ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.84
  • ARTICLES
  • ENCORE LA CRISE.
  • La Croix, I, juin 1880, p. 97-101.
  • TD 9, P. 84; CO 176.
Informations détaillées
  • 1 ANARCHISTES
    1 CLERGE REGULIER
    1 CLERGE SECULIER
    1 COMMUNE
    1 DIPLOMATIE
    1 DIVORCE
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 ELECTION
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 FAMILLE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 GALLICANISME
    1 HERESIE
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LEGISLATION
    1 LIBRE PENSEE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 LUXURE
    1 MORALE
    1 OPPORTUNISME
    1 PERSECUTIONS
    1 POLITIQUE
    1 PROTESTANTISME
    1 QUESTION SOCIALE
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 RELIGIEUX
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SAINT-SIEGE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TIERS-ORDRES
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VOL
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 CALVIN, JEAN
    2 CAZOT, THEODORE
    2 COUSIN, VICTOR
    2 DEMOLINS, EDMOND
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 DUPIN, ANDRE
    2 FREYCINET, CHARLES-LOUIS DE
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GUILLAUME I, EMPEREUR
    2 LAMY, ETIENNE
    2 LEON XIII
    2 LEPERE, CHARLES
    2 LOUIS, SAINT
    2 LUTHER, MARTIN
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 NAPOLEON III
    2 VOLTAIRE
    3 ALLEMAGNE
    3 ANGLETERRE
    3 AUTRICHE-HONGRIE
    3 CHINE
    3 FRANCE
    3 ISTANBUL
    3 NOUMEA
    3 ROME
    3 ROUMANIE
    3 RUSSIE
  • juin 1880.
  • Paris
La lettre

Elle s’aggrave chaque jour. Regardez le côté politique: les élections donnent au pouvoir de cruels avertissements. Il est débordé, l’opportunisme est réduit à courber la tête. La preuve: M. Gambetta devient poli. Voyez plutôt la façon dont il a présidé l’interpellation Lamy; symptômes très graves d’appréhensions trop justement fondées.

La Commune grandit à vue d’oeil; il semble que rien ne pourra l’empêcher de vaincre, et alors ce que deviendront les sages, les prudents, les modérés, Dieu seul le sait!

Jusqu’où ira la Commune triomphante? Pensez-vous que si l’on eût lâché dans Rome les bêtes féroces apportées d’Afrique pour les joies de l’amphithéatre, plus d’une victime n’eût été dévorée. Et vous, vous lâchez non des bêtes brutes, mais des fauves intelligents arrivés de Nouméa et qui se souviennent.

Pour aider à de pareilles faiblesses, il faut être ou aveuglé ou poussé par des engagements terribles, il faut être sous le coup d’une homicide fatalité. Un homme violent se présente comme le chef de la révolution, on lui obéit; mais cela dure peu: la multitude veut un chef plus violent encore. On en trouve qui durent peu aussi, car la violence appelle la violence. On ne pourra s’arrêter que quand les ruines ne seront que poussière et qu’on pourra dire:

Etiam periere ruinae.

La logique pousse là, si l’anarchie qu’on sent grandir n’est pas arrêtée, et probablement elle ne le sera pas.

La question du divorce a des côtés multiples, je ne veux le voir que comme indice de ce qui doit arriver. Pourquoi la haine contre les religieux, instituteurs du peuple et même des fils de bourgeois? c’est qu’ils font réciter les commandements de Dieu; or, les commandements de Dieu sont une perpétuelle condamnation des partisans de l’amour libre et du bien volé.

Pourquoi l’enseignement obligatoire? pour préparer l’entretien obligatoire des enfants; l’amour libre ne veut pas s’en charger, ce serait un trop grand embarras.

L’Angleterre a la taxe des pauvres: attendez-vous à avoir en France, la taxe des bâtards.

Ce n’est pas leur faute s’ils sont nés, et un débris de sens chrétien accroché encore au coeur de plusieurs les empêche de jeter, comme en Chine, ces pauvres petits aux pourceaux. Ecartez, si vous en avez le courage, les fanges publiques et vous verrez au fond une des causes les plus hideuses, mais les plus certaines de la crise.

On ne veut plus de la famille, la morale n’est plus qu’un mot et les hommes enivrés de ces idées affreuses seront prêts au premier signal à se jeter sur les religieux. Mais ne vous y fiez pas, vous qui les poussez ainsi au nom de leurs passions immondes: pour satisfaire leurs passions il faut de l’argent et les grèves montrant que l’ouvrier en a peu, il faudra bien qu’il prenne le vôtre. La crise sera terrible entre les jouisseurs propriétaires et les prolétaires qui veulent jouir.

Nous allons inévitablement jusqu-là.

Que dire de la crise européenne? Aurons-nous la guerre? ne l’aurons-nous pas? Qui peut répondre à cette question? La France, à la vérité, vient d’acquérir de puissants alliés: les juifs de Roumanie. Elle a en l’habileté de les prendre sous sa protection, ou de se mettre sous la leur. Que faut-il de plus à l’ancien royaume de saint Louis?

L’Angleterre s’unit à l’Allemagne; on parle sérieusement du rapprochement des trois empereurs; mais les juifs de Roumani, c’est bien autre chose! Où en sommes-nous avec la Sublime Porte? Et quel respect ne doit-on pas avoir à

Stamboul de M. de Freycinet qui chasse de France les religieux et exige pour eux les bonnes grâces du Grand Turc? Et quand après la mort de Guillaume, M. de Bismark aura fortifié l’unitÉ allemande par la pacification religieuse, pense-t-on qu’il n’en profitera pas pour une nouvelle invasion?

Mais les juifs de Roumanie ne sont-ils pas là?

A la vérité, la Russie est ruinée par le nihilisme; l’Autriche-Hongrie semble à certains moments se partager en deux; l’Allemagne est-elle bien sûre de dominer toujours les socialistes qui lui rongent les flancs? Le radicalisme a fait son apparition en Angleterre d’une façon inquiétante. Belle espérance de la France de compter un peu plus tôt, un peu plus tard, sur l’anarchie universelle pour arriver à la sienne sans trop de tapage!

L’Université, qui semble triompher, est-elle bien sûre de garder toujours ses conquêtes? Mettons que les catholiques ne les lui enlèveront pas; les catholiques enseignants auront été bâillonnés, expulsés; mais voyons, n’avons-nous pas entendu parler de troubles dans les collèges? tout s’y passe-t-il à la plus grande satisfaction des proviseurs et censeurs? On entend parfois citer des faits incroyables; on refuse d’y croire jusqu’à plus ample information, et quand l’information a eu lieu les faits se trouvent entourés de la plus incontestable et de la plus triste lumière. Où iront les établissements en pareilles situation? que deviendra la jeunesse formée de cette sorte? Elle deviendra ce que sont devenus naguères plus de 50,000 étudiants des universités russes: ils quitteront les livres pour se faire surveillants des droits sur l’eau-de-vie. Cela s’est vu naguères, cela se verra, et peut-être cela sera-ce un bien: des gens qui s’engagent dans les contributions indirectes sont en général peu faits pour les révolutions.

Que nous préparent les élections générales? A en juger par les élections partielles, une recrudescence radicale; et quand les radicaux seront au pouvoir, que se passera-t-il? si Dieu ne nous protège, ce qu’auront préparé les bourgeois.

Nous en sommes à la crise sociale. Les retours de Nouméa, les théories de certaines feuilles, les aspirations du quatrième état, l’état de ceux qui n’ayant rien et veulent tout avoir en sont le prélude. Or cette crise s’accentue de jour en jour, on l’a tant dit qu’il est inutile de le répéter, et comme le fait observer l’Univers, l’abîme est si profond qu’il est sans fond. Nous commençons à y rouler, qui peut dire quand on s’arrêtera? Sera-ce quand la France aura cessé d’exister? Sera-ce quand assez humiliée, Dieu finira par prendre pitié d’elle? qui peut le prévoir?

Laissons les esprits affolés par l’effroi se livrer à un stérile découragement, et posons-nous, en face de la crise tous les jours plus terrible, cette question des hommes de coeur qui voient le mal, mais ne désespèrent pas: que faire dans les temps présents? quid agendum?

Il ne s’agit ici évidemment que des catholiques. Je leur soumettrai d’humbles conseils avec la disposition, si je me trompe, de me ranger à des conseils meilleurs.

La guerre s’accentue tous les jours entre l’Eglise et la révolutions, et cette fois c’est la révolution qui attaque, l’Eglise se défend. Elle a commencé. Les évêques ont parlé, les congrégations religieuses se taisent et se soucient peu de tomber dans le piège qu’on leur tend en leur proposant une autorisatioon inévitablement refusée s’ils la réclamaient, et qui de plus constaterait pour l’Etat un droit que nous lui dénions.

Tel est le commencement de la lutte en face des décrets du 29 mars. Or, on serait bien aveugle si l’on pouvait supposer qu’on s’en tiendrait là.

A proprement parler, la guerre a commencé le jour où l’infaillibilité pontificale fut proclamée. Dieu nous donna le temps de prendre nos précautions pendant la guerre avec la Prusse. M. de Bismark ouvrit chez lui la persécution qu’on le dit vouloir arrêter. Aujourd’hui c’est le tour de la France.

Certes, ni M. Lepère, ni M. Cazot, ni M. de Freycinet, ne vont à la hauteur de la botte du grand chancelier allemand, mais derrière eux il y a la tourbe maçonnique qui s’appelle Légion. Ils sont beaucoup. Un de nos collaborateurs se propose de descendre dans les bas fonds de cette secte pour en montrer toutes les haines, toutes les doctrines, toutes les machinations; c’est une sorte de résurrection des manichéens, des albigeois et de tous ces groupes plus ou moins nombreux qui apparaissent à certaines époques, réclament le droit de ne rien croire pour avoir le droit de tout faire. La lutte devient plus acharnée; aussi se tromperait-on si l’on croyait que la paix est prête à revenir. La ruine de l’Eglise est jurée; heureusement nous sommes à l’époque où son fondateur, après avoir annoncé à ses apôtres la persécution et la mort même, les quitta pour monter au ciel en leur disant: Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. Il y la dix-neuf siècles que la prophétie s’accomplit, et la fureur maçonnique ne l’empêchera pas de continuer à se réaliser.

Puisque nous devons nous attendre à une crise très prolongée, n’y a-t-il pas à prendre des dispositions en conséquence?

Une première disposition qui me semble très facile à cause de l’état des esprits, c’est l’union. Nous sommes pour des causes diverses menacés d’être opprimés. Les poltrons aiment peu la vie d’oppression, nous nous en débarrasserons et nous saurons ce que nous voulons; la foi qui s’affaiblit par la peur chez certains, se fortifie au contraire chez ceux qui, d’une part, ne croient pas que pour éviter certains maux il n’y a qu’à fuir, et, de l’autre, qui se respectent assez pour ne pas vouloir être confondus avec les exécuteurs des hautes oeuvres révolutionnaires. En pareille situation, les nuances disparaissent, au moins dans le camp catholique.

C’est beaucoup; car si les adversaires de l’Eglise rugissent à la pensée des forces nouvelles acquises par elle après le dernier concile, il n’y a rien de mieux à faire que d’en profiter. Nous sommes tous plus unis au centre commun, les évêques reçoivent plus aisément le mot d’ordre et le portent aux extrémités du monde. Voyez pour la France depuis six semaines l’unanimité de l’épiscopat. Il en est de même pour le clergé des deux catégories. Les prêtres séculiers n’adhèrent-ils pas aux protestations épiscopales? Je ne parle des religieux que pour dire combien la révolution se trompe, si elle espère amener l’ombre d’une scission entre eux et le Saint-Siège. La distinction entre les congrégations qui ont leurs chefs en France et celles qui les ont à Rome, est bien futile, bien vaine, elle ne trompe que les gens aimant à être trompées.

Est-ce qu’en France il y a un seul chef de congrégation qui soit moins dévoué aux doctrines romaines que les généraux d’ordres romains? Le supposer serait leur faire la plus cruelle injure, et si vous espérez clôre la crise par de semblables moyens, un prompt avenir vous prouvera votre erreur. Nous sommes unis plus que jamais, sachez-le bien, et vos efforts pour rompre le faisceau n’auront pour résultat que de le resserrer.

Quand les religieux se prêteraient à l’humiliation de réclamer l’autorisation, est-ce que les catholiques le permettraient? Tel arbre religieux ainsi découronné perdrait sa sève, parce qu’il serait voué au mépris; les autres profiteraient de sa mort, comme dans ces forêts du nouveau monde où des troncs à peine desséchés fournissent la place à des rejetons plus nombreux et plus forts.

Après tout, Messieurs les Ministres, nous vous devons peut-être des actions de grâce. Toute oeuvre féconde veut de la contradiction, vous vous chargez de la fournir. C’est bien; nous verrons les religieux se retremper dans l’épreuve et devenir plus parfaits. Vous saurez seulement que derrière les religieux se lèvent les vrais catholiques. Vos tracasseries, vos persécutions augmenteront leurs phalanges. Vous le voyez bien tous les jours, et quand après votre triomphe éphémère vous en serez venus, comme on vous l’a prédit, à vous dévorer les uns les autres, les catholiques seront là, non pour recueillir votre héritage, ils l’ont en horreur, mais pour reconstruire la France que leurs Evêques ont faite une première fois.

Un de nos publicistes les plus distingués, M. Edmond Demolins, a publié dans la Revue du monde catholique l’analyse des luttes de 1830 à 1850 pour la conquête de la liberté catholique. Alors nous étions bien vaincus. Quels hommes voyait-on dans les églises de ville? presque point. Où était élevée la jeunesse? En général dans l’Université. Les idées régnantes les moins mauvaises étaient celles du juste milieu, et l’on sait ce qu’elles valaient au point de vue chrétien. M. Demolins, avec un art très grand, et sans rapprochement affecté, a le talent de nous faire dans l’historique de cette époque la peinture de la nôtre et la prophétie d’un avenir prochain. Le cri qui s’échappe après cette lecture, malgré nous, est celui-ci: Mais nous sommes plus forts qu’en ce temps-là. Fait incontestable. Nos ennemis ne sont pas plus furieux! Est-ce que l’Archevêché ne fut pas saccadé, Saint-Germain-l’Auxerrois profané, longtemps fermé? M. Thiers ne fit-il pas renverser la croix de Sainte-Geneviève, redevenue le Panthéon avec Luther et Voltaire dans les bas-reliefs? M. Cousin, dénonçant les Jésuites à la Chambre des pairs, ne disait-il pas avec une terreur peut-être réelle qu’il lui en arriverait ce qui pourrait? M. Dupin n’annonçait-il pas les envahissements du ;parti prêtre? Les Jésuites ne furent-ils pas l’objet d’un ordre du jour réprobateur, et s’il m’est permis de citer un souvenir personnel, je me rappelle avoir entendu chez M. de Monatlembert M. Dupanloup, encore simple prêtre, s’écrier la fameuse séance: « Cet ordre du jour m’a expliqué la pire époque de la Terreur: ils étaient une majorité d’honnêtes gens poltrons que leur conscience ont empêché de voter, mais la peur a été plus forte, et les Jésuites ont été immolés. »

C’est l’histoire de toutes les époques embrouillées, où quelques coquins audacieux épouvantent, pour un temps, l’honnêteté effrayée, en attendant que d’autres effrois la forcent à reprendre le bon chemin. C’est peu honorable pour l’honnêteté de cette sorte, mais quoi? ne faut-il pas être du niveau de son temps?

Le niveau actuel est très supérieur, chez les catholiques, à celui d’alors. Ils sont plus intelligents, plus unis, plus énergiques, ils ont plus le sens de la tactique dans la lutte. Qui sait si la même conviction chez les révolutionnaires n’est pas le mobile de leur nouvelle prise d’armes? Ils se hâtent, parce qu’ils estiment que les positions ne sont plus les mêmes. Laissez-les faire. Les catholiques pourront souffrir, mais les nouvelles couches ne préparent à les venger des persécutions des libres penseurs.

Les traditions du droit ancien, effacées dans ce qui était utile à l’Eglise, sont maintenues avec haine par certains juristes, héritiers étroits de nos vieux parlements; cela doit disparaître, mais non pas sans bataille. Elle sera livrée, et nous l’emporterons. Si j’avais à donner un conseil aux jurisconsultes catholiques, je les conjurerais d’étudier le droit ancien dans ce qu’il a de vexatoire pour nous, afin de nous apprendre à faire disparaître tout système incompatible avec le système nouveau. Les catholiques ont renoncé aux privilèges d’autrefois, il est logique qu’on renonce à leur égard à ce qui dans l’ancien droit gênait leur liberté.

Il serait par trop fort qu’on leur imposât les charges des deux systèmes et qu’on ne leur accordât les avantages d’aucun. Vous nous avez ôté nos droits séculaires, nous acceptons la spoliation, nous entrons dans le droit commun; mais nous le voulons tout entier. Que nous font des textes de lois édictées au moment des grandes fureurs contre l’Eglise et la monarchie? La paix s’est faite sur de nouvelles bases, nous nous y conformons; voulez-vous que nous soyons de bons citoyens? ne nous forcez pas à devenir de mauvais catholiques.

Nous le deviendrions, si nous vous cédions tout ce que vous voulez nous arracher: car vous le savez bien, pour vous ce n’est pas le clérialisme, c’est l’Eglise catholique qui est l’ennemi. C’est la mort de la société religieuse que vous poursuivez; eh bien! nous vous résisterons.

Tel est, après tout, le fond de la crise.

Elle durera longtemps, car ni la Révolution, ni l’Eglise ne consentiront à céder, à moins que nous ne soyons à la fin des temps. L’Eglise ne saurait périr, mais la Révolution peut être vaincue, comme l’a été le paganisme, comme le furent les Ariens, comme s’affaisse le Croissant, comme se dissout la Réforme dans des transformations où Luther et Calvin ne la reconnaîtraient plus. Ce seront toujours les mêmes haines exercées par d’autres ennemis; mais leurs variations en face de son immutabilité servira à prouver où est la vérité éternelle, où est le bien qui découle du vrai.

Donc il faut continuer la lutte; donc il ne faut pas attendre trop tôt le terme de la crise. La guerre passée nous rend expérimentés pour les guerres futures, nos ennemis ne nous donnent pas le temps de respirer, mais ils nous forment eux- mêmes, et c’est beaucoup.

En attendant un triomphe qui ne sera jamais définitif ici-bas, continuons à préparer nos armes, à organiser nos milices.

On ne veut plus d’ordres religieux, faisons des tiers ordres, ayons des religieux qui vivent au milieu du monde, qui aient une règle, qui même aient la permission de faire des voeux. Ah! citoyens de la Révolution, vous espérez détruire les moines, je vais vous dire ce qu’ils sont capables de faire: dispersés par vous, ils iront chacun dans une maison pratiquant leur règle de leur mieux; ils convoqueront de quinze à dix-huit catholiques, pas plus, des jeunes gens surtout, les exerceront à la vie du cloître, cultiveront en eux des vocations possible, d’autant plus faciles à développer qu’elles seront embellies par l’attrait de la persécution. Ah! vous ne savez pas le bonheur qu’il y a pour des âmes croyantes et des coeurs ardents à se sentir persécutés! Voyez, nous vous devrons un redoublement de ferveur, un plus fécond développement de vertus. En voulez- vous la preuve? Rappelez-vous ce qui se passa sous le dernier Empire, quand on voulu frapper les conférences de Saint-Vincent de Paul; un moment elles se replièrent sur elles-mêmes, puis elles reprirent leur essor. Il en sera de même, croyez-le bien, des ordres religieux; vous les persécuterez, ils continueront à vivre, comme sous les empereurs païens vivaient les chrétiens, dussent-ils descendre dans les catacombes.

Entre les conférences sous Napoléon III et les ordres religieux, il y aura cette différence que vous serez peut- être plus violents; mais votre domination tyrannique sera plus courte. Les conférences, malgré les vertus de leurs membres, n’étaient composées que de laïques. Ici les persécutés sont dans la vie de perfection et la plupart sont prêtres; ce seront de vrais apôtres. Vous voulez détruire l’Eglise, et vous l’aidez à sanctifier des apôtres. Ah! votre logique est courte, croyez-moi, et se brise par son inconséquence.

En résumé, l’Eglise a aujourd’hui plus de prêtres savants, plus d’oeuvres de charité, plus de science d’organisation dans la lutte qu’au commencement du siècle et même qu’en 1830. Elle a beaucoup plus de religieux abrités par le droit commun.

L’Eglise utilisera la science de ses prêtres, fera plus d’oeuvres charitables, organisera mieux les études, se pénétrera de plus en plus des doctrines de saint Thomas, sous l’impulsion de Léon XIII, préparera les tiers ordres, en chambre, s’il le faut; entendez bien: en chambre, verra fleurir un plus grand nombre de religieux, et quand la paix lui sera forcément rendue, nous verrons qui d’elle ou de la Révolution aura plus souffert de la crise.

E. d'Alzon, des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum