ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.1
  • ARTICLES
  • LA CROIX.
  • La Croix, I, avril 1880, p. 1-4.
  • TD 9, P. 1; CO 164.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ATHEISME
    1 CATECHISME
    1 CLERGE SECULIER
    1 CREATEUR
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DIVORCE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
    1 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
    1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
    1 FAMILLE
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FINS DERNIERES
    1 FRANCHEMENT CATHOLIQUES
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LAICISME
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 LIBRE PENSEE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 MORALE INDEPENDANTE
    1 PROVIDENCE
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SOCIALISTES
    1 SOCIETES SECRETES
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 LEON XIII
    2 MONTESQUIEU
    2 NERON
    2 PAUL, SAINT
    3 ATHENES
    3 BELGIQUE
    3 CONSTANTINOPLE
  • avril 1880.
  • Paris
La lettre

La raison d’être de la Revue de l’enseignement chrétien a toujours été la lutte. Deux fois les directeurs ont déposé la plume, quand deux victoires successives ont été remportées. La révolution menace de nouveau nos droits, et de nouveau nous voilà sur la brèche.

Que de vastes ruines soient amoncelées, qui en doute? elles épouvantent les yeux! Il s’en écoulera bien d’autres sous le marteau niveleur. Un monde disparaît, les dieux sont partis. Mais s’il est vrai que l’acte conservateur par lequel Dieu maintient l’existence aux êtres est de même nature que l’acte créateur, ne peut-on pas dire que, laissant tomber en poussière ce qu’il a condamné à périr, il conservera ce qui est impérissable, et ce qui est impérissable, ce sont les principes fondamentaux de l’ordre humain. Ainsi il fera tout à nouveau: Ecce nova facio omnia.

L’histoire nous le montre sans cesse renversant et édifiant. Que sont les annales des nations, sinon le récit de grands édifices sociaux construits par les siècles, détruits comme toute oeuvre terrestre pour faire place à des édifices nouveaux? Au-dessus de ces décombres innombrables un seul temple défie toutes les destructions: l’Eglise.

Si l’on nous demande qui nous sommes, nous répondrons: les ouvriers de Dieu et de l’avenir; Christus heri et hodie ipse et in saecula; nous sommes catholiques, apostoliques, romains, surtout très romains, ce qui comprend tout.

Du reste nos lecteurs anciens nous connaissent, et nous comptons sur eux pour être nos témoins; nous ne nous sommes pas attiédie, qu’ils en soient assûrés, bien au contraire. Ils demanderont à Dieu que notre énergie soit à la hauteur de périls toujours croissants.

Car il s’agit pas de controverses platoniques. Nos intérêts les plus chers sont en jeu. Il s’agit de notre foi, espérons qu’elle nous sera un principe de victoire.

Les ennemis de cette Eglise, aux chefs de qui il a été dit: Allez et enseignez, lui disent à leur tour: Tu n’enseigneras plus l’enfance du peuple, il nous la faut pour préparer des socialistes; -l’enfance des bourgeois, il nous la faut pour préparer des libres-penseurs; -la jeunesse des écoles supérieures, il nous la faut pour en faire des hommes sans Dieu comme nous. Eh bien, tant qu’il restera une goute de sang dans nos veines, nous lutterons. Dieu, à qui nous le demandons, nous donnera, non un enthousiasme de quelques jours, mais un courage calme, persévérant, prévoyant jusqu’où l’on veut nous pousser et ne s’effrayant pas. Pour peu que l’amour de l’Eglise nous reste au coeur, nous saurons aller jusqu’au bout de tous nos devoirs. Rien de plus beau de nos jours que d’être des volontaires de l’Eglise.

Voilà avec quelles dispositions nous entrons dans l’arêne.

Sur quel point voulons-nous diriger nos travaux?

On sait que les efforts les plus violents sont tentés depuis quelques années contre l’Eglise, mais on ne sait pas assez à quel point est savante l’organisation de toutes les forces révolutionnaires, afin d’obtenir un triomphe éclatant sur toute idée divine. A la place du règne du Christ on veut l’empire de Satan.

Les sociétés secrètes ont fait beaucoup depuis deux siècles, jamais elles n’ont agi avec plus de haine et d’astuce qu’au moment actuel. Le pape détrôné, les catholiques persécutés, la hiérarchie catholique désorganisée, l’enseignement bâillonné, la liberté du mal proclamée, celle du bien jetée aux fers, les vocations sacerdotales et religieuses arrachées des jeune âmes, le mépris jeté sur tout ce qui rappelle Dieu, les libres penseurs préparant les libres viveurs, toute vérité religieuse étouffée, toute morale abolie, voilà où poussent les chefs occultes.

Les sociétés secrètes ne sont guère qu’une armée d’imbéciles conduits par une poignée de scélérats cachés dans l’ombre, mais toute société ayant le gouvernement qu’elle mérite, il paraît utile au plan providentiel que les peuples qui méritent le châtiment le reçoivent de la main de grands coupables inconnus. On n’est pas d’une société secrète pour être mené au grand jour par des supérieurs avoués.

Pour que ces affreuses espérances triomphent, il faut un pape détrôné, des rois chassés ou assassinés, les peuples sans moeurs et surtout sans croyance, Dieu expulsé de partout, l’homme régnant à sa place. Voilà le but combiné, le plan de campagne que l’on forme. Bien aveugle qui ne le voit pas!

Que faire? Se défendre d’abord, puis attaquer l’ennemi commun. Se défendre en réclamant toutes les libertés nécessaires à l’Eglise, et, puisque pour le moment la liberté d’enseignement est la plus attaquée de toutes, la défendre sur tous les points.

On n’a pas assez remarqué par quelle mauvaise foi la Révolution use de tous les moyens pour écraser l’infâme, car c’est toujours le même mot d’ordre; calomnies, inventions perfides, textes falsifiés, procédés déloyaux, plans malhonnêtes, tout y est, tout est bon, pourvu que le but soit atteint. Mais ces turpitudes n’ont qu’un temps; à force de se compromettre, on tombe dans la fosse qu’on a soi-même creusée. Les plus grossiers dans le peuple s’aperçoivent du piège tendu et s’en défient; la guerre aux Frères commence pour les masses l’ère des découvertes étranges et des désillusions.

Ce que sont devenus certains établissements secondaires non catholiques, on commence à s’en douter et certains pères naïfs se prennent à frémir. Ceux mêmes qui veulent bien une certaine corruption pour la jeunesse, la repoussent pour la tendre enfance: elle y périrait. Or, en certains établissements, avec certaines opinions, jusqu’à quand la corruption est-elle retardée, et à quel âge n’est-on pas trop jeune pour la permettre?

Je ne veux rien dire des établissements d’enseignement supérieur. Là est la question vitale, car il s’agit des principes de la science, de l’histoire, du droit, de la médecine, basés sur les dogmes catholiques.

Qui l’emportera dans cette lutte terrible? bien moins préparés peut-être sur ces problèmes, nous nous réservons de dire notre mot pourtant, car il est des notions qu’il n’est pas permis d’ignorer et qu’il faut vulgariser à tout prix.

Oui, l’enseignement dans les écoles est une question vitale, mais s’est-on aperçu que si on laisse faire, l’enseignement du catéchisme sera réglementé par le conseil municipal? On nous lisait, il y a quelques jours, l’arrêté d’un maire fixant à messieurs les prêtres de la commune les jours, les heures et lieux où ils feraient, s’ils le voulaient, le catéchisme aux enfants des écoles. C’est grotesque, mais faut-il sous prétexte qu’ils sont grotesques, laisser les maires se mêler de ce qui ne les regarde pas?

Du reste, l’invasion est universelle: plus de Dieu, rien que des hommes. Ils sont absurdes! Eh! oui, voilà le châtiment, la France est condamnée à être tenue en laisse par des faquins irresponsables, tant ils sont bêtes. Elle aura ce qu’elle aura voulu, toutes les orgies et toutes les ignominies.

Nous voulons que les enfants soient instruits, surtout de la religion.

Nous voulons pour eux sans doute ce qui intéresse leur avenir sur la terre, mais nous croyons, nous, à l’éternité, et nous pensons que l’avenir du ciel ou de l’enfer vaut la peine que l’on s’en occupe.

Nous voulons un enseignement chrétien, et nous combattrons sans trêve pour le maintenir, quand on se croit sur le point de nous l’enlever. La Révolution ne veut plus de famille; ne proclame-t-elle pas le divorce comme une de ses conquêtes? Il est aisé de dire à un père: Fais comme ton chien; plante là « ta femelle et tes petits », quand ils te gêneront. C’est atroce, voilà où l’on veut en venir pourtant. Le père et la mère ont de réciproques devoirs. Ils en ont envers les êtres à qui ils ont donné l’existence. Il est aisé de le nier; nous en proclamerons l’imprescriptible durée et nous combattrons pour l’existence de la famille, vraie base de la société.

Athènes s’effondra bien vite, observe Montesquieu, quand les enfants légitimes eurent fait place à ceux qui ne l’étaient pas.

Aujourd’hui tout doit être laïque: naissances, mariages, enterrements. Je crois bien pourtant qu’on laisserait le clergé baptiser, marier, enterrer, si du haut de la chaire il ne protestait pas au nom des commandements de Dieu contre la morale indépendante: surtout pas de dogme. Le clergé séculier prêche bien, mais le clergé régulier s’y consacre avec plus de loisirs, et la science moderne se trouve toujours gênée par la vraie science, celle de tous les siècles. Il y a un poids qui suffoque les incroyants dans cette masse de traditions accumulées, dans ces développements séculaires à rameaux immenses comme les arbres des forêts vierges. Vive ce qui pousse vite! Regardez plutôt les champignons!

Pour nous il nous plaît de nous appuyer sur ce qui touche à l’éternité, et c’est pourquoi nous voulons des ordres religieux qui étudient avec patience et un clergé qui bénisse la famille à toutes les grandes époques de son existence, instruise l’enfance, ouvre le ciel aux mourants.

Nous voulons des ordres religieux qui étudient avec patience, pour enseigner avec autorité. Nous en voulons pour prêcher Jésus-Christ aux savants, aux petits, aux bourgeois. Nous en voulons qui puissent porter la croix aux plages les plus lointaines. Nous les voulons libres de se donner à tous les dévouements.

Voyez: les femmes aussi réclament leur droit à tous les sacrifices. Mais à quoi bon ce désintéressement commun créé par la vie religieuse? N’est-il pas la condamnation de ceux qui veulent des places, de l’argent, des plaisir? Qu’on les proscrive et au plus tôt! Eh bien, dans la mesure de nos forces, nous nous mettrons en travers et nous protesterons pour la cause de la pénitence contre l’impureté, du don de soi contre tous les égoïsmes du jour, de la sainte obéissance contre la révolte élevée à la puissance d’un dogme radical.

Nous voulons la liberté de la charité. Plus tard nous comptons bien aborder cette immense question. Le diable fait ses révolutions, il nous oblige à faire les nôtres. Or, une des plus essentielles est celle de la charité: nous avons consenti à faire l’aumône avec l’Etat, nous devrons accepter de la faire à nous seuls. Et peut-être les pauvres n’y perdront-ils pas trop, si nous savons, sous la direction de l’épiscopat, nous organiser sérieusement. Les évêques de France l’ont bien compris déjà, mais chaque jour la force des choses les amènera à étudier ce très grave problème, et à avoir leur budget à eux; nous serons heureux d’être leurs très humbles auxiliaires dans la mesure où ils le permettront. Les évêques qui ont au Vatican affirmé avec tant de puissance la vérité, vont être obligés d’affirmer à son tour la charité catholique dans une de ses nouvelles expansions.

Nous voulons la liberté de la prière. Qu’est-ce que cette prétention d’exiger le chant pour la République de la part de gens qui ne croient à aucune religion. Du reste, nous ne répugnons pas trop à ce détail, puisque saint Paul ordonnait aux premiers chrétiens de prier pour Néron. Mais par la liberté de la prière nous entendons la liberté du culte extérieur, des enterrements religieux, des processions, ni plus ni moins qu’à Constantinople. Est-ce trop exiger que de prétendre à une liberté à la turque?

Enfin et au-dessus de tout, nous combattrons pour la liberté de l’Eglise. Rien de persévérant comme les efforts de l’enfer pour rendre captive cette royale épouse du Christ. Notre persévérance à la défendre à tout prix ne sera pas moindre que celle de ses ennemis séculaires à l’attaquer. C’est un lieu commun de dire que le combat est aujourd’hui entre l’Eglise et la Révolution. En effet, rien de plus frappant. Les catholiques doivent se montrer catholiques partout, mais surtout en France, le grand foyer révolutionnaire. N’en disons pas plus, nous serons bien forcés de revenir sur ce sujet.

Tout terrain sur lequel l’idée chrétienne peut offrir un légitime développement sera le nôtre, et par là peut-être apporterons-nous notre petite pierre à l’édifice de l’enseignement supérieur. Il s’élève tous les jours, malgré les haines de ceux qui en constatent la puissance par les fureurs qu’ils témoignent contre ses progrès. -Il y aura peut-être des jours mauvais à traverser, il ne s’en affermira que mieux sur la base qui est la vérité catholique; puis viendra la victoire, et l’on bénira Dieu d’avoir permis des combats sans lesquels il n’y eût pas en de triomphe.

Nous continuons à défendre les principes qui ont dirigé la Revue de l’enseignement chrétien, mais notre devise: Delenda Carthago, ne s’appliquera pas seulement à l’enseignement officiel, elle sera un défi à la Révolution.

Si nous empruntons notre nouveau titre à nos frères de Belgique, dont la vaillance s’est manifestée sous le même drapeau, c’est que nous voulons leur témoigner notre sympathie et notre communauté d’idées. Les soldats qui tombent, leur drapeau à la main, sont heureux de le voir relever par quelqu’un de leurs frères d’armes.

La Revue de l’enseignement chrétien n’eût-elle contribué qu’à provoquer le congrès de l’enseignement, eût beaucoup fait à coup sûr. Peut-être a-t-elle aussi aidé à semer des idées fécondes dont on voit déjà germer quelques-unes.

La nouvelle série, que nous reprenons sous l’étendart de la Croix, ne reculera pas devant les épreuves, Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, et nous avons la foi que comme catholiques nous sommes la justice.

Que nos anciens amis nous soient en aide, et notre Croix, dont ils défendront la cause avec nous, remportera, nous en avons l’inébranlable confiance, des triomphes nouveaux.

Que Dieu, la Vierge Immaculée, Léon XIII, NN.SS. les évêques daignent nous bénir, et nous entrons sans hésiter sur le champ de bataille.

E. d'Alzon, des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum