- TD 8.307
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- IMPRESSIONS DE VOYAGE
- Le Pèlerin, N. S., III, n° 120, 19 avril 1879, p. 253-255.
- TD 8, P. 307.
- 1 AMERICAINS
1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
1 AVARICE
1 CHEMIN DE FER
1 CHRETIEN
1 CONVERSIONS
1 DEMOCRATIE
1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
1 GENEROSITE DE L'APOTRE
1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
1 INDIENS D'AMERIQUE
1 INJUSTICES
1 LIBERTE DE CONSCIENCE
1 MALADIES
1 MISSIONNAIRES
1 OEUVRES MISSIONNAIRES
1 PAUVRETE
1 PERSEVERANCE
1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
1 RACES
1 SATAN
1 SOINS AUX MALADES
1 VERTU DE FORCE
2 BILER, ABBE
2 DALGAIRNS, AMIRAL
2 FARAUD, HENRI-JOSEPH
2 GENIN, J-B-M.
2 GERGAUD, LOUIS
2 GRANT, ULYSSE
2 GRASSI, JESUITE
2 KENNEDY
2 LE VESOUET, F.
2 LOGAN
2 LOWE-HORU
2 MARTIN, AUGUSTE-MARIE
2 RED-CLAUDE
2 SHERMAN, WILLIAM
3 AMERIQUE
3 ATHABASKA-MACKENZIE
3 BOSTON
3 CANADA
3 CHICAGO
3 COLLINES NOIRES
3 DAKOTA
3 ETATS-UNIS
3 LAC SALE
3 LOUISIANE
3 MILK-RIVER
3 MISSOURI
3 MONTAGNES ROCHEUSES
3 MONTANA
3 MONTREAL
3 NATCHITOCHES
3 NOUVELLE-ORLEANS, LA
3 PHILADELPHIE
3 PIERRE-JAUNE, LA
3 RIVIERE ROUGE
3 ROME
3 SHREWEPORT
3 STANDING ROCK
3 TOTTEN
3 WASHINGTON
3 WYOMING - 19 avril 1879.
- Paris
Dans la tribu des Yakamas, aux Montagnes Rocheuses, le P. Grassi, supérieur des Jésuites, nous montre comment les ministres protestants et agents consulaires eux-mêmes font la propagande, et comment les Indiens leur répondent. (Missions catholiques, tome V, page 15).
« Depuis le jour du départ des PP. Oblats jusqu’à l’arrivée d’un nouveau missionnaire résidant chez les Yakamas, il s’écoula environ dix années. Pendant tout ce temps cette petite église de néophytes fut abandonnée à elle-même. Quelques-uns se dispersèrent çà et là, oubliant tout ce qui leur avait été enseigné; d’autres, entrainés par des paroles trompeuses ou des présents, embrassèrent le protestantisme; d’autres enfin, mieux instruits et plus fermes dans la foi, continuèrent à aller de temps en temps à la chapelle catholique la plus rapprochée, franchissant une distance de vingt-six lieues, afin d’entendre la parole du missionnaire et de recevoir les sacrements.
« La persévérance des bons dans la foi catholique a toujours souverainement déplu à nos zélés protestants, surtout au ministre méthodiste qui réside aujourd’hui chez les Yakamas. Aussi, ce ministre n’a-t-il rien négligé pour leur faire accepter sa « bonne prière ». Toutes les fois que nos catholiques se rendent auprès de cet agent du gouvernement pour quelque affaire, ou pour réclamer quelque assistance, il saisit l’occasion de les endoctriner. S’ils refusent de l’écouter, il leur dit que, puisqu’ils ne veulent pas recevoir la « bonne prière », ils n’ont rien autre à attendre de lui que le secours annuel donné à la distribution générale; et il les renvoie les mains vides.
« Il conçut, il n’y a pas longtemps, un vif désir de gagner notre chef catholique Ignace, de sa générosité et de ses grands biens. L’agent-ministre, m’a-t-on dit, lui fit demander combien d’argent il lui fallait pour le déterminer à se faire protestant. Ignace se contenta de répondre:
-Beaucoup.
-Combien? ajouta l’envoyé. Deux cents piastres?
-Plus que cela.
-Mais, enfin, combien? Cinq cents piastres? six cents piastres?
-Oh! plus encore.
-Eh bien! parle; dis la somme qu’il te faut.
-Donne-moi la valeur de mon âme.
Ignace fut compris.
On désespère aujourd’hui de lui faire embrasser la secte protestante. Ignace n’est pas seulement distingué par sa fermeté dans la foi; il s’est montré le père de sa tribu, qu’il a constamment aidée de ses conseils et de ses biens, et soutenue par son exemple autant que par ses paroles durant les dix années d’abandon dont j’ai parlé. C’est vers la fin de cette période qu’Ignace se rendit auprès de l’évêque pour le prier instamment de leur envoyer un missionnaire. Sa prière fut exaucée; un prêtre fut envoyé, qui s’occupa d’eux pendante quatre ans, c’est-à-dire jusqu’à l’automne de l’année dernière, où les Pères de la Compagnie de Jésus se chargèrent de la mission des Yakamas ».
J’ai copié quelques fragments des lettres des Soeurs de charité pendant la guerre de la sécession. Voulez-vous savoir comment les missionnaires se dévouent au milieu des épidémies?
Mgr Martin, évêque de Natchitoches dans la Louisiane, avait envoyé des prêtres soigner les moribonds d’une localité victime d’une fièvre qui n’épargnait presque personne; quatre d’entre eux avaient déjà succombé
A Natchitoches, M. Le Vésouët était l’un des trois membres du conseil épiscopal, directeur diocésain et zélé promoteur des oeuvres de la Propagation de la foi et de la Sainte-Enfance, aumônier du couvent des Soeurs de la Merci, et directeur d’un externat fondé par lui pour les garçons. Il était chargé, en outre, de plusieurs petites missions, à peu de distance de Natchitoches, et de la prédication anglaise à la cathédrale. Mais, par-dessus tout, M. Le Vésouët était l’ami, le consolateur, le prêtre des petits, des affligés et des pauvres. Tout ce que ses occupations fixes lui laissaient de temps libre, il l’employait pour eux, il le passait au milieu d’eux, allant de cabane en cabane, portant à tous des encouragements, des consolations et des aumônes.
Le 19 septembre, M. Le Vésouët rentrait à Natchitoches, après huit jours de mission sur la rive gauche de la Rivière Rouge. Je lui communiquai la prière que m’adressait M. Biler de l’envoyer immédiatement à Schreveport.
-Que désirez-vous faire, mon fils? lui demandai-je.
-Monseigneur, si vous me dites: partez, je pars; si vous me laissez libre, je reste.
Il s’aperçut que je cherchais dans ses yeux le sens de sa réponse, et il ajouta:
-Je désire tant partir que, si vous me laissez libre, en partant je croirai faire ma volonté; et je n’en veux point faire d’autre que celle de Dieu.
-S’il en est ainsi, lui dis-je, allez.
Il passa encore un jour pour mettre ordre à ses affaires et visiter une dernière fois quelques familles. La nouvelle de son prochain départ fut promptement répandue.
-Vous allez à la mort, lui disait-on.
-Je le pense, répondait-il, mais je sais que je prends pour arriver au ciel la voie la plus sûr et la plus courte
M. Le Vésouët dut franchir à cheval les cents dix milles qui le séparaient de Schreveport, où il arriva pour trouver M. Gergaud aux prises avec la mort et lui donner les secours et les consolations de la sainte Eglise. Lui-même, peu après, s’affaissait sous les coups inexorables du fléau. Il l’avait prévu, et, par dépêche télégraphique, il avait demandé deux prêtres à Mgr l’archevêque de la Nouvelle-Orléans. Le 3 octobre partaient un Père Jésuite et un vicaire de la cathédrale. Ils arrivèrent assez tôt pour consoler ses derniers moments et lui ouvrir le ciel. Le 8, il mourait, ayant accompli sa quarantième année, dans la dix-huitième année de son sacerdoce. (Missions catholiques, tome V, page 573).
Je termine par trois autres extraits sur la propagande des ministres protestants et sur l’accueil que lui font les Indiens. Le premier est emprunté au Nouveau-Monde de Montréal (n° du 4 mai ;1876).
Les Indiens ne cessent de demander au gouvernement des Etats-Unis de leur envoyer des missionnaires et des instituteurs catholiques. Les agents du bureau indien font la sourde oreille; ils veulent protestatiser les sauvages, et ne se découragent point de leur insuccès. Mais l’Eglise catholique redouble d’efforts pour arracher les Indiens au poison des sectaires, et les dames de Washington, guidées par les épouses de l’amiral Dalgairns et du général Sherman, font un pressant appel pour l’envoi des Missionnaires.
Le Times de Chicago, un journal qui ne peut être soupçonné de romanisme, s’exprime ainsi à ce sujet:
La grande majorité des « faces pâles » pensera sans doute que Red-Claude était bien exigeant dans ses récriminations pour quelques collines stériles qui ne seraient probablement d’aucune valeur pour les blancs. Il a fait cependant une demande qui paraît très raisonnable. Il désirait qu’à l’avenir des prêtres catholiques fussent envoyés parmi eux pour les enseigner. Lowe-Horu, autre chef influent, n’est pas moins énergique dans ses demandes de missionnaires catholiques. Une douzaine d’autres chefs firent des discours dans le conseil sur le même sujet. Ils pouvaient différer entre eux sur beaucoup de matières, mais ils étaient unanimes dans leurs réclamations à n’avoir dans l’avenir que des maîtres catholiques.
Les Indiens ont acquis une certaine expérience du mérite de leurs instituteurs religieux, et ils sont compétents pour les apprécier. Nous ne voyons pas si le catholicisme considéré d’une manière abstraite est la meilleure forme de religion, mais il nous semble merveilleusement adapté à certains peuples individuellement et collectivement; si l’Indien demande cette qualité de nourriture spirituelle, pourquoi lui donner une pierre qu’il rejettera? Autant qu’on a pu le reconnaître, les Indiens ont fort peu de goût pour certaine espèce de nourriture très appréciée de la race blanche.
L’unitarisme semble la forme de religion suivie de préférence par les gens de Boston. Le quakérisme suffit aux besoins des habitants de Philadelphie. Le méthodisme fleurit à l’ombre du Capitole, à Washington, pendant que le mormonisme fait la joie et les délices du peuple qui vit sur les bords du lac Salé.
Ici, à Chicago, nous voyons une grande variété de religions, et malgré cela, une large partie de la population ne peut trouver une foi qui convienne à ses besoins. Il n’y a pas longtemps, le spiritualisme s’est manifesté comme une lumière pour ceux qui étaient dans les ténèbres de l’immortalité.
Personne ne voudrait refuser aux dévots Grant et Logan les douces consolations qu’ils puisent dans le méthodisme. Pourquoi le premier repousse-t-il les cris de ses enfants rouges qui demandent les bénédictions de Rome? Que les Indiens aient, comme les autres Américains, les bénéfices de la religion qui leur plait, et il en résultera un heureux effet.
Quiconque a étudié l’histoire des Indiens, quiconque observe la vie des Indiens aujourd’hui, ne peut méconnaître ce fait palpable: c’est qu’aucune forme de protestantisme n’a procuré un bien matériel aux aborigènes de ce pays. Le protestantisme peut leur assurer des bénédictions pour la vie future, mais généralement il ne leur en donne aucune dans celle-ci, et leur enlève le peu de bien-être dont ils jouissent.
Dans toutes les contrées catholiques d’Amérique, la condition des Indiens est plus favorable qu’aux Etats-Unis, où leurs instructeurs ont été généralement protestants. En dehors de ce fait, il est conforme à la doctrine de la souveraineté populaire de la véritable démocratie de permettre aux Indiens de régler leurs affaires religieuses selon leur manière de voir.
Tel est l’aveu que la vérité arrache au Times de Chicago. Il faut qu’elle soit bien éclatante et que l’injustice dont on se rend coupable envers les pauvres Indiens soit bien criante.
Désirez-vous savoir en effet comment les ministres protestants traitent les Indiens qui refusent de ses laisser endoctriner par eux? Ouvrons de nouveau les Missions catholiques (tome VIII, page 617); c’est le R. P. Genin, missionnaire de la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée qui parle. « … Les Sioux Titon n’habitent pas le district de Milk-River, mais la chasse du buffle les y amène fréquemment. Ils demeurent dans le pays de la Pierre- Jaune, et on les rencontre au sud, jusqu’aux collines Noires. Leur territoire comprend une partie du Dakota, du Wyoming et du Montana. Presque tous sont païens. Ils m’ont souvent demandé de venir les instruire, eux et leurs enfants; mais comment le pourrais-je, étant presque toujours seul pour visiter tous les Indiens du Dakota? Depuis deux ans seulement, un prêtre a été placé à Totten, mission que j’ai fondée en 1867. En outre, depuis l’ouverture du chemin de fer du Pacifique, je suis obligé de desservir un grand nombre de stations européennes nouvellement créées.
Un Indien Titon, envoyé par Sitting-Bull, vint me trouver en 1872. J’étais en compagnie de M. Kennedy, entrepreneur du chemin de fer du Pacifique. L’Indien me prit la main en murmurant une prière. « O Père! me dit-il ensuite, je te vois donc enfin, toi la première robe noire que j’ai vue jamais, et je remercie Dieu qui a été assez bon pour m’accorder cette faveur. Je suis venu pour te poser une question: aimes-tu les faces pâles plus que tu nous aimes, ou pense-tu que nous t’aimons moins qu’elle ne t’aiment, que tu passes tout ton temps au milieu d’elles sans jamais venir à nous? Pourquoi nous abandonnes-tu? C’est pour t’interroger que j’ai fait 700 milles. » Je ne puis vous exprimer la douleur que j’ai ressentie en voyant un peuple si totalement délaissé et si injustement traité par notre gouvernement. Quelques-unes de ces tribus, dont l’agent était un ministre protestant, ont été privées de leur pension annuelle, parce qu’elles ne voulaient pas se faire protestants, préférant mourir de faim plutôt que d’adopter ce qu’elles appellent un simulacre de religion.
Les Indiens Titons sont au nombre de 10,000. On devrait chercher quelque moyen de les instruire: Je serais moi-même très heureux de me dévouer à leur service.
Les Mandans (Padani) vivent au sud-est du pays Titon, entre ce pays et Standing-Rock, sur le Missouri. Ils sont environ 12,000, et désirent, comme les Sioux, être instruits dans la religion, mais ils n’ont personne pour la leur enseigner.
Enfin, voici un dernier trait, tiré d’une lettre de Mgr Faraud, des Oblats de Marie-Immaculée, vicaire apostolique d’Athabaska-Makensie (Canada). (Missions catholiques, tome (X, page 250).
Nos missions à l’intérieur continuent de s’étendre et de se développer. Les infidèles qui restent se convertissent petit à petit; malheureusement quelques-uns sont gagnés par l’or protestant. Les protestants ont maintenant une organisation complète. Leur évêque se trouve partout; mais il serait en peine, après treize ans de courses et d’efforts, de compter ses adhérents. Nos sauvages, d’après le principe reçu parmi eux, qu’il est toujours bon de prendre sans contracter l’obligation de donner, acceptent quelquefois les présents des ministres; mais ils s’en tiennent là. J’en connais un certain nombre qui, décidés à se convertir un jour, ont accepté les cadeaux des ministres; et qui, l’heure de la conversion arrivée, sont venus nous demander le baptême. Un d’entre eux eut avec un ministre protestant la conversation suivante, que je rapporte textuellement:
-J’ai ouï dire que tu as été voir les prêtres.
-C’est possible. Et après?
-As-tu oublié que je t’ai donné plusieurs fois du thé et du sucre, un bel habit pour toi et une robe pour ta femme?
-Je n’ai pas oublié cela, mais je t’ai dit merci; que te faut- il de plus?
-Je te donnais tout cela pour que tu fusses de ma religion, et il y a déjà longtemps que j’ai écrit ton nom sur mon grand- livre que j’ai envoyé à la reine.
-En vérité, je savais que tu étais comme moi, que tu n’avais pas beaucoup d’esprit, mais tu es réellement trop sot. Crois-tu que j’aie envie de vendre mon âme pour du sucre? Le sucre fond tout de suite et disparait et depuis longtemps j’ai reçu dans mon coeur la bonne promesse (espérance) que mon âme ne mourra jamais.
-Si tu ne veux pas prier avec moi, je t’obligerai à me rendre ce que je t’ai donné, et je te donnerai au diable.
A ces mots le sauvage partit d’un grand éclat de rire.
De celui qui donne sans condition, on reçoit sans conditions, et on ne doit plus rien. C’est parce que les conditions n’étaient pas avouables, que tu ne les a pas mises. Sache donc, insensé qui mens, qui te dis prêtre, qui ne l’est pas plus que moi, que je ne te rendrai pas une épingle de ce que tu m’as donné. Quant à Satan, il est sorti de mon coeur où le prêtre m’a baptisé, et j’espère bien, avec la grâce de Dieu, qu’il n’y rentrera plus. Toi, tu n’es que le mari de ta femme et le père de tes enfants; prends garde que le diable, à qui tu veux m’envoyer ne t’étrangle toi-même, comme il l’a fait plusieurs fois, dit-on, à des gens de ton espèce.
Arrêtons-nous. En voilà assez pour établir ce que je voulais c’est que là où les missionnaires catholiques agiront chez les Indiens avec l’esprit de leur vocation, ils réussiront, tandis que les sectes hérétiques n’ont jamais réussi et ne réussiront jamais, parce que leur mission est nulle; les faits sont là, qui voudra de plus amples documents les trouvera dans l’admirable recueil des Missions catholiques.