaules et les ramèneront au bercail, et ainsi s’accomplira le perpétuel accroissement du troupeau de Jésus-Christ.

D’autre part, il y a cette différence entre le loup et le diable, dont le loup est ici la figure, c’est que le loup n’a que ses instincts, il tue et massacre parce qu’il est loup. Satan est bien autrement habile, et c’est pourquoi il cherche à singer le bon pasteur; il fait lui aussi sa propagande, il a son apostolat, et quand cet apostolat infernal se groupe en sociétés secrètes ou en des réunions bien plus importantes encore, le conseil des ministres de Jésus-Christ semble prêt à être vaincu par le conseil des ministres du diable. -Cela se voit quelquefois; -mais ces derniers n’ont après tout de chances de vaincre quelque part que s’ils peuvent opposer à des pasteurs légitimes des pasteurs vendus, des Judas.

Or, un fait prodigieux, c’est qu’à côté du travail d’unité opéré par l’amour du pasteur envers ses brebis et de son zèle pour attirer celles qui ne sont pas encore de son troupeau, les attaques du loup opèrent un irrésistible travail d’unité. Les brebis menacées de quelque grand danger se groupent avec plus d’empressement autour de leur pasteur. Au lieu de se disperser, les brebis forment un corps compact. Ne sommes-nous pas aujourd’hui les témoins d’un spectacle analogue?

Saint Pierre, parlant de Judas après l’Ascension, avait dit de lui, qu’il s’en était allé en son lieu: Abiit in locum suum. Mais en ce moment, environ cent-vingt disciples étaient réunis dans le Cénacle, propter metum Judaeorum. L’unité était faite. A quelques jours de là, le Saint-Esprit descendra sur eux, l’Eglise sera fondée, et, tandis que la troisième personne de la Sainte Trinité poursuivra son oeuvre, des persécuteurs, de leur côté, y aideront puissamment à leur tour. Le Sanhédrin donnera, sinon les pierres, au moins le ciment de l’édifice. Ils uniront les enfants de l’Eglise par leurs menaces et leurs dénonciations au tribunal des proconsuls.

Ce qui eut lieu au commencement aura lieu jusqu’à la fin des siècles. Le cachet de ce qui est divin, c’est d’être un. La grâce y aide au dedans par une permission providentielle; la haine des méchants y aide presque aussi puissamment au dehors. Voyez ce qui se passe, et dites que la persécution ne fortifie pas l’union des chrétiens entre eux. Les petites querelles tombent, au moins du côté des vrais catholiques. La zizanie disparaît comme d’elle-même; on fait corps devant l’ennemi commun; on sent qu’il s’agit de questions vitales; le zèle s’allume; on sort de cette triste dévotion individuelle, fruit du protestantisme et du contact avec les séparés; on éprouve le besoin d’un signe de ralliement; on se tourne du côté d’où l’unité descend, et l’on assiste à ce spectacle prédit que les croyants triompheront, parce qu’il n’y aura qu’un troupeau et qu’un pasteur.

Notes et post-scriptum