ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.94
  • ARTICLES
  • TOUJOURS LA CRISE.
  • La Croix, I, juillet 1880, p. 177-182.
  • TD 9, P. 94; CO 177.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU
    1 APOSTASIE
    1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ATHEISME
    1 BIENS DE L'EGLISE
    1 CLERGE REGULIER
    1 CLERGE SECULIER
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COMMANDEMENTS DE L'EGLISE
    1 DROITS DE DIEU
    1 DROITS DE L'HOMME
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 FAMILLE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 GALLICANISME
    1 GAUCHE
    1 GOUVERNEMENT
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JUIFS
    1 LAICAT
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 LITURGIE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MARIAGE
    1 MATERIALISME
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MORALISATION DU PAUVRE
    1 NIHILISME
    1 OEUVRES CARITATIVES
    1 OPPORTUNISME
    1 OPPORTUNISTES
    1 PAPE GUIDE
    1 PERSECUTIONS
    1 PREDICATION
    1 PROVIDENCE
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 REGNE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION DE 1789
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SATAN
    1 SOCIALISME ADVERSAIRE
    1 SOCIETES SECRETES
    1 SPOLIATEURS
    1 TRAITRES
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VERTUS DE L'APOTRE
    2 AMAN, BIBLE
    2 BARAGNON, NUMA
    2 CHESNELONG, PIERRE-CHARLES
    2 CLEMENCEAU, GEORGES
    2 DIOCLETIEN
    2 ESTHER
    2 HOLOPHERNE
    2 JUDAS
    2 JUDITH, BIBLE
    2 JULIEN L'APOSTAT
    2 LACTANCE
    2 LEON XIII
    2 LOYSON, HYACINTHE
    2 PIPY
    3 FRANCE
    3 ROME
    3 SUISSE
  • juillet 1880.
  • Paris
La lettre

I. QUE FERONT-ILS?

Ils feront tout le mal qu’ils pourront.

La guerre est déclarée à l’Eglise. Ils ne veulent être ni Dioclétien, ni Julien l’Apostat: ils seront tout ce qui sera nécessaire d’être pour arriver à leur fin. Je crois bien qu’ils préféreraient nous étouffer sans bruit; cela leur sera-t-il possible? J’en doute, et même je suis certain qu’ils sont forcés malgré eux à marcher jusqu’au bout, et ce bout, pour eux, sera l’abîme.

Ce qui frappe surtout dans leur plan, c’est leur unité d’action. Ils ont beau avoir des querelles intestines, vrais frères ennemis quand il s’agit d’opportunisme, d’intransigeance, de radicalisme, à peine le but commun reparaît-il, qu’ils se groupent avec un ensemble dont le secret est dans l’unité de direction. Qui donc dirige? Ignorez-vous que c’est la franc-maçonnerie?

J’ai quelque peu étudié les société secrètes. Il faut en venir à cette seule idée: L’homme chassant Dieu du monde. Radicalisme, socialisme, nihilisme, ajoutez quelques nuances insignifiantes, vous aurez partout le même principe: l’empire de Satan s’élevant contre le royaume de Dieu. Voilà ce qu’il faut proclamer, afin de résister avec plus d’énergie.

Donc, l’objectif, pour employer l’expression moderne et peu française, c’est l’Eglise. Il faut la renverser jusque dans ses fondements. Et le plan est bien simple. Ils démoliront toute institution chrétienne: après l’enseignement, la prédication; après les réguliers, le clergé paroissial; après les écoles, les églises. L’épiscopat viendra après; on lui coupera lentement les vivres; cela a commencé, cela continuera. Plus de dimanche, plus de mariage chrétien, plus de culte public. Est-ce assez clair?

Quand vous n’aurez ni culte, ni famille, ni repos du Seigneur, ni maîtres catholiques, ni temples, ni sacerdoce, que restera-t-il à l’Eglise?

Voilà ce qu’il faut demander sans cesse, afin que les béats de la vie commode ouvrent les yeux, supposé qu’il leur reste une étincelle de foi.

Quel ministre aujourd’hui n’est pas franc-maçon? Parmi eux peuvent se trouver quelques instruments inconscients de l’oeuvre, mais les chefs savent parfaitement ce qu’ils veulent. Ils veulent l’anéantissement de l’Eglise. Tout l’édifice doit s’écrouler, du moins se le persuadent-ils.

Du reste nous allons les voir incessamment à l’oeuvre. Ils sont à la vérité surpris du silence des congrégations, qu’ils veulent faire passer sous leurs fourches Caudines. Mais croyez-vous qu’ils pourront s’arrêter? gardez-vous de vous y fier. Ils disent qu’ils ne veulent pas persécuter. Ils savent à merveille qu’ils mentent. Il leur serait plus commode évidemment de faire leur coup sans bruit, mais si le bruit est nécessaire, ils y mettront tout le vacarme voulu. Ils prétendent agir légalement; attendez qu’on leur résiste et vous verrez si la violence ne sera pas employée. Avant tout, il importe de ne pas croire le premier mot de leurs promesses de modération.

Donc ils procéderont pas à pas, en hypocrite douceur; cependant il faudra, à tel moment qu’ils ignorent et que Dieu connaît, relever le masque. La bête féroce aura brisé ses liens et elle se montrera avec tous ses sanglants appétits. Mais quand donc? Le 29 juin 1880. A moins que, pour des raisons de tactique, on ne diffère de quelques jours ou de quelques semaines.

Que pourront-ils? Nous marchons dans l’inconnu: car il est bien possible que l’esprit public, sous le cri des persécutés, prenne une nouvelle direction. En France on s’intéresse toujours aux victimes, et plus elles sont nombreuses et persécutées, plus vite on voit grandir le nombre de leurs défenseurs.

Qui niera que la persécution ne soit que commencée?

J’ai dit le mal qu’ils veulent faire avec réflexion et calcul, je n’ai pas dit le bien qu’ils feront malgré eux.

Ils nous uniront. Voyez tout ce qui est honnête, dans tous les camps, se grouper autour des droits des chrétiens, et ce n’est qu’un commencement. Le mouvement lent, mais sûr, apparaît; vous le verrez grandir, vous pourrez être battus une fois, deux fois, trois fois; une invincible conviction persuade aux vrais croyants qu’un peu plus tôt, un peu plus tard, la justice triomphera. Le bon droit eût triomphé sans les traîtres; et n’entendez-vous pas l’Eglise dire aux traîtres; du XIXe siècle ce que Jésus-Christ disait à Judas, le traître par excellence: Quod facis, fac citius. « Ce que tu fais, fais-le vite. »

Judas et les Juifs croyaient en avoir fini par la mort de Jésus, ils ne se doutaient pas de la résurrection, et c’est ainsi que Dieu déjoua leurs plans.

L’unité est nécessaire à toute société, c’est un caractère essentiel de l’Eglise, et il est indispensable qu’elle apparaisse plus éclatante à certains moments. Après le concile du Vatican, où les droits du Pape proclamés fixèrent d’une manière plus visible le centre de cette unité, il fallait que les ennemis du dehors concourussent, sans s’en douter, à la rendre plus compacte; c’est à quoi ils travaillent avec une ardeur dont ils ne se doutent pas. Donc, merci, citoyens persécuteurs, vous êtes comme les vieux Juifs qui crucifièrent Jésus-Christ pour mieux faire éclater son triomphe. Voilà ce que vous faites, ce que vous continuez à faire, au rebours de vos intentions, et cela vous sera peut-être utile; car après nous avoir préparé, sans vous en douter, mais à coup sûr, la victoire, nous vous promettons de prier pour vous.

II. CE QUE NOUS FERONS.

Nous ne devons pas laisser tout faire à la révolution. Elle a mission de démolir; peut-être sera-t-elle écrasée sous les ruines mêmes qu’elle accumule; mais nous aussi, nous avons nos devoirs.

Quels sont-ils?

La révolution travaille autant qu’il dépend d’elle à fortifier notre unité; de plus, comme nous venons de le dire, elle a mission de renverser une foule d’institutions auxquelles il nous répugnerait de toucher. Et ce ne sera pas, certes, nous qui chercherons à la sauver des manceaux de décombres qu’elle se plaît à rendre d’heure en heure plus nombreux. Nous avons à accomplir un tout autre travail.

La révolution cherche à nous procurer, par ses haines mêmes, une unité plus grande; dévouons-nous de notre côté, et avec un sens chrétien plus clairvoyant, à la perfection de cette oeuvre. La révolution s’applique à faire table rase, profitons du terrain déblayé, hâtons-nous de contribuer à reconstruire avec intelligence, partout où nous le pourrons, sur les bases anciennes et immuables, un édifice nouveau et une nouvelle organisation.

Après la révolution nous devons, dans la mesure où Dieu le demande, travailler à rendre l’Eglise plus une, non dans son dogme, c’est impossible, mais dans la direction de la guerre.

Je disais tout à l’heure que la révolution avait son unité, par le commandement des chefs, qui peuvent se détester réciproquement, comploter les uns contre les autres, mais qui au fond s’entendent contre la cause du vrai et du bien. Imitons-les, ne rougissons pas de leurs leçons.

Fas est ab hoste doceri.

Le travail d’unité est bien simple. Les francs-maçons ont le Grand-Orient, nous avons le Pape. Je rougis pour le Pape d’une pareille comparaison, elle est utile pourtant. L’esprit du diable est sans doute très puissant, mais l’esprit de Dieu l’est toujours beaucoup plus. Or l’esprit de Dieu repose sur Léon XIII; lui aussi peut dire: Spiritus Domini super me, l’esprit du Seigneur est sur moi.

Quand le Pape parle, c’est donc l’esprit de Dieu que l’on entend; mais alors quelle confiance pour les catholiques, d’être guidés par Dieu même, et quel invincible motif de se grouper sous cette direction une, prudente, forte, divine!

Effet merveilleux de cette unité! On a cru savoir que le Pape désirait en France des protestations épiscopales, tous les évêques ont protesté. On a cru savoir que Léon XIII désirait qu’aucune congrégation religieuse ne présenta au gouvernement des statuts; aucune congrégation n’a présenté les siens. Les pèlerins français ont cru savoir que Léon XIII serait bien aise qu’ils lui demandassent le mot d’ordre; ils l’ont demandé, et l’on sait que le Pape les a chargés de le répéter à leurs frères de France. L’unité se forme plus forte que jamais. Du moment que les erreurs gallicanes sont abandonnées, que le catholicisme libéral semble prêt à mourir de sa belle mort, pourquoi s’en occuper? Gallicans et libéraux, reposez en pair, nous ne nous occupons plus de vous que pour vous accueillir avec joie, s’il vous plaît de nous revenir. Vous savez que vous êtes désormais à peine des ombres évanouis.

Sous la direction des évêques unis à Rome, le clergé séculier proteste à son tour, il s’adresse à ses chefs hiérarchiques et leur dit: O nos Pères, ce que vous croyez, nous le croyons; ce que vous dites, nous le répétons; ce que vous décidez, nous l’acceptons; quand vous commanderez, nous obéirons.

Il semble que la Providence ait permis la fuite en Suisse de quelques apostats français, pour en purger l’Eglise de France, et pour prouver par ces tristes exemples à quel degré d’avilissement et de honte publique descendent les insensés qui se prêtent, dans l’espoir d’une sacrilège popularité, à certaines comédies, je devrais dire à certaines mascarades anticatholiques.

L’exemple servira, il faut l’espérer, et si, par un dernier excès d’un délire par trop inintelligent, quelques misérables revendiquaient la succession des Loyson et des Pipy, ils prouveraient seulement leur indignité comme prêtres, la démence de leur esprit, l’absence absolue de tout honneur, car ils avaient fait des serments.

Après les prêtres, les laïques se montrent: que de protestations, que d’associations ne surgissent pas sur tous les points du territoire! C’est là peut-être où l’unité d’action doit surtout se faire sentir; d’ailleurs, nous avons d’assez beaux commencements.

L’organisation apparaît.

En face de la révolution qui sape le monde ancien, nous préparons, nous, le monde nouveau.

Il est inutile de parler ici de Dogme. La lutte actuelle force les catholiques à dire: En matière de foi, c’est tout ou rien. Pour leurs adversaires, ce peut n’être rien, le néant: pour eux, c’est tout.

Mais pour les institutions variables, adoptées selon les temps divers, c’est autre chose, et l’on peut déjà apercevoir ce que les catholiques peuvent faire.

Le monde ancien, ou, pour mieux dire, les oeuvres de l’Eglise sous l’ancien régime, vivaient des fondations de nos pères: la Révolution les leur vola, on leur alloua d’insignifiantes indemnités; nous verrons des fondations nouvelles, et pour qu’on ne nous les enlève pas à nouveau, nous saurons bien trouver les moyens dont se servirent au moyen âge les juifs pour sauvegarder leurs trésors. Après cela, d’ailleurs, quelques spoliation sont utiles peut-être pour imprimer sur certains fronts le stigmate des voleurs. A la première révolution on disait à tort sans doute, mais on croyait pouvoir dire: Les biens du Clergé appartiennent à l’Etat. Cette fois, ce seront les biens des particuliers qu’il s’agira de ravir, et quand ces biens auront été soustraits, peut-être les gros bourgeois de l’opportunisme trouveront- ils qu’il y a quelque danger pour leurs hôtels achetés et leurs forêts acquises on ne sait trop comment. Ou les biens particuliers des congrégations ne risqueront rien, ou les fortune peut-être scandaleuses des puissants repus risqueront grandement.

On nous chasse des écoles communales, nous aurons nos écoles libres; on expulsera les religieuse des hôpitaux; un peu de patience, l’exemple des Petites-Soeurs des pauvres est là. On s’arrangera pour qu’elles soient chez elles; pour les chasser, osera-t-on chasser les pauvres des maisons qu’elles leur ont élevées, quand ces maisons seront à elles?

Il nous faut refaire la fortune de la charité catholique, et s’il m’est permis de poser la formule pratique de notre avenir, je dirai:

IL FAUT QUE DANS TOUTES LEURS OEUVRES, LES CATHOLIQUES D’ARRANGENT POUR ETRE CHEZ EUX.

Cela ne se fera pas en un jour, cela se fera peu à peu; plus ou moins vite, suivant que les spoliateurs officiels mettront nos religieux et nos religieuses plus ou moins vite à la porte.

Mais direz-vous, il n’y aura plus de religieux. -Vraiment? Un religieux, parce qu’il est en paletot, une religieuse, parce qu’elle est dans une de ces robes ridicules imposées par la mode, en sont-ils moins engagés par leurs voeux? En sont-ils moins dans la vie religieuse que s’ils avaient leur costume régulier? Autrefois on a pu voir sous un habit noir, gris, blanc, bleu, des hommes qui n’étaient pas moines; aujourd’hui vous aurez des moines sans l’habit, mais je vous en avertis, bon gré, mal gré, vous aurez les moines. Seulement, dans la rue, vous serez exposés à les coudoyer sans pouvoir les reconnaître. Ah! prenez garde! S’ils avaient des poignards?…Et s’ils ont le poignard, c’est vous qui leur aurez donné le déguisement qui vous empêchera de les reconnaître!…Bons bourgeois! Quel sujet de terreur!…

Ce qui me semble éclater dans la guerre qui nous est faite, c’est un grand odieux en présence d’un plus grand ridicule tombant sur nos ennemis. Profitons-en et poursuivons notre oeuvre.

Défendrez-vous aux catholiques de donner? -Vous savez bien qu’ils ont toujours été généreux; ils donneront, et ils ses donneront.

Leur défendrez-vous de faire de la propagande? -Grâces à Dieu, elle s’organise sous la direction d’hommes d’un grand talent et d’un très grand coeur. Je ne puis les nommer tous; mais après avoir salué la grande figure de M. Chesnelong, de celui qui mène le combat, il m’est bien permis de tendre la main à mon ancien élève, M. Baragnon, et de lui dire, après les triomphes de ses conférences: Je suis content de vous. Vous faites la gloire de l’Assomption.

Hélas! qui dira que si cette Assomption est fermée, ce n’est pas parce qu’elle a formé, avec M. Baragnon, des hommes dignes de lui? Qui dira que ce n’est pas parce que les collèges chrétiens forment des races d’une valeur pareille, qu’on trouve plus commode de les supprimer?

En attendant, la controverse s’engage et les catholiques ont le beau rôle: d’un côté, le droit; de l’autre, la force et la violence sous le masque de la légalité. Prenez-y garde, la notion des droits de Dieu fait son chemin, et les sophistes des droits de l’homme pourraient bien lâcher pied. Le christianisme a vaincu le monde païen, et vous êtes encore de très petites gens en présence des empereurs et de leurs proconsuls. Nous constatons autour de nous des défections: elles étaient anciennes, les circonstances les ont rendue publiques; mais nous constations aussi que nos forces grandissent. Il en faut pas beaucoup d’hommes à puissant courage pour en communiquer au peuple chrétien; ce que j’ai dit, je le répète: Qu’étions-nous en 1830? Au bout de vingt ans, nous avons vaincu. Nous sommes bien plus nombreux, bien mieux organisés; un peu de persécution achèvera l’oeuvre. Prenez garde, frères de la franc-maçonnerie! Vous me semblez arriver bien tard pour rompre nos rangs; vos attaques, au contraire, les resserreront.

Donc nous serons plus unis, mieux organisés, plus actifs, plus prêts à travailler à la construction d’un monde nouveau, plus intelligents de la lutte, plus savants dans les oeuvres à édifier. La situation est bonne, ne nous plaignons pas.l

III. QUE FERA DIEU?

Cette question serait impie, si elle n’était profondément filiale. J’écarte bien vite toute idée d’une réponse prophétique. Mais celui qui a dit: Ne craignez pas, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner le royaume, ou encore: Et voilà que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles, ne faillira pas à sa promesse. Que les sceptiques disent tant qu’ils voudront: Qui sait si c’est vrai? -Sans doute. Mais si c’est vrai? Et nous, catholiques, sous peine de prévariquer, nous devons croire que c’est une vérité sortie de la bouche de Celui qui est la Vérité même.

Dieu protégera son Eglise, son royaume terrestre. Mais cette Eglise, en France du moins, n’a-t-elle pas besoin d’être purifiée? Qui oserait le nier? Nos fautes s’élèvent-elles si fort vers le ciel, que nous méritions une réprobation absolue? A dire vrai, Dieu est trop miséricordieux pour que nous osions l’affirmer. Que fera Dieu? Il enverra des épreuves, et nul ne peut en dire l’étendue ni la durée; et quand il aura vu les efforts des Français pour aider à la propagation de la foi sur les terres et les plages les plus lointaines, la moralisation du pauvre par les Conférences de Saint-Vincent de Paul et d’autres oeuvres soeurs, les prières sous toutes les formes, en secret et en public, les pénitences, les bonnes oeuvres, les pèlerinages, Dieu se laissera toucher.

Quand? C’est là son secret; mais ce que nous savons, c’est qu’il ne permet pas qu’on l’insulte, sans qu’il en tire tôt ou tard une vengeance manifeste.

Dès le quatrième siècle, Lactance, écrivait son livre, De mortibus persecutorum. Je crois qu’un second livre pourrait être écrit sur la fin des bourreaux de la Révolution française. Qui écrira le châtiment des bourreaux actuels de l’Eglise?

La période actuelle ne fait que s’ouvrir; attendons la fin.

Cependant nous pouvons constater certains signes précurseurs d’un effondrement social qui s’étend à toutes les forces vitales. Admettons que les hommes du jour second vantent de triompher. De quoi donc, s’il vous plaît?

Est-ce l’opportunisme qui triomphe? Mais ses échecs sont signalés à chaque instant. Sont-ce les gens du centre gauche? Voyez comme ils second scindent à propos de tout. M. Clémenceau n’a pas triomphé ces jours-ci. Je me demande s’il serait heureux d’une victoire complète; ne serait-elle pas digne d’une nouvelle attaque par un quatrième, un cinquième état? Ces gens-là posent les premières assises de leur Babel. A quelle hauteur auront-ils le temps de l’élever? Dieu a certes le droit de second montrer sévère envers les chrétiens, mais soyez certains qu’il sera terrible pour les matérialistes et les athées, et par ce côté la crise nous prépare des surprises inattendues.

Aussi, quand après avoir bien examiné, je me demande une fois de plus: Que fera Dieu? je ne puis que répondre au fond de ma conscience: Ce que nous aurons mérité qu’il fasse. Pour nous, la situation prend donc une gravité immense, car si les catholiques sont écrasés, si l’Eglise en France s’écroule sans espoir de rétablissement, sous le marteau des francs-maçons, c’est que nous l’aurons bien voulu. Dieu est pour nous, pourvu que nous ne le forcions pas à nous abandonner. Forçons-le, au contraire, à nous venir en aide, par un redoublement de vie chrétienne, d’ardeur au combat, d’unité de discipline, sous la conduite de nos chefs; sachons être des hommes de prières, d’oeuvres, de sacrifices. Les chances ne tarderont pas à tourner en notre faveur.

Mais quoi? les décrets sont là; dans quelques jours ils seront exécutés. Dieu nous préservera-t-il de ce malheur? -Qui pouvait prédire que Judith couperait la tête d’Holopherne, et qu’Esther ferait pendre Aman?

E. d'Alzon, des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum