ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|ARTICLES DIVERS

Informations générales
  • td 8.282
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  • SOMME DE S. THOMAS D'AQUIN CONTRE LES GENTILS
    EDITEE PAR L'ABBE P.A. UCCELLI
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 116, 22 mars 1879, p. 184.
  • TD 8, P. 282.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 AUGUSTIN
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CLERGE PAROISSIAL
    1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ERREUR
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 HAINE ENVERS LA VERITE
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 MORALE INDEPENDANTE
    1 PAGANISME
    1 PAPE GUIDE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RELIGIONS ADVERSAIRES
    1 THEOLOGIE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
    1 THEOLOGIENS
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    2 LEON XIII
    2 LIBERATORE, MATTEO
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    2 SAN SEVERINO, GAETANO
    2 UCCELLI, PIETRO-ANTONIO
    2 URBAIN II
    2 ZIGLIARA, THOMAS-MARIE
    3 FRANCE
    3 ROME, BIBLIOTHEQUE VATICANE
  • 22 mars 1879.
  • Paris
La lettre

L’on sait quel zèle Léon XIII a témoigné pour la doctrine de S. Thomas depuis un an à peine qu’il s’est assis sur la chaire de S. Pierre. Il a manifesté son désir de voir revenir toutes les écoles philosophiques ou théologiques à la méthode et aux principes du Docteur angélique, recommandant entre autres Zigliara, San Severino ou Liberatore, comme les commentateurs les plus sûrs.

Mais, au-dessus des commentateurs, il est indispensable de pouvoir étudier le maître; or le livre où S. Thomas s’est surpassé lui-même, a-t-on dit, c’est la Somme contre les Gentils. Dans la Somme Théologique, il s’adresse surtout à des chrétiens: la Somme contre les Gentils fut écrite à la demande d’Urbain IV pour servir de guide aux religieux qui avaient à combattre les juifs, les païens et les mahométans. Et comme après tout l’erreur tourne sans cesse dans le même cercle d’objections contre la vérité, il se trouve que S. Thomas a réfuté six siècles à l’avance tous les systèmes de la libre-pensée et de la morale indépendante, éclos de nos jours. On sent quel avantage on peut avoir à étudier ces négations du vrai, telles que l’aigle d’Aquin les saisit et les broie dans ses serres puissantes. Et comme il est agréable de dire aux amateurs de la science moderne: pardon, votre science est pulvérisée depuis plus de six cents ans, en voulez-vous la preuve? lisez la Somme contre les Gentils, supposé que vous sussiez assez de logique et de latin pour la comprendre.

On sent l’immense utilité que trouveront les érudits à se procurer l’édition de la Somme donnée sur le texte même écrit de la main de S. Thomas. Il est vrai, le dernier livre, sur quatre dont l’ouvrage est composé, manque dans le manuscrit original, mais comme les trois premiers traitent exclusivement les questions philosophiques, l’absence de cette dernière partie est moins importante pour le but qu’on s’est proposé.

Le manuscrit a cet immense avantage de donner l’explication de plusieurs textes obscurs. Voici comment: S. Thomas écrivit d’un premier jet beaucoup plus qu’il ne voulait conserver pour ses lecteurs, aussi retranchait-il jusqu’au tiers et même la moitié de plusieurs de ses développements, pour leur donner une forme plus concise, plus rigoureuse, plus mathématique; mais la concision pouvait nuire pour quelques-uns à la parfaite intelligence du texte; or ce texte primitif nous l’avons avec ses ratures, et c’est de ces ratures que M. l’abbé Uccelli a fait le commentaire de son édition. Nous avons ainsi S. Thomas expliqué par lui-même. Que de trésors ne trouve-t-on pas à chaque ligne, et comme ce qui était resté incertain s’illumine de ce que le savant, qui a retrouvé la clef de la tachigraphie de S. Thomas, nous donne, grâce aux plus incroyables efforts de persévérance.

L’Eglise enseigne toujours la même doctrine, mais sous la forme appropriée aux temps. Le protestantisme par la nature de ses controverses força les auteurs catholiques à se jeter dans ce qu’on a appelé la théologie positive, c’étaient les textes des saints Pères, l’explication de tel ou tel verset de l’Ecriture sainte qui formait la matière de la discussion. Aujourd’hui, hélas! tout cela est bien abandonné. Les catholiques ont sur ce terrain remporté de telles victoires que l’ennemi n’ose plus s’y avancer, on en est revenu à des questions de raison pure, comme on dit. A votre aise, reprennent les catholiques, nos armes sont prêtes depuis longtemps. Avec elles nous avons vaincu vos ancêtres, avec elles nous vous vaincrons plus aisément. Car, s’il est vrai que les tempéraments modernes dépérissent et que les santés du jour périclitent considérablement sous l’action délétère de la perte des moeurs, il nous semble que les intelligences sous l’influence de tant d’erreurs qu’on les force à dévorer subissent aussi leur déclin. Quel avantage pour nous de trouver la science opportune de nos jours dans les écrits du plus vigoureux génie que les annales de l’Eglise nous présentent, après S. Augustin son maître, et de dire aux sophistes modernes: Vous ne voulez plus de la théorie catholique, soit! prenons la philosophie antique rendue chrétienne par S. Thomas, et voyons ce que vous répondrez aux propositions sous la forme si logique que leur a donnée notre docteur, supposé que vous puissiez le suivre, non parce qu’il est obscur, mais parce qu’il est trop vigoureux pour vous.

N’oublions pas qu’avant Léon XIII, Pie IX avait donné à M. l’abbé Uccelli les plus précieux encouragements, lui avait ouvert les portes de la bibliothèque Vaticane, avait fait mettre à sa disposition les presses de la Propagande, prévoyant tout le bien que sa publication et celles qui suivront devaient procurer à la science ecclésiastique.

La Somme contre les Gentils ne s’adresse pas à tous les lecteurs du Pèlerin, mais parmi les dix mille abonnés qu’il compte dans le clergé de France, il s’en trouvera plus d’un dont un pareil livre pourra charmer les longues et solitaires veillées; à part MM. les directeurs de séminaire à qui un pareil livre devient indispensable, à part les élèves en théologie de nos universités catholiques, combien d’intelligences cachées au fond d’un presbytère isolé ont besoin d’un guide pour s’élever à la hauteur de leur capacité, pour prendre leur vol vers les horizons si vastes de la doctrine catholique! Le guide que nous indiquons ne conduit pas à travers une voie facile, mais il mène à des champs féconds qui, fortement labourés, donneront les moissons les plus abondantes et inspireront, en face d’une littérature fadement pieuse ou sottement incrédule, l’attrait du vrai dans sa majesté austère et du beau tel que la connaissance de Dieu peut en révéler la légitime splendeur.

E. D'ALZON, des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum