ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|ARTICLES DIVERS

Informations générales
  • TD 8.252
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  • LA QUESTION RELIGIEUSE
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 106, 11 janvier 1879, p. 22.
  • TD 8, P. 252.
Informations détaillées
  • 1 BEAU CHRETIEN
    1 CARACTERES DE L'EGLISE
    1 CIEL
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 FORTUNE
    1 JUIFS
    1 LIBERTE
    1 LIBRE PENSEE
    1 LOI ANCIENNE
    1 MORALE
    1 NATURALISME
    1 OEUVRES OUVRIERES
    1 PAPE
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PRINCIPES SOCIAUX DE L'EGLISE
    1 REGNE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 UNION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 ABRAHAM
    2 BORROMEO, EDOARDO
    2 CHARLES-QUINT
    2 DAVID, BIBLE
    2 LE CHEVALIER, JULES
    2 LEON X
    2 LEON XIII
    2 MUN, ALBERT DE
    2 PAUL, SAINT
    2 PEREIRE, ISAAC
    2 PIE IX
    2 SAINT-SIMON, LOUIS DE
    2 SALOMON
    2 SEGUR, GASTON DE
    3 ATHENES
    3 CARTHAGE
    3 EGYPTE
    3 PARIS
    3 ROME
    3 TYR
  • 11 janvier 1879.
  • Paris
La lettre

Sous ce titre un enfant d’Israël se mêle de donner des conseils à l’Eglise catholique(1). Dès la première ligne on pourrait lui dire Rabbi, de quoi vous mêlez-vous? Ou vous croyez l’Eglise une oeuvre humaine, et nous refusons de vous suivre sur ce terrain; ou vous la croyez une oeuvre divine, et alors à quoi bon votre avis étrange. Rapportez-vous-en au S. Esprit, il en ne sait plus que vous, enfant de la libre science. Mais, si vous voulez aller au fond, voyez; Jésus-Christ est né pauvre quoique né du très-riche David. Il a dit: Les renards ont des taniers, les oiseaux des nids, le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. En effet il ne l’a reposée que sur la croix, où vos pères l’ont cloué parce qu’il avait anathématisé les riches: Voe vobis divitibus, et qu’il avait déclaré une guerre à mort entre Dieu et l’argent, ces deux maîtres qu’on ne peut servir à la fois. Le christianisme peut-il se faire l’apôtre des écus?

Est-ce de la part de N.-S. un anathème absolu? Nullement, mais il faut établir l’ordre. Cherchez d’abord le règne de Dieu, le reste vous sera donné par surcroît, c’est ce surcroît dont notre financier veut faire le capital. Jésus-Christ n’y a jamais consenti; l’Eglise catholique, malgré l’appel de Saint-Simon au Pape, n’y consentira jamais, pas plus que son fondateur.

Vous dites que le monde vit par les arts. L’Eglise repousse-t-elle les arts? Voyez le siècle de Léon X. Repousse-t-elle les sciences? Mais qui prépare mieux que les religieux de la rue alhomond à l’école polytechnique? Elle est prête à former ainsi tous les futurs savants, un peu mieux même que l’université. Repousse-t-elle le peuple? Mais le radicalisme l’attaque tous les jours à cause de ses oeuvres populaires! Si M. le banquier auteur ne le sait pas, qu’il interroge M. de Mun ou Mgr de Ségur à Paris, à Rome le cardinal Borromeo; ces hommes travaillent beaucoup, s’occupent beaucoup des ouvriers, et ne cherchent pas à devenir riches comme David, Salomon, et même comme M. Isaac.

Quant à la logique, cherchez-en peu dans la Question religieuse, si vous le voulez être déçu. Ainsi page 84 on nous parle d’un peuple chez lequel l’identité de la religion et de la politique a été solennellement reconnu; nous voulons parler du peuple juif, dont la religion s’est traduite en loi et sous ce rapport a été supérieure au catholicisme comme institution politique.

Alors vous voulez de cette théocratie si détestée des temps modernes?

Patience: remontez au commencement de la brochure; lisez, page 13, Léon X et Charles V commencèrent l’alliance du trône et de l’autel. Crime cause de tous les maux de l’Eglise depuis trois siècles, crime pourtant (si crime il y a) qui attendait, sinon à identifier, du moins à unir le plus possible la religion et la politique, comme chez les Juifs. Si cela a été un bonheur pour les Juifs, comment est-ce un malheur pour les catholiques? et si c’est un malheur pour les catholiques, comment fut-ce un bonheur pour les Juifs? Il serait bon de ne pas se contredire à si peu de pages de distance; et nous ne relevons pas toutes les autres contradictions, il y aurait trop à faire.

Mais vous n’y pensez pas, reprend l’auteur; est-ce que le trône et l’autel réunis ne conspirent pas contre l’esprit du progrès et de la liberté?

J’attends qu’on m’ait expliqué ces noms indécis, nuageux de liberté et de progrès. Si l’auteur avait lu la double lettre de Léon XIII sur le progrès, mise à la fin de son oeuvre comme appendice, il en aurait une idée exacte. A moins qu’il ne l’ait traduite comme certains passages de l’Evangile cités par lui, il aurait vu la vraie notion du progrès, et Léon XIII affirmer que ce progrès là, l’Eglise l’avait toujours voulu et le voudra toujours. L’auteur se proposerait-il d’escamoter le souverain pontife actuel depuis qu’il est élu, comme l’auteur de la Crise de l’Eglise avait voulu l’escamoter au moment de la dernière élection, lorsqu’il s’écriait: Ah! vienne, vienne un grand Pape! comme si l’on eût pu espérer un Pape plus grand que Pie IX quoique peu du goût de l’auteur de la Crise. Pie IX, un petit pape, voyez-vous cela! Ceci montre il est vrai l’accord touchant à propos de progrès et de liberté entre un juif et un …….

Je me hâte. En 1878 M. Pereire répète ce que j’ai entendu dire en 1830 par M. Jules Le Chevalier, son confrère en Saint-Simonisme; ce que j’ai entendu réfuter à satiété. Au fond que veulent les anciens disciples de Saint-Simon? « réhabiliter la chair*. Voilà le mot un peu brutal d’alors. Pour avoir adouci l’expression, le fond de la doctrine est toujours le même. Eh bien, l’Eglise qui depuis dix-huit siècles répète avec S. Paul: L’esprit conspire contre la chair et la chair contre l’esprit, car ce sont deux principes opposés, l’Eglise ne maudira pas le travail, elle y poussera puisqu’il est voulu de Dieu, mais ne verra dans le travail qu’un moyen d’expier le péché, de se procurer avec peine les moyens d’existence, et non un instrument propre à se procurer toutes les jouissances du monde, considérées comme bonheur suprême. Suis-je indiscret en disant que je soupçonne M. Pereire d’être de la secte juive des sadducéens? Ceux-là disaient que quand on est mort tout est mort, qu’il fallait se procurer le plus de voluptés possibles ici-bas. Quant au christianisme, il commande le travail, il commande de donner le superflu, de ne pas mettre toute sa joie dans ce qu’on peut tirer du sein de la terre, de partager le plus possible, mais librement avec ses frères, d’agir de façon à être porté un jour dans le sein d’Abraham, figure du sein de Dieu dans l’éternité.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Selon lui trois capacités surgissent, les arts, les sciences, l'industrie. Evidemment Athènes n'était pas artiste: l'Egypte n'a jamais connu la science: Tyr, Carthage ne se doutaient pas de ce que c'est le commerce.