ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.9
  • ARTICLES
  • LA RUSSIE,
    SON PASSE.
  • La Croix, I, avril 1880, p. 26-30.
  • TD 9, P. 9.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 NIHILISME
    1 SCHISME ORIENTAL
    2 ALEXANDRE I, TSAR
    2 ALEXIS, TSAR
    2 CATHERINE I, TSARINE
    2 CATHERINE II
    2 CONSTANTIN, GRAND DUC
    2 DONKOI, DIMITRI
    2 ELISABETH PETROVNA, TSARINE
    2 FEODOR III
    2 FREDERIC II, ROI DE PRUSSE
    2 GENGIS KHAN
    2 IAROSLAV
    2 IGOR, PRINCE
    2 MARIE-THERESE D'AUTRICHE
    2 NAPOLEON Ier
    2 NEVSKI, ALEXANDRE
    2 NICOLAS I
    2 OLGA, PRINCESSE
    2 PAUL I, TSAR
    2 PHILARETE, PATRIARCHE
    2 PIERRE LE GRAND
    2 PONIATOWSKI
    2 POTEMKINE, GRIGORI-A.
    2 ROMANOV, DYNASTIE
    2 ROMANTZOV
    2 RURIK
    2 SOPHIE ALEXEIEVNA
    2 SVIATOSLAV
    2 VLADIMIR I LE GRAND
    2 VOLTAIRE
    3 ANGLETERRE
    3 ASIE
    3 AUTRICHE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 CRIMEE
    3 DNIEPR
    3 DON
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 KIEV
    3 MER NOIRE
    3 MOSCOU
    3 NEVA, FLEUVE
    3 NOVGOROD
    3 OCCIDENT
    3 ORIENT
    3 POLOGNE
    3 RUSSIE
    3 SAINT-PETERSBOURG
    3 SUEDE
    3 TURQUIE
    3 TVER
    3 VLADIMIR
  • avril 1880.
  • Paris
La lettre

Ce qu’a été la Russie dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, il serait difficile de le dire; partagée entre plusieurs princes et même en deux ou trois républiques, peu à peu elle se groupa sous la dynastie de Rurik; mais les descendants du grand’homme, se partageant ces vastes contrées, affaiblissaient d’autant une puissance destinée à devenir colossale. Les immense forêts qui couvraient une partie considérable du sol, les rigueurs de l’hiver si rude dans une partie de ces contrées, un vague désir de civilisation, un reste de souffle qui avait poussé les barbares de l’Orient à l’Occident, amenèrent un de leur chefs à s’établir à Kief, sur les bords du Dniéper.

La Russie était alors païenne. La grande Olga, régente après la mort d’Igor, pendant la minorité de leur fils Sviatoslaf, voulait embrasser le christianisme, mais le prince ne put consentir à imiter sa mère. Novogorod au nord, peu effrayée d’un souverain dont la capitale était si éloignée, se constituait en république.

Cependant Wladimir recevait le baptême, le proposait à ses sujets, après avoir fait battre de verges et noyer dans le fleuve la statue de leur dieu principal. Le commerce devenait important par la mer Noire avec Constantinople, d’où les souverains russes appelaient à Kief les artistes grecs, peintres, sculpteurs, architectes. Peu à peu la civilisation remontait vers le nord, vers la capitale et les quelques grandes villes, sinon partout. Du reste la vie des princes était dure: ils vivaient de chair de cheval, couchaient dans leur armure, en plein air, par les froids les plus terribles s’abritaient sous une grossière couverture, toujours prêts à se porter partout où les réclamait la défense du pays ou une invasion jugée nécessaire.

Cependant Jaroslaf avait fondé des villes, fondé des écoles et appelé des prêtres grecs, codifié les lois anciennes. Le christianisme adoucissait les moeurs, diminuait l’effusion du sang. Peu à peu, Kief était, disait-on, devenue la Capoue du Nord, mais cela ne dura pas longtemps; prise, reprise par les Varangiens, les Polonais, ses souverains, pillée, incendiée, elle déclina promptement, et les descendants de Rurik cherchèrent une autre capitale. On se transporta à Wladimir, mais en même temps les partages multipliés, la succession de frère à frère et non de père en fils, prépara, avec la dispersion des forces vives du pays, l’envahissement des Tartares.

Genghis-Kan se précipite sur l’Europe, foule aux pieds la Russie qu’il rend tributaire, et dont il réduit les princes aux plus durs impôts et aux plus humiliants hommages, et pourtant il prépare l’unité de la Russie, comme il en prépare par son exemple le gouvernement despotique. Cependant un grand homme Alexandre Newski, canonisé par les Russes à cause de ses vertus, de ses victoires, de son dévouement patriotique, profitait de ce que les princes de Kief et de Wladimir s’attiraient la colère des Tartares, pour fortifier son empire. A la mort de ce prince, la grande principauté échut aux souverains de Tver. Mais bientôt cette grande principauté échut aux souverains de Moscou, à cause de la position de cette ville entre Tver, Wladimir, Novogorod; Moscou devait finir par absorber toutes les autres principautés russes. D’oligarchique, la Russie allait passer à un despotisme dont ses grands princes avaient pris le modèle auprès du khan de la horde d’or.

Que les Tartares aient commis une faute en conservant le puissant prince de Russie, autour duquel allaient se grouper toutes les forces vives de ce grand peuple pour repousser l’invasion étrangère, il est impossible de le nier. Mais qui eût soupçonné que le plus faible des grands feudataires russes, en épousant la soeur du monarque tartare, ne tarderait pas à devenir le plus puissant d’entre eux, et par la position centrale de sa capitale en ferait la capitale de la Russie? Les Tartares eux-mêmes y contribuèrent, en nommant les princes de Moscou grands princes, et en leur attribuant la souveraineté sur la principauté de Wladimir et la république de Novogorod. Les grands princes de Moscou devinrent d’abord les collecteurs de taxes pour les Tartares, bientôt ils en retinrent la propriété; leur suprématie s’étendait sur toute la Russie par le droit d’impôt.

Les Tartares campaient au sud-est de la Russie, les grands princes de Moscou repeuplaient leurs terres désolées en attirant chez eux les fugitifs du midi les plus rapprochés de leurs oppresseurs. Les Russes avaient un point de ralliement, l’invasion allait être repoussée. Dmitri Donskoi bat les Tartares sur les bords du Don, leur puissance se brise, divers khanats se forment, plusieurs se font les auxiliaires des Russes contre leurs propres compatriotes, tandis que les grands princes, sous prétexte de combattre les Tartares, forcent les feudataires encore rebelles à reconnaître leur autorité suprême.

Vers la fin du quatorzième siècle et pendant le cours du quinzième, nous voyons une série de grands princes dont les règnes longs et heureux permettent à la postérité de Rurik de consolider l’unité de la Russie. On en était revenu à l’ancien ordre de succession où le fils succédait au père; les ennemis du dehors, les Tartares au sud-est, les Lithuaniens et les Polonais au couchant, resserraient, sans s’en douter, les liens de la patrie commune par la nécessité de s’unir contre les menaces de l’invasion; il faut y ajouter de longs règnes accordés à des monarques dont le plan politique était comme une tradition et comme un héritage. De plus, le clergé, à cette époque, avait une puissance morale dont on savait se servir pour courber les peuples sous le joug. Le patriarche ou primat de Kief, fuyant l’invasion, avait transporté sa résidence à Moscou, y avait désigné sa sépulture, et, par son attachement et celui de ses successeurs aux grands princes de cette ville, avait puissament contribué à annihiler les usurpations de bien des prétendants.

A la vérité, les derniers descendants de Rurik furent victimes de quelques révolutions de palais; la race dégénérée ne portait plus vaillamment le gouvernement d’un immense pays, elle s’éteignit dans l’intrigue de le sang.

Ce fut le moment solennel où l’union du clergé et de la noblesse porta sur le trône la famille des Romanoff (1613). Rattaché par les femmes à l’ancienne dynastie, fils du patriarche Philaretes à qui il donna la moitié du pouvoir, Michel monta à seize ans sur le trône et gouverna plus de trente ans. Les quarantes années qui suivent (1645-1682) sont le cadre de divers succès et de divers affaiblissements; certaines troupes (les strélitz) prétendent aux mêmes droits que la garde prétorienne. Les grands princes choisissaient ordinairement leur femme parmi les plus illustres familles de Russie, Alexis avait épousé successivement deux femmes; or, à la mort de Féodor III, fils aîné d’Alexis, il restait deux enfants de la première femme, Pierre, fils de la seconde, plusieurs filles dont l’aînée, la princesse Sophie, personne d’une grande capacité et d’une grande ambition, comptait bien, sous le titre de régente, gouverner la Russie. On s’efforça de donner au jeune Pierre des habitudes à l’aide desquelles on espérait le dégrader, mais Pierre s’échappa des mains prêtes à le faire esclaves, et, par l’énergie de sa volonté et de son génie, se prépara une petite armée. Avec elle, il triompha de sa soeur la régente et se vengea des strélitz, en prévenant leurs complots et en détruisant, par d’horribles massacres, le pouvoir de la soldatesque révoltée.

Ici commence pour la Russie un ordre tout nouveau. Avec Pierre Ier le niveau moral s’éleva-t-il chez les Russes? bien au contraire; mais l’instruction militaire et navale, la construction de flottes nombreuses et l’organisation des armées, l’accroissement considérable des conquêtes, les défaites même mises à profit, une ville sortant malgré la Russie entière, par la volonté d’un seul homme, des marais de la Néva, le luxe de l’Orient et de l’Occident s’unissant dans la nouvelle capitale, le commerce européen et asiatique se rencontrant devant le trône des souverains des Russies d’Asie et d’Europe, la conquête de la mer Noire commencée, Constantinople devenue le point de mire de l’ambition moscovite, la Pologne humiliée et vouée d’avance à un partage, la Suède dépouillée de ses plus belles provinces, l’Angleterre réduite à faire des excuses au très haut et très puissant empereur, la domination universelle sur le vieux monde, tel était le rêve de Pierre Ier qui préludait à des tentatives sur le monde nouveau en envoyant ses amiraux vers l’Amérique du Nord. Tout cela c’était la force et la puissance humaine; mais quant à l’influence sur les intelligences, on aura tout dit quand on saura que Pierre Ier ne voulut plus pour son Eglise de patriarche et lui donna un synode présidé par un de ses aides de camp en bottes et en éperons. Ses orgies et ses boucheries faisaient trop sentir l’ancien vaincu des Tartares.

Pierre Ier meurt victime de ses débauches, et aussitôt Catherine Ire, Anne, Elisabeth, mêlées à des princes faibles qu’on emprisonne ou qu’on étrangle, préparent le règne d’une femme célèbre Catherine II qui avait eu soin de faire empoisonner son mari, et, comme le poison était lent, de le faire étrangler comme d’autres. Après quoi elle avait manifesté une douleur immense et versé les larmes les plus abondantes. Les moeurs de Catherine II furent aussi corrompues que celles de ses ancêtres: esprit fort avec Voltaire hypocrite avec ses peuples, peu scrupuleuse sur les moyens de régner, si vous la louez de sa vaste intelligence, ajoutez qu’elle s’en servit dans le même sens que Pierre Ier, pour le développement matériel de son empire.

Les classes supérieures, imprégnées d’idées révolutionnaires, se perdaient dans tous les excès; le peuple, malgré une certaine honnêteté, dans l’ivrognerie et la fraude. Les contradictions les plus incompréhensibles composaient la vie des villageois. La classe industrielle, placée entre les grands seigneurs et les paysans, à peu d’exceptions près, prenait les vices des uns et des autres, sans prendre des vertus trop souvent absentes et chez le peuple et chez la noblesse.

L’impératrice eut de continuelles conspirations à déjouer; son habileté l’arracha à bien des périls, et pendant qu’elle calmait peu à peu ses populations, indignées de porter le joug de celle qui avait fait du corps immolé de son époux la première marche de son trône, elle jetait à son ancien amant Poniatowski la couronne diminuée de Pologne, pour le dédommager du diadème impérial qu’elle lui refusait.

Elle suivait les recommandations de Pierre Ier à l’égard de cette infortunée et généreuse nation. De concert avec Frédéric II, elle en prépara de loin le partage. Il est difficile de disposer avec plus d’habileté les combinaisons diplomatiques et les coups de force, sous lesquels le royaume des Jagellons devait succomber.

En effet, c’est à Catherine II que la Pologne doit sa fin. Marie-Thérèse d’Autriche porta jusqu’au tombeau le remords d’avoir consenti aux spoliations rêvées par l’impératrice russe et Frédéric

II. Du côté du midi, Potemkin et Romantzoff refoulèrent les Tartares, prirent la Crimée, s’assurèrent la possession de la mer Noire, conquirent plusieurs provinces sur les Turcs, préparèrent la route vers Constantinople, prouvèrent la possibilité de fonder à nouveau l’empire byzantin.

Toutes ces combinaisons diplomatiques, toutes ces guerres n’empêchaient pas Catherine de poursuivre le cours de ses galanteries avec les favoris que lui fournissait Potemkin. La Sémiramis du Nord était femme galante de la pire espèce. Les adulations des philosophes et des poètes étrangers sur lesquels elle comptait pour transmettre son nom à la postérité ne l’empêchaient pas d’être l’esclave de passions éhontées. La noblesse russe suivait ses traces, la corruption morale gagnait comme l’irruption d’un volcan. Lorsqu’éclata tout à coup la Révolution française, Catherine en éprouva des accès de fureur bien explicables; elle ne s’apercevait pas qu’en favorisant les esprits forts, comme on les appelait, elle avait elle-même amoncelé les nuages d’où la foudre venait d’éclater. A la mort de cette souveraine si vantée, que resta-t-il? une noblesse amoindrie, des parvenus enrichis, une foule d’entreprises commencées et inachevées, les finances dilapidées. Le despotisme descendu du trône aux autorités inférieures, pressurait l’armée, le commerce, le peuple, et semait les germes des révolutions qui se préparent dans le nord.

Que dire de Paul Ier? sa mère le détestait, il détestait sa mère. Ce n’était pas l’homme qui devait relever la Russie. Ses excentricités, on peut dire sa folie, allaient tout renverser. Une conspiration ourdie par quelques généraux le fit périr étranglé; triste moyen d’en finir avec un empereur insensé. C’était dans les moeurs; Paul Ier n’avait pas été la première victime de ces assassinats impériaux. Qu’était donc une cour où s’accomplissaient de tels forfaits et où les meurtriers ne perdaient rien de leur considération? Il est vrai que Paul Ier avait fait engager Bonaparte à prendre la couronne de France et qu’il détestait l’Angleterre. De là des soupçons plausibles, mais dont l’histoire ne donnera jamais la preuve. Les Russes ont fort bien pu suffire seuls à l’assassinat de leur empereur

Avec Alexandre un ordre nouveau commence. Les peuples acclament le jeune monarque de vingt-cinq ans comme un sauveur. Plein de charmes, quoique vrai Grec du Bas-Empire à en croire Napoléon Ier, ce qui le caractérise, c’est la bonté, l’incertitude, le courage et la pente au despotisme sur la fin de ses jours. En dehors des guerres où il devint successivement et sans grands remords l’allié des divers rois de l’Europe, en dehors de la sainte alliance dont les éléments fragiles se désagrégèrent bien vite, que laissa-t-il que des mécontentements profonds parmi les grands et la bourgeoisie, à qui il avait un instant montré le prisme d’institutions moins tyranniques et qu’il retira bien vite, effrayé qu’il était par les progrès intérieurs des sociétés secrètes. On sait quels mécontentements excita dans l’armée la fondation des colonies militaires; et pourtant qui avait plus aimé ses soldats que lui! Les troupes ne le regrettèrent pas, il s’en alla mourir obscurément à l’extrémité de son empire. Il avait parlé d’abdication très prochaine. Est-il permis à un czar d’abdiquer, à moins qu’on ne l’étrangle immédiatement? On prétend que sa mort ne fut pas naturelle. Les preuves manquent pour l’affirmer. On affirme avec plus de certitude qu’il mourut catholique, mais ce qui troublait son âme était, ce semblable, un profond dégoût des hommes, des choses et surtout du pouvoir. La Russie sous un pareil sceptre pouvait avoir une cour aimable dans les palais de Pétersbourg, elle ne pouvait se former en nation énergique capable d’une grande initiative.

En mourant Alexandre Ier laissa un testament, accompagné d’un acte de renonciation au trône que depuis quelque temps déjà lui avait remis le grand-duc Constantin, son frère. Le futur czar devait donc être le grand duc Nicolas; mais celui-ci par délicatesse ou par tout autre motif, crut devoir ne prendre les rênes de l’empire qu’après avoir fait apporter toute la solennité possible à l’acte par lequel son frère entendait lui céder tous ses droits. Les délibérations exigèrent trois semaines, mais le temps fut mis à profit par les mécontents. Alexandre comme tous les souverains attristés de ce qu’on ne sait pas apprécier ce qu’il ont fait pour leur peuple, effrayé des progrès de la corruption dans les hautes classes, dans le commerce, dans les universités, était revenu à quelques-unes des vieilles traditions moscovites.

L’aristocratie chez lui s’affirmait plus fort tous les jours. Nicolas l’inspirait-il ou acceptait-il la révolution accomplie dans les pensées de son frère aîné? Je ne saurais le dire. Ce que je sais, c’est que, le jour même où il prit possession du pouvoir, une conspiration éclata. L’artillerie était entièrement fidèle, mais plusieurs régiments entraînés par leurs officiers, voulurent résister et faire une manifestation constitutionnelle. On les mitrailla et la révolte fut vite étouffée.

Nicolas pourtant en retira l’impression la plus profondément irritée. Rentrant chez lui quand le canon eut mis à l’ordre les mutins: « Quelle première journée de règne! » dit-il à l’impératrice.

Cependant tout n’était pas fini. Dans la Russie du sud, des officiers crièrent Vive la République! Qu’était la république pour des soldats? Vraiment il n’en savaient rien. « Votre Excellence, disaient-ils à leur colonel, la République est-elle la femme du czar? -Non répondait le colonel, en république il n’y aura plus de czar. -Dans ce cas répliquaient les soldats, nous voulons le czar, et nous ne voulons pas la république.

Nicolas fut-il aussi cruel qu’on l’en a accusé? J’ai vu longtemps soutenir le système que le bien et le mal se modifient selon les époques. Si je prends ce que peut avoir de vrai une pareille théorie, puis-je accuser un monarque dont les sujets réalisent, cinquante ans après, les horreurs que nous voyons accomplies par les nihilistes, d’avoir employé des moyens trop violents? Les nihilistes de nos jours justifient Nicolas dans les premiers temps de son règne.

Maintenant peut-on dire qu’il ait eu d’une manière raison d’adopter le système de rigueur? Nous voyons aux premiers temps de l’introduction du christianisme en Russie, sous les souverains de Kief, un prince abolir à peu près la peine de mort et la plupart des supplices. La Russie ne s’en trouva pas plus mal; peut-être faut-il plus d’énergie pour appliquer avec persévérance des châtiments modérés dont les masses ne peuvent se plaindre, que le knout, que le pal, que l’écartellement dont le grand civilisateur Pierre Ier et sa Sémiramis du Nord, Catherine II, ne se firent pas faute.

Le paysan russe a des conditions admirables pour faire un grand peuple. Pour lui la patrie est la sainte Russie, le czar est son premier père, père infaillible comme après tout doit l’être le pouvoir suprême, même quand il se trompe. Le Russe tient à toute la Russie, car il est voyageur; enfin, quoique ignorant, il a une foi robuste qui l’aide dans les plus grandes épreuves. Avec ces conditions, citoyen il sait obéir, soldat il sait souffrir, chrétien il sait espérer.

Un ami de la Russie.
Notes et post-scriptum