ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.117
  • ARTICLES
  • CONSCIENCE ET LEGALITE.
  • La Croix, I, mai 1880, p. 116-120.
  • TD 9, P. 117; CO 179.
Informations détaillées
  • 1 ANARCHISTES
    1 ATHEISME
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CREATEUR
    1 DECADENCE
    1 DIVORCE
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ELECTION
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FEMMES
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 HAINE ENVERS LA VERITE
    1 IDEES DU MONDE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LACHETE
    1 LEGISLATION
    1 LIBRE PENSEE
    1 LOI DIVINE
    1 LOI HUMAINE
    1 LOI MORALE
    1 LOI SANS DIEU
    1 LUXURE
    1 MAGISTERE
    1 MENEURS
    1 NIHILISME
    1 PERSECUTIONS
    1 PROPRIETES FONCIERES
    1 PROTESTANTISME
    1 REVELATION
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION DE 1789
    1 SAGESSE HUMAINE
    1 SPOLIATEURS
    1 SUFFRAGE UNIVERSEL
    1 SYSTEMES POLITIQUES
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    2 CAZOT, THEODORE
    2 DANTON
    2 LOUIS XVI
    2 LUTHER, MARTIN
    2 NAQUET, ALFRED
    2 PIERRE, SAINT
    2 ROBESPIERRE, MAXIMILIEN DE
    2 SAINT-JUST, LOUIS
    2 WALLON, HENRI-ALEXANDRE
    3 BABYLONE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 FRANCE
    3 HESSE
    3 MASSACHUSSETTS
    3 NEW-YORK, ETAT
    3 ROME
    3 WITTEMBERG
  • mai 1880.
  • Paris
La lettre

Qu’est la légalité sans le droit moral?

Qu’est le droit sans la conscience?

Qu’est la conscience sans une loi supérieure, divine?

Qu’est la loi divine sans sa promulgation révélée?

Qu’est cette promulgation, sans l’interprétation du juge légitime, l’Eglise?

La conclusion est bien simple pour qui sait lier ensemble deux idées.

Aussi les négateurs les plus logiques de l’Eglise ont-ils formulé leur théorie sociale dans ce seul nom: ANARCHIE.

Mais entre les catholiques très logiques et le très logique Proudhon, un des pères du nihilisme, il y a une foule d’esprits incertains, souvent honnêtes, voulant le bien mais pas trop, acceptant le mal de peur de pire, redoutant les conséquences trop claires quand elles les gênent, voulant de la conscience avec un bandeau, de la morale, mais sans cléricalisme. Qu’ils sont nombreux les hommes de cette espèce! Il faut les plaindre, car ils ont la vue basse et peu de chose au coeur.

Ces citoyens ont cependant cela de bon qu’ils se laissent assez bien mener par la peur. Ce n’est pas pour eux que j’écris, mais pour les hommes capables de les conduire et de faire comprendre aux autres que sans la loi morale et divine ils vont à des catastrophes dont ils ne veulent pas.

J’en reviens à mes questions.

Qu’est la légalité sans droit moral?

L’humanité vit sur un fonds d’idées communes faite pour régler ses actions. Elles sont fausses ou elles sont justes, je ne l’examine pas pour l’heure; mais sauf les fous à mettre aux Petites-Maisons, il faut bien admettre que pour pouvoir raisonner entre êtres intelligents, il est indispensable de partir de principes reconnus vrais de part et d’autre.

Or remarquez que nous nous trouvons en face de gens qui disent: tout ce qui est ancien est faux.

En vertu de quoi, s’il vous plaît?

Au nom des idées modernes, de la science nouvelle, du progrès.

Mais les vieilles idées étaient modernes dans leur temps, la science nouvelle remplace une science nouvelle aussi jadis. Votre progrès coule comme le précédent a coulé, -et plus vous irez vite, plutôt votre progrès sera vieux, votre science usée, vos idées démodées.

Alors il n’y a que la volonté de chaque époque selon ses rêves ondoyants.

Mais cela s’appelle le caprice.

Et le droit moral?

Ah! bien oui, un droit moral sans stabilité, qu’est-ce donc?

Accordons qu’il n’y a pas de droit moral.

Fort bien, et dans ce cas qu’est la légalité?

Je vous défie dans ce cas de la définir autrement qu’une crise de dispositions plus ou moins incohérentes, plus ou moins bonnes, ou plutôt plus ou moins mauvaises, sans autre poids de temps en temps que la majorité d’une voix comme pour le vote de la République, mais le plus souvent sans autre sanction que la force brutale, une minorité forte par la terreur, d’autant plus rapidement renversée qu’elle a été plus féroce et qu’elle a fait plus de ruines. A la vérité, les ruines se réparent difficilement et les férocités pas du tout, mais tant pis pour les honnêtes poltrons qui ne se sont pas mis en travers s’ils sont écrasés sous les décombres! Il fallait défendre l’édifice; s’ils sont victimes de tyrans monstrueux, pourquoi leur ont-ils laissé envahir le pouvoir?

Et la légalité?

C’est légalement qu’on a volé l’Eglise et qu’on la vole encore; c’est légalement qu’on a assassiné Louis XVI; c’est l’également que les Girondins, que Saint-Just, Danton, et Robespierre à son tour, sont allés à l’échafaud; c’est légalement que la première, la seconde, la troisième République ont été proclamées; c’est légalement que l’on chasse les instituteurs chrétiens; tout se fait légalement: l’abolition de la magistrature, rétablissement du divorce, athéisme dans les écoles, destruction de la famille, droits de la femme égaux à ceux de l’homme, l’amour libre, la promiscuité des sexes sans obstacles, mépris des enfants quand on voudra, droit au meurtre, plus de propriété, droit de tous de tout prendre. N’entendez-vous pas sonner l’heure où tout cela va devenir très légal?

Pour combien de temps il est vrai?

Et c’est ainsi que les nations périssent dans les orgies de quelques fous sacrilèges, dans les blasphèmes, d’un peuple trop tard désabusé, dans la colère de Dieu forçant de son fouet vengeur les coupables à s’étouffer eux-mêmes dans la fange, à moins qu’un Cosaque n’arrive pour dépêcher la besogne avec son knout.

La légalité, triste mot quand le droit ne la soutient pas.

Mais le droit, qu’est-ce donc?

Je l’ai dit, un fonds commun d’idées, de principes faits pour diriger d’une façon raisonnable les rapports des êtres intelligents. Le droit, si on le veut, c’est la règle publique et morale des actions des hommes entre eux. C’est la promulgation extérieure d’un idéal de bien que chacun porte en lui, et sans lequel les rapports humains ne sauraient s’établir de façon à former une famille, une nation, un peuple, une société.

Oui, malgré ses dégradations et ses blessures intimes, l’homme trouve au fond de son coeur un sens supérieur à la vie animale, sens dont les impressions lui sont quelquefois douloureuses, et c’est le remord; sens dont les impulsions lui révèlent je ne sais quoi de beau, de vrai, de juste, de noble, et c’est la conscience prenant possession de l’âme.

A quel moment la conscience fait-elle son apparition dans l’homme? qui le dira? qui dira le moment où l’âme s’unit au petit corps caché dans le sein d’une mère? qui dira la première impression qu’a le nouveau-né de son existence? Il y a pourtant un instant où il a la certitude d’exister, où son âme a été créée. Il y a aussi le moment où la conscience se révèle à l’intelligence et au coeur.

Or la conscience n’as pas toujours le même niveau: elle monte, elle baisse, selon le temps, le milieu où elle peut se développer ou s’endormir. Placée entre la limite où elle cesse d’être et une autre limite qui recule devant elle, elle se sent poussée vers un ensemble de vie honnête, juste, saint, où la perfection semble lui devenir à la fois plus exigeante et pleine de plus d’attraits. Arrivée à un certain degré, elle s’arrête devant un voile. Elle sait que quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus divin est certainement derrière, mais ce voile qui le lui soulèvera?

Entre ces hauts et ces bas auxquels elle semble condamnée, la conscience a besoin de crier: au secours! et elle veut avoir le mot du problème qui lui est posé, et le secours ne peut lui venir que d’en haut. Quelle voix lui répondrait d’en bas, rien que la voix de l’intérêt, des appétits, des passions; la vérité, le juste, dont elle a soif et faim ne se trouvent pas dans ces bas-fonds.

Depuis qu’il est question de chasser Dieu du monde comme certains conseils municipaux le chassent de l’école, on s’est demandé par qui on le remplacerait, et l’on a répondu: Par la loi.

Mais la loi, qu’est-ce que c’est en dehors de la loi humaine appuyée sur la loi divine?

-La loi, dit-on, c’est l’expression de la volonté du peuple.

-Et comment connaît-on cette volonté?

-Par le suffrage universel.

-Le suffrage universel de qui?

-Des électeurs.

-Fort bien, quels électeurs?

-Des électeurs désignés par la loi.

-Je vous attendais là, c’est-à-dire que la loi fait les électeurs et les électeurs font la loi, vrai cercle vicieux, pour le dire en passant; je taxe la loi et les électeurs qui l’ont faite du plus horrible arbitraire.

Comment! vous excluez une masse de jeunes hommes qui à minuit moins une minute n’avaient pas vingt et un ans, et vous acceptez ceux qui à minuit une minute les avaient atteints, sans compter que les montres, pendules, horloges même peuvent avancer ou reculer, et que l’intérêt privé peut fort bien leur faire donner le coup de pouce complaisant d’avance ou de retard! Et s’il s’agit d’une seule voix pour l’affaire la plus importante, pour l’acceptation de la république Wallon, voyez de grâce où cela nous mène!

Il m’est avis que tout être doué de raison, à sept ans par exemple, devrait être électeur, la logique le veut. Car enfin on est homme ou on ne l’est pas. Pourquoi ces catégories arbitraires? J’estime que pour bien faire il faudrait porter au vote les enfants par leur nourrice, pourvu qu’ils pussent prononcer le nom des candidats.

Quand je songe à tout ce dont se prive la France par l’exclusion des bacheliers du droit au suffrage universel et surtout de ceux que la Faculté refuse positivement, je frémis du peu de respect porté à la jeunesse française.

J’ai parlé des hommes, mais les femmes, quelle lugubre conséquence du despotisme oriental! A Constantinople, on en enferme encore dans les sérails. N’est-il pas aussi horrible de les chasser de l’urne électorale? Que de femmes ont plus d’esprit et de sens commun que les hommes, ce qui après tout n’est pas difficile.

Allons, la logique est là. La plénitude du suffrage universel veut que les femmes puissent voter; vous verrez que cela viendra.

Des femmes électeurs, des femmes divorcées, des femmes à l’amour libre, que cela sera émouvant et politique!

Dites ce qui vous plaira, la rigoureuse logique en matière du suffrage universel vous conduit à l’absurde, et l’absurde en matière de gouvernement conduit à la destruction sociale.

Et quand votre loi aura été votée, pour combien de temps le sera-t-elle? Qu’en savez-vous? Depuis dix ans que n’a-t-on pas fait et défait? Plus on ira, plus les métamorphoses attendent ces lois infortunée; l’histoire est là: du train dont on va, résignons-nous à en voir faire et défaire bien d’autres.

Les peuples finiront par avouer que sans principe supérieur au caprice humain, rien ne saurait durer. Dieu inflige aux générations modernes la preuve par l’absurde de cette vérité.

Pour nous qui, grâces au ciel, croyons à une loi divine, base de la loi humaine, nous laissons passer ces aberrations, tristement convaincus que la France, ou périra par les idées dominantes ou retournera au règne de Dieu sur les Etats.

Par cette loi la conscience est affermie, elle peut résister à toute pression sans droit, précisément parce que le vrai droit est sa force. La loi divine est donc l’appui de la conscience comme la conscience est la source du droit humain, qui à son tour est la raison de l’ordre légal.

Mais il faut remonter plus haut encore. La loi divine, depuis la réforme protestante, a été livrée à tant d’interprétations que l’on voit de jour en jour plus claire la nécessité d’un interprétateur autorisé. Ce commentateur autorisé subsiste depuis dix-neuf siècles, pour ne pas remonter plus haut. C’est l’Eglise catholique dont l’immuable unité de doctrine défie toutes les attaques, toujours affirmant les mêmes dogmes, toujours condamnant les mêmes erreurs, toujours conservant intact le dépôt de la vérité et des moeurs. Et quand naguère le concile du Vatican établissait que par l’Eglise, il faut entendre non seulement ces réunions universelles où les évêques du monde entier ne peuvent être convoqués qu’à de rare intervalles, mais encore le pontife suprême parlant sous sa propre responsabilité: Ex seses, il coupait court à toutes les arguties hérétiques derrière lesquelles les novateurs sont si habiles à se réfugier.

Si donc vous demandez où est le vrai flambeau de la conscience chrétienne, je vous répondrai: à Rome, sur la chaire de saint Pierre.

Où se dissipent les vapeurs mensongères? A Rome, par la bouche du successeur de Pierre.

Où est conservée, malgré toutes les tempêtes des passions, la grande loi des moeurs? A Rome, refuge de tous les faibles, de tous les opprimés, de tous les persécutés.

Comparez en effet d’un coup d’oeil rapide cette perpétuité de l’enseignement catholique qui, pour l’homme incroyant encore, est un préjugé en faveur de ses dogmes, avec cette perpétuelle vacillation des opinions modernes. La science elle-même a certains principes impérissables sans lesquels elle ne saurait exister. Est-ce que les mathématiques changent? Pourquoi la vérité divine révélée changerait-elle?

Ce qui change, ce sont les opinions humaines, les rêves d’une pensée sans boussole; mais ces opinions, ces rêves sont de la terre, ils ne sont pas descendus du ciel.

Lorsque Luther se mit à crier à Wittenberg de façon à ce que sa voix retentît dans toute l’Europe: la Bible, rien que la Bible, il donna le premier le mauvais exemple de supprimer de la Bible tous les passages et les livres qui n’allaient pas à ses erreurs. Il fut vite imité, sans compter que ses commentaires, différents de ceux de l’Eglise, furent pris non comme enseignements irréfragables, mais comme exemple du droit pour chacun de voir dans la Bible ce que bon lui semblerait. Cette règle établie, il fut libre à chacun de découvrir ce qu’il désirerait. Luther y vit bien le droit pour l’électeur de Hesse d’avoir plusieurs femmes. La porte fut ouverte au divorce par ce grand scandalisé à la vue des désordres de la Babylone romaine.

Sur quoi peuvent s’appuyer M. Naquet et consorts, quand ils proclament le droit pour l’homme de renvoyer sa femme et pour la femme d’envoyer promener son mari? sur Luther et consorts, doit-on répondre, sur l’Ecclésiaste, comme il s’appelait lui-même, sur le prétendu réformateur des abominations prétendues de l’Eglise.

Arrivés là, peut-on bien me dire la distance qui sépare logiquement un homme et une femme mariés, qui ne veulent plus l’être, de l’amour libre des hégéliens allemands, des nihilistes russes, des socialistes de tous les pays? Je cherche, impossible de voir autre chose que la même chose. A la vérité on commence avec une loi, tenez pour sûr qu’on finira bientôt sans loi.

Et la légalité? et le droit moral? et la conscience? et la loi supérieure? Tout cela a suivi le torrent débordé, il ne reste d’intact que ce qui s’est appuyé sur l’Eglise.

Toute conscience sincère doit choisir entre la loi humaine, amas confus de volontés toujours changeantes, et la loi de Dieu interprétée par l’Eglise toujours immuable et donnant aux lois humaines qui veulent dépendre d’elle quelque chose de sa victorieuse solidité.

Or aujourd’hui la lutte subsiste entre la loi de l’homme et la loi de Dieu.

Les hommes disent: nous nous suffisons à nous-mêmes; Dieu, nous ne le nions, ni ne l’affirmons, Dieu c’est une hypothèse dont la science n’a pas besoin pour expliquer les faits de la nature. Ils en ont très fort besoin, car la moyenne de leurs explications scientifiques, philosophiques, ne dure pas l’une dans l’autre dix ans. Et où est la vérité de cette science, à moins qu’on ne veuille parler de la science des mensonges et des perpétuelles variations dans le doute ou la négation?

Les serviteurs de Dieu disent à leur tour: point de science sans unité, point d’unité sans entraînement des effets avec les causes, ni causes, ni effets, si l’on ne remonte à une cause première qui est Dieu. Ou accepter Dieu comme point de départ suprême de toute science en tant que cause suprême, absolu, ou consentir à voir s’éparpiller tous les faits de votre science comme les perles d’un collier dont le cordon est rompu.

Dans cette lutte, qui l’emportera, de la légalité menteuse quoique scientifique, ou de la conscience catholique?

Ce qui varie ne saurait être vrai, et la légalité varie assez pour que, quand elle est uniquement seule, nous ayons le droit de la prendre pour la possibilité d’un immense mensonge. Etre condamné à dire: Il est possible que cette loi soit une énorme tromperie. Or dans toute assemblée purement humaine, toute minorité est condamnée à tenir ce langage, quand il s’agit purement de pensées humaines entrechoquées. C’est peu rassurant. Et l’on peut prévoir que la légalité ainsi faite n’en a pas pour longtemps; ceux qui l’ont faite la déferont, soyez-en bien assurés. Quand donc la légalité n’aurait d’autre ennemi qu’elle-même, elle est condamnée à périr dans les évolutions de ses inévitables changements.

Et la conscience chrétienne? hélas! sa vie est si puissante qu’elle la communique à ses adversaires. Si les consciences catholiques ne se présentaient pas debout en face de l’armée ennemie, il y a longtemps que les soldats de cette armée auraient tourné leurs armes les uns contre les autres. Voyez 93 et 94, voyez les opportunistes et les intransigeants, voyez les socialistes de toutes les formes; ce qui donne une durée quelconque à ces hommes, c’est la haine contre la vérité et la morale réfugiées au sein de la conscience catholique. Si par impossible cette conscience était pour un seul mois banni du sol de l’Europe, l’anarchie en aurait vite fini avec toutes les faims et les soifs révolutionnaires.

Tout peuple athée, si légal qu’il soit, est condamné à périr. Il aura pendant quelques jours des convulsions, simulant de l’énergie vitale; l’histoire nous montre toujours la prostration prompte à arriver, puis la mort.

La conscience chrétienne au contraire est immortelle comme Dieu, son auteur. Voyez l’Eglise; elle a donné au peuple baptisé la conscience, la foi, et par la grâce de la foi, le martyre. Vous nous persécutez: fort bien; en temps de folie sociale il faut être prêt à tout subir, mais à moins que la mort des peuples ne survienne, la conscience, au moment providentiel, reprend ses droits, et les victimes, une fois de plus, triomphent des bourreaux.

Ce qui se passe n’est-il pas la preuve des droits de la conscience. La légalité sera contre les catholiques tant qu’il plaira à M. Cazot, les religieux seront expulsés, comme il y a deux cents ans les prêtres trouvés dans l’Etat de New-York et de Massachusetts étaient mis à mort par la tolérance protestante d’alors; pourtant aujourd’hui les catholiques forment la moitié de la population, ont des évêques, des cathédrales, des religieux, et dans les Etats- Unis les protestants eux-mêmes font des voeux pour que les jésuites soient chassés de France, afin de pouvoir dans le nouveau monde leur confier leurs enfants.

Il paraît qu’il y a république et république, comme il y a fagot et fagot.

Vous verrez qu’à un moment plus ou moins rapproché, pareil spectacle sera donné chez nous. Les fureurs anarchiques décréteront, expulseront, proscriront; la tourbe, en quelques endroits viendra en aide au pouvoir fort embarrassé d’un pareil secours, quelques religieux seront peut-être massacrés, et puis? Le rouge montera au front des honnêtes gens de tous les partis, la conscience publique reprendra ses droits, le bon sens reviendra au cerveau des législateurs, et quand on y pensera le moins, quelque coup de tonnerre, comme en 48, renversant un édifice vermoulu, annoncera le triomphe de la conscience et le retour aux lois éternelles.

Que conclure? Que les catholiques ont mission de former à nouveau des caractères grands et nobles en les appuyant sur la conscience chrétienne, qu’ils doivent s’unir au nom des devoirs supérieurs, parce qu’eux seuls ont mission de défendre, et que s’ils sont fidèles à cette vocation, l’avenir est à eux et la France leur appartient.

On nous serons étouffés dans la boue, ou les victoires de 1848 et 1850 sont pour nous le prélude de victoires nouvelles.

Resterait à examiner cette question: que doit-on à un pouvoir qui ne connaît que la légalité et méconnaît les droits de la conscience? mais ceci m’entraînerait trop loin. Peut- être suffit-il d’énoncer le problème et de le laisser résoudre aux esprits sages.

E. d'ALZON, des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum