ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|ARTICLES DIVERS

Informations générales
  • TD 8.324
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  • LE CANADA
  • Le Pèlerin, N. S., III, n° 124, 17 mai 1879, p. 318-319.
  • TD 8, P. 324.
Informations détaillées
  • 1 ACTION POLITIQUE
    1 ACTION SOCIALE
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 BLASPHEME
    1 COMMERCE
    1 CORRUPTION
    1 ENVIE
    1 EPREUVES
    1 FRANCAIS
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRANDEUR MORALE
    1 GUERRE
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 HOLLANDAIS
    1 INDIENS D'AMERIQUE
    1 LIBERALISME
    1 MARTYRS
    1 MISSIONNAIRES
    1 SAINT-SIEGE
    1 TRAHISON
    1 VENGEANCE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 AILLEBOUST, LOUIS D'
    2 ANNE D'AUTRICHE
    2 ANTOINE DANIEL, SAINT
    2 FRONTENAC, LOUIS DE
    2 GABRIEL LALEMANT, SAINT
    2 GODEAU, ANTOINE
    2 JEAN DE BREBEUF, SAINT
    2 LA PELTERIE, MADAME DE
    2 LAVAL, FRANCOIS DE
    2 LOUIS XIV
    2 MAISONNEUVE, PAUL DE CHOMEDEY DE
    2 MANCE, JEANNE
    2 MARGUERITE BOURGEOYS, SAINTE
    2 MARIE DE L'INCARNATION GUYART, BIENHEUREUSE
    2 QUEYLUS, GABRIEL DE
    2 TRACY DE
    3 CANADA
    3 ETATS-UNIS
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 GRASSE
    3 MONTREAL
    3 NEW-YORK, ETAT
    3 OTTAWA
    3 PENNSYLVANIE
    3 QUEBEC
    3 ROUEN
    3 TROIS-RIVIERES
    3 VILLE-MARIE
  • 17 mai 1879.
  • Paris
La lettre

Enfin Louis XIV prit en main la colonie canadienne, et il la prit en roi qui comprenait le parti à tirer d’une pareille fondation, si on pouvait la mener royalement.

Ce qu’on appelait la grande compagnie croyait avoir tout fait en envoyant trente et quarante hommes par an. Qu’est-ce que cela auprès de trois cents, quatre cents mille émigrés que l’Europe verse annuellement sur les Etats-Unis? Sans atteindre un nombre pareil, Louis XIV comprit qu’il fallait plus qu’une poignée de soldats pour réduire les Iroquois, et, pour attacher les officiers au pays, il leur fit distribuer des terres en fiefs. A vrai dire, les instigateurs des sauvages étaient les Hollandais, en possession alors de l’Etat de New York, de la Pennsylvanie, si je ne me trompe, et qui lançaient les cinq nations avec des fusils, des liqueurs fortes, contre les Français, et contrariaient toutes leurs entreprises. Quand des troupes régulières purent arriver, malgré de grandes imprudences commises par des hommes inexpérimentés, on vit bientôt les choses prendre une autre tournure, et les leçons sévères infligées aux habitants des bois leur prouvèrent que leurs forêts ne les protégeraient pas longtemps.

Déjà avait passé dans l’Ile de Montréal un homme à qui l’humilité jeta son voile sur les plus belles vertus d’un gentilhomme, sur les plus difficiles devoirs accomplis. Plein d’abnégation autant que de valeur, M. de Maisonneuve travailla pour Dieu seul; il eut pour la colonisation du pays toutes les idées vraies et fécondes; s’il ne les réalisa pas toujours, c’est qu’il en fut empêché; s’il ne mourut pas au Canada, s’il quitta sa patrie d’adoption pour une très obscure retraite de onze ans en France, c’est que la jalousie le chassa. Il est bon que les pierres fondamentales des édifices durables soient enfoncées dans le sol: telle fut la fin de M. de Maisonneuve. Sa mort ne laissa pas de trace, son souvenir devint pourtant de plus en plus cher aux colons catholiques de Montréal.

On sentait bien que, pour que l’apostolat fût complet, un évêque était nécessaire. Les Jésuites, dit-on, voulaient bien d’un évêque, ils ne voulaient pas d’un évêché; ils demandaient un vicaire apostolique. A la cour de France, on ne comprenait pas bien la distinction. Pourtant, plus tard, l’expérience a montré que les vicaires apostoliques précédaient avec avantage les évêques titulaires dans les contrées de fraîche conversion. Il n’y avait pas deux ans que Louis XIV régnait par Anne d’Autriche, que la demande d’un évêque pour Québec était faite. Godeau, évêque de Grasse, la proposa à l’assemblée générale du clergé. Les difficultÉs arrêtèrent un certain temps les négociations.

Pendant ce temps les Hurons, traîtres par lâcheté et par peur des Iroquois, prenaient, abandonnaient, caressaient et assassinaient les Français. On y envoya des Récoltes, puis des Jésuites; ils en massacrèrent plusieurs. Les pères Daniel, Bréboeuf, Lallemand, tombèrent victimes des Iroquois. Le sang des martyrs fécondait ces terres, les chrétiens allaient bientôt germer.

Des bienfaiteurs inconnus envoyaient des secours. D’humbles filles, poussées par l’esprit de Dieu, partaient de France pour faire l’école aux petites Algonquines inconnues. La soeur Marguerite Bourgeois, en 1653, commençait sa mission longtemps prolongée. On fondait des communes; une organisation municipale se constituait; on bâtissait des églises; des filles, emmenées de France pour se marier aux colons, formaient de nouvelles familles, où le nombre des enfants donnait de belles espérances. Les travailleurs dans les champs étaient souvent attaqués par les Iroquois, tués ou conduits en esclavage. Une confrérie de gardes fut instituée pour les protéger; mais ce qui captiva surtout ces peuplades indomptées, ce fut l’admirable loyauté de Maisonneuve. Tandis que certains gouverneurs s’occupaient d’eux-mêmes et d’autre chose, Maisonneuve ne cherchait que la gloire de Dieu. Des mémoires décidèrent Louis XIV à adresser des remontrances sévères à plus d’un employé supérieur. Les noms ne ferait pas défaut; mieux vaut les taire. Les sauvages demandaient d’eux-mêmes le séjour des robes noires chez eux; la tribu d’Ottawa, qui a donné plus tard son nom à la capitale anglaise du Canada, était évangélisée.

En attendant qu’un évêque fût nommé, M. de Queylus recevait de l’archevêque de Rouen des lettres de grand vicaire. Supérieur des Sulpiciens à Ville-Marie, son zèle et sa grande fortune le poussaient à faire un bien incalculable. Il le fit pendant quelque temps sans trop de difficulté. On lui offrit d’être le premier évêque de ces contrées. L’humilité le lui fit refuser. On proposa ce siège difficile à M. de Laval Montmorency; il refusa d’abord, accepta ensuite. La faiblesse inhérente à l’humanité lui fit-elle voir un rival dans M. de Queylus, bien plus à même de faire du bien à cause de ses ressources personnelles? qui le dira jamais? M. de Laval était, non pas un saint, disait la mère Marie de l’Incarnation, mais aussi près que possible de la sainteté; M. de Queylus, content d’être simple prêtre, s’appuya-t-il trop sur l’archevêque de Rouen, peu satisfait de se voir enlever par un vicaire apostolique des terres qu’il prétendait dans sa juridiction? L’impartiale histoire sera toujours très embarrassée de trancher la difficulté. Les intentions de l’évêque et du Sulpicien demeurent incontestées. L’humble et sainte figure de M. de Queylus a pour nous un charme inexprimable, et, quoique celle de M. de Laval en ait moins pour nous, nous pencherons à croire qu’il était peut-être sans s’en douter, plus dans le vrai, parce qu’il était plus dans la position franche que Rome cherche à faire à ses évêques missionnaires. En France on ne comprenait pas aussi bien cela qu’on a été forcé de le comprendre plus tard.

Louis XIV avait envoyé des troupes; c’était à merveille si avec les troupes ne fussent pas arrivés les blasphèmes, les jeux de hasard, l’ivrognerie et le reste, si surtout les soldats, en massacrant les sauvages en pleine paix, n’eussent pas attiré sur eux et sur les colons d’implacables vengeances.

M. de Tracy, homme pieux, mais au commencement sans expérience, fit plus d’une école qui coûta cher aux troupes, mais leur montra la nécessité d’une grande tenue vis-à-vis d’un ennemi rusé et vindicatif. On en vint à leur faire demander des missionnaires, des Récollets d’abord; puis les Jésuites leur furent envoyés.

Mais ce qui contribua surtout à assurer la prospérité de la colonie fut la liberté commerciale. Le monopole supprimé, chacun put travailler à ses risques et périls.

Les Trois-Rivières, Villemarie, Québec prenaient chaque jour un nouvel accroissement; mais Dieu allait retirer du monde plusieurs de ses serviteurs les plus utiles au développement moral de l’oeuvre. M. d’Ailleboust, dont l’austère intégrité fut la condamnation de plus d’un administrateur; Mlle Manse, si longtemps l’ange et la fournisseuse de la colonie; la mère Marie de l’Incarnation, la mère Marguerite Bourgeois, à qui les malades et les petites sauvages durent tant; Mme de la Pelterie, la protectrice de tout ce qui avait besoin d’appui, partirent pour le ciel, quand M. de Queylus venait de quitter cette sainte pléiade pour aller s’éteindre en France; mais l’évêque de Québec avait été érigé (1675). Il en était temps, car un nouvel ordre de choses allait surgir avec M. de Frontenac, le récent gouverneur.

Notes et post-scriptum