- TD 8.241bis.
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- UN CONTEMPORAIN
L'ABBE SOULAS - Le Pèlerin, V, n° 3, 20 janvier 1877, p. 28.
- TD 8, P. 241 bis.
- 1 ACTION DE DIEU
1 AUMONE
1 FECONDITE APOSTOLIQUE
1 GUERISON
1 HUMILITE
1 MIRACLE
1 OUVRIER
1 PREDICATION
1 SAINTS
1 SALUT DES AMES
1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
1 VERTU DE PAUVRETE
1 VERTUS DE L'APOTRE
2 SOULAS, ANDRE
2 VIGOUREL, CHARLES
3 FRANCE
3 HERAULT, DEPARTEMENT - 20 janvier 1877.
- Paris
Les saints n’ont pas depuis si longtemps disparu de la terre de France qu’on ne puisse espérer en trouver la trace. La vie du père Soulas, qui vient de nous être racontée par son fils spirituel(1), montre que, sous toutes les formes, Dieu multiplie les vertus héroïques soit comme encouragement, soit comme protestation en face des décadences du jour. Le fils d’un humble paysan, brûlé par un zèle d’apôtre, dépense en missions les prèmières années de son sacerdoce, et quand les forces physiques lui font défaut, il tourne les élans de son ardeur vers une série d’oeuvres qui n’exigent ni une grande science ni un grand génie, qui deviennent fécondes comme le bon sens agrandi par la sainteté. Quels pécheurs n’a-t-il pas converti! Que d’âmes n’a-t-il pas consolées! Sans cesse partagé entre la nécessité d’agir et la crainte de mal faire, défiant de lui-même et de ses forces, confiant dans l’impulsion de Dieu, tout ce qui a été son oeuvre, il l’a enfanté avec de grandes et anxieuses douleurs. Qui eût soupçonné, en effet, que ce prêtre, relegué par son Evêque aux premiers jours de son ministère dans une paroisses perdue des montagnes de l’Hérault, en descendrait pour porter sa parole à tant de points du diocèse et fonderait une oeuvre répandue aujourd’hui dans un grand nombre de villes de France. Son grand amour était Jésus-Christ et l’Eglise, et avec l’Eglise par-dessus tout les pauvres et les pécheurs. Son action cherchait même à atteindre les incroyants, non par la controverse, mais par la charité. Il aimait peu les distinctions; je me trompe, il les avait en horreur.
La croix de la Légion d’honneur lui fut infligée; il la refusa; son Evêque parla, il fallut obéir pour vingt-quatre heures. Depuis il n’en remit plus le ruban que pour solliciter la grâce de trois malheureux ouvriers auxquels on voulait ôter le pain de leur famille; la grâce obtenue, le ruban fut vite jeté à la rue; je soupçonne que la décoration elle-même était depuis longtemps vendue pour quelque bonne oeuvre. Se dépouiller de ce qu’il avait, même de ses souliers, même du repas mis sur la table, était son bonheur; il se délectait avec ses vieux habits. Les neufs, qu’on lui donnait en aumône, passaient sur les épaules de quelque exilé qu’il croyait plus malheureux que lui. On l’a vue donner une soutane neuve pour en faire un jupon à une mère de famille, et quant à ses chapeaux, ses pénitentes se mettaient à deux: tandis que l’une le retenait au confessionnal, l’autre plongeait ses ciseaux dans le couvre-chef devenu impossible; il fallait bien accepter alors une coiffure moins déformée, mais non sans récrimination sur ce qu’on eût pu en donner l’argent aux pauvres.
Comment l’homme qui fuyait toute renommée sentait-il sa science monter tous les jours? Comment était-il devenu un centre d’action chrétienne dont les rayons se prolongeaient tous les jours davantage?
Dieu semblait jeter sur ce pauvre prêtre quelques-uns des reflets de sa gloire. Pourtant son humilité cachait tout ce que l’oeil le plus exercé pouvait seul découvrir. Il n’a pas dépendu de lui que ses filles spirituelles et ses nombreux orphelins ne fussent les témoins de la multiplication miraculeuse des légumes et de la farine. Quand tout manquait, il s’adressait à Dieu, et Dieu, en attendant que les aumônes pussent arriver, faisait lui-même l’aumône, en centuplant dans les marmites et dans la machine à pétrir les pois et le pain qu’on n’y avait pas mis.
Depuis, des guérisons, à ce que de graves témoins affirment, ont été opérées par son invocation. Je n’en serais nullement surpris; on a bien voulu rappeler qu’à peine eus-je appris sa sainte mort, j’indiquai comme possible pour lui les honneurs que l’Eglise rend à ses plus vaillants serviteurs. Si, comme on me l’assure, mes prévisions pouvaient se réaliser, quelle joie pour moi, avant de mourir, de témoigner de la foi, de la charité et du zèle pour Notre-Seigneur et le salut des âmes, du désintéressement et de l’humilité de mon ancien compagnon de séminaire et de catéchisme!