ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.128
  • ARTICLES
  • L'AVENIR DE LA JEUNESSE.
  • La Croix, I, juillet 1880, p. 182-186.
  • TD 9, P. 128; CO 180.
Informations détaillées
  • 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 ASCESE
    1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 BIENS DE L'EGLISE
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 COURS PUBLICS
    1 DEFENSE DES DROITS DE DIEU
    1 DOGME
    1 EDUCATION
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ETUDIANTS
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 FRANCHEMENT CATHOLIQUES
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 JEUNESSE
    1 LEGISLATION
    1 LIBRE PENSEE
    1 LOI DIVINE
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 LYCEENS
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 OPINION PUBLIQUE
    1 PATRIE
    1 PERSECUTIONS
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 POLITIQUE
    1 PRESSE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SOCIETES SECRETES
    1 SPOLIATEURS
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 LEHIR, ARTHUR-MARIE
    2 LEON XIII
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 RENAN, ERNEST
    3 FRANCE
  • juillet 1880.
  • Paris
La lettre

Deux courants bien distincts se forment dans la jeunesse de France. La jeunesse universitaire, avec ses révoltes au lycée, ses grèves et son langage de peuple souverain, avec ses maîtres dans l’enseignement supérieur, avec ses irruptions dans le monde des places, nous présage des moeurs et un niveau social assez rapprochés de la barbarie.

La jeunesse catholique, devant qui peu à peu se ferment toutes les carrières, fortifiée par le réveil des traditions de famille, par un nouvel épanouissement de sa foi persécutée, par le sentiment de sa supériorité morale, sent la grandeur des devoirs qui lui seront imposés demain, et s’y prépare par la conviction d’une lutte nécessaire, l’énergie d’un caractère chaque jour mieux trempé, et l’espoir d’un avenir rude, mais glorieux.

Je laisse à ses tristes destinées la jeunesse universitaire; je voudrais m’adresser à la jeunesse chrétienne, et lui dire: Courage, car si la fin de la France n’est pas encore proche, la victoire définitive est à vous.

Ne sentez-vous pas, depuis quelque temps, cette résurrection d’une vie que l’on disait presque éteinte, parce qu’une foule d’âmes honnêtes semblaient avoir perdu leur voie: aujourd’hui, il n’en est plus ainsi. Les yeux s’ouvrent, on sait où l’on aboutira si l’on suit la pente, on sait aussi l’effort à faire pour la remonter, et l’on commence à prendre une direction précise. On s’aperçoit des perfidies et des violences révolutionnaires. Les masques sont arrachés, on sait quels ennemis on a devant soi; et l’horreur qu’ils inspirent force l’armée à serrer ses rangs. La cause catholique apparaît plus belle et inspire de plus féconds enthousiasmes; voilà ce qu’il importe de constater.

Mais cela ne suffit pas. Il faut à nos jeunes générations une préparation efficace, féconde: que doit-elle être?

I. Il faut des soldats de toutes les armes, car il faut contre l’ennemi employer toutes les armes honnêtes; et je ne crains pas de le dire, la première de toutes, c’est le zèle dans la foi. Ce zèle s’affirme; nous en avons des preuves nouvelles tous les jours, et nous en voyons des affirmations sans cesse plus accentuées. Que d’oeuvres surgissent du sol français, qu’on dit être devenu stérile? Cette ardeur veut être dirigée, organisée, mais le péril même fera sentir la nécessité de l’organisation; et je crois percevoir que le sentiment général est qu’il faut des chefs. Ces chefs se présentent d’eux-mêmes; il n’en faut pas trop, ils se battraient entre eux. Du reste heureusement, si l’esprit court les rues, le vrai don de commandement ne les court pas. Mais en dehors de la Papauté et de l’Episcopat, ces chefs nous les avons en nombre suffisant: ils s’entendent, ils laissent de côté les discussions inférieures, ils sont catholiques avant tout, et c’est l’essentiel.

Voyez quel enthousiasme ne suscitent pas les conférences données d’un bout de la France à l’autre; l’incendie gagne, il augmentera, n’en doutez pas; et, à moins de décrets contre les conférences publiques comme on en fait contre les congrégations, nous allons voir quelle pente suivra la jeunesse chrétienne. La violence, à laquelle il faudra bien avoir recours quand on sera à bout de moyens, aura l’avantage de comprimer un moment les consciences, mais l’explosion contre les violents n’en sera que plus forte, et nous verrons de quel côté l’opinion publique finira par se ranger.

Il y a pourtant un péril, c’est que l’on traite la question religieuse comme affaire de parti. Ce serait un grand malheur. La question religieuse doit tout dominer, et sur ce terrain Dieu seul doit être le but des efforts communs, sa cause est la première de toutes et de beaucoup; et cette cause doit être servie par les moyens qui lui sont propres. Or, parmi ces moyens, indiquons d’abord la prière; les bonnes oeuvres, la vie austère, qu’il faut avoir le courage d’offrir à Dieu; et je me trompe bien, si ces moyens ne sont pas plus employés qu’autrefois. Les églises sont plus remplies, les sacrements plus fréquentés, un souffle vivifiant passe sur les âmes et les pénètre. Oui la jeunesse est plus croyante, plus chrétienne, plus portée aux pratiques de religion; il faut qu’elle s’assimile tous les jours davantage les principes de la foi. Du reste, comme toujours, la révolution y aide. Un grand mal est depuis quelque temps détruit: il n’y a plus de respect humain, et c’est l’effet des vexations maçonniques. Ah! vous voulez nous chasser de toute carrière! quel intérêt aurions-nous à ne pas nous montrer ce que nous sommes? Au point où vous en êtes venus, nous en avons au contraire un très grand à prendre rang parmi vos ennemis. C’est vous qui nous forcez à nous affirmer catholiques: nous nous affirmerons catholiques et nous vous combattrons.

Par ce côté, la jeunesse chrétienne a de l’attrait à dire au grand jour ce qu’elle est, et c’est pour elle une puissante force morale.

II. Il ne suffit pas d’avoir de bons désirs, il faut qu’elle se prépare à la lutte en forgeant elle-même ses armes. Après l’affirmation de sa foi et la prière, il faut qu’elle sache rendre raison de sa doctrine, de ses principes. Des études plus fortes lui sont indispensables. Je crois peu à la valeur du camp opposé: on s’y amuse, on y a le propos léger, les moeurs faciles, les études faibles. On parle de science moderne, et nous voyons combien elle est frelatée par ceux qui s’en improvisent les coryphées. Supprimez quelques hommes très rares encore, où est le talent aujourd’hui, où est la conviction? Où est l’enthousiasme? Je vois des passions brutales, des appétits abaissés, des haines féroces, cupides surtout; quand aux intelligences cultivées, parmi la troupe révolutionnaire, je les cherche et j’ai grand peine à les découvrir.

Comptez sincèrement, et vous serez surpris de voir combien le nombre des esprits distingués est en faveur des catholiques. Que ceci soit un encouragement pour nos jeunes hommes; qu’ils ne croient pas avoir tout fait, parce qu’ils ont passé avec honneur quelques années dans ce qu’on nous oblige à appeler les instituts catholiques. Après tout, le nom ne fait rien à l’affaire: l’Eglise avait donné une gloire immense à l’Université des études, mais Rome chrétienne qui avait créé ce nom l’avait appliqué à bien d’autres agglomérations. On y a encore dans la ville éternelle les universités des libraires, des tailleurs, des perruquiers. L’Eglise a ennobli l’idée universitaire; on lui vole le nom, elle ennoblira celui d’INSTITUT.

Il est impossible qu’en face d’hostilités si démasquées, l’enseignement des Instituts catholiques ne prenne pas tous les jours un cachet plus net. On attaque nos croyances, nous les étudierons plus à fond pour les défendre avec plus d’énergie. Et les élèves des cours chrétiens seront bien plus disposés à écouter leurs maîtres et à marcher dans la voie indiquée par eux. Ils seront obligés à plus de travail, n’ayant plus à compter sur l’impartialité de l’ancien jury. Une direction plus forte, des travaux plus sérieux doivent donner des hommes plus complets. Et quand cet exemple sera donné par les élèves de établissements établissesments, il sera nécessairement suivi par la généralité de ceux qui partagent leur foi.

Une préparation pareille facilite évidemment l’entrée dans la vie publique, car la vie publique veut un apprentissage, et le meilleur est celui qui se fait par des études fortes. On sera surpris de voir toutes les découvertes qui restent à faire dans le monde de la science catholique. J’en citerai un seul exemple: Saint-Sulpice possédait, il y a quelques années, un des professeurs les plus illustres de France, M. l’abbé Le Hir, à qui Renan doit les trois quarts de sa réputation comme érudit. M. Le Hir disait: « Je suis Romain du fond de l’âme, mais comme j’ai été Gallican, il est une foule de questions que je résous encore, sans le vouloir, en Gallican ».

L’aveu d’un très grand esprit veut être retenue. Que d’erreurs dans ce qu’on a appelé la philosophie chrétienne! Et quel service n’a pas rendu Léon XIII en ramenant cette maîtresse science sous la direction du Docteur angélique! Il faut que l’histoire cesse d’être une grande conspiration contre la vérité, selon la pensée de M. de Maistre. Il faut que la notion du droit trouve sa source dans la loi éternelle et des lumières précieuses dans les lois de l’Eglise.

Peut-être plus d’un professeur des instituts libres veut-il donner un enseignement chrétien, et il ne sait encore comment s’y prendre. Cela viendra. La nécessité de réfuter les audacieuses affirmations de la libre pensée le conduira à sonder avec plus de persévérance les principes du vrai. Les négations de la sophistique moderne lui donneront l’intelligence des épanouissements que comporte la pensée humaine illuminée par la foi. Le dogme catholique réserve, j’en ai la conviction, de douces et fécondes surprises aux hommes de bonne volonté qui voudront contrôler avec son flambeau l’objet plus spécial de leurs études. Or, soyez-en sûr, c’est ce qu’attend avec avidité notre jeunesse, c’est ce qu’elle attend avec enthousiasme; et quand le mouvement que j’indique sera arrivé à un certain point, une grande révolution aura été opérée dans le monde intellectuel, et la vérité chrétienne aura remporté une bien grande victoire. Les jeunes gens catholiques ont un instinct confus de ces transformations, ils n’en ont pas encore la pleine confiance, c’est à leurs maîtres à la leur communiquer, mais que d’efforts à faire et que d’horizons à ouvrir! C’est le propre de la vérité catholique d’être toujours mieux armée, à mesure qu’on l’attaque avec plus de fureur, et de développer ses légions sur un plus vaste champs de combat en face des sophistes qui veulent l’enchaîner dans la sacristie.

Que les chefs de notre enseignement dirigent la jeunesse dans les voies qui souvrent devant eux, et avant quelques années, l’armée du vrai, plus nombreuse, plus énergique, plus profondément instruite, luttera avec avantage contre les prétentions de l’Université, et prouvera qu’à chaque époque la vérité divine, toujours la même, est prête à répondre à toutes les objections dont on veut l’écraser.

III. La France est témoin d’un spectacle nouveau. D’un bout de son territoire à l’autre, elle est sillonnée par des orateurs chrétiens traitant devant les masses des questions religieuses qui couraient un danger dans la chaire des églises: le mouvement se propage, grâce à des hommes de coeur, de talent et de foi. On les écoute à cause de leur puissante parole, et quand ils ont accompli leur mission, bien des préjugés disparaissent, bien des courages se réveillent; la lumière se fait et un courant nouveau se produit.

Tous n’ont pas le don d’agir ainsi sur les masses, mais les jeunes gens ne pourraient-ils pas pénétrer dans de modestes auditoires. Vous ne seriez pas acceptés par les habitants des grandes villes; portez d’abord votre parole dans les villages et les bourgs moins populeux. Les francs-maçons y ont bien leurs prédicants, et leur éloquence n’est pas grande. Cependant ils parlent, ils calomnient, ils sapent tous les principes de la religion et de la société, ils réussissent, parce qu’ils recommencent sans cesse. Eh bien, faites-vous les missionnaires de la vérité, comme ils sont les missionnaires de l’erreur. Bien du terrain a été perdu: à vous, jeunes hommes, de le reconquérir. Vous rencontrerez des contradictions: tant mieux! vous prouverez que vous êtes plus instruits, plus sincères, plus convaincus; vous triompherez, et, par la beauté de votre cause et par votre ardeur à la défendre. Il est temps qu’à notre tour nous rendions témoignage de notre foi. Beaucoup ne la connaissent plus, parce qu’on ne s’occupe plus de la faire connaître: un réveil se fait, profitons-en: aidons à faire sortir de leur torpeur une foule d’intelligences qui n’ont besoin que d’être secouées pour ouvrir les yeux à la lumière.

Sans doute, ceci implique un certain courage; mais quand les jeunes générations chrétiennes auront-elles une plus belle occasion de montrer les fruits de leur éducation, et l’action de leurs maîtres! Ces maîtres, on les accuse bien assez d’avoir fait une autre France que la France maçonnique! C’est pour cela qu’on les expulse de leurs maisons, qu’on leur dit: Vous êtes des propagateurs de guerre civile. Hélas! malgré les avertissements de la papauté, la franc-maçonnerie était aux yeux de beaucoup un vain fantôme; on ne sut pas, on ne voulut pas la combattre; qu’en résulta-t-il? Les sociétés secrètes ont gagné partout, menti partout, détruit partout. Nous parlons en face d’immenses ruines, qui s’agrandiront encore si nous n’agissons à notre tour, si nous ne faisons pénétrer la parole divine là où le prêtre ne peut plus la porter. Terrible responsabilité que celle-là, et sur laquelle nous ne saurions trop méditer! Il est temps de parler pour ceux qui se sont tus, ou qui ont parlé pour ne rien dire.

Une nouvelle sorte d’éloquence va se former: elle agira précisément dans les conférences, dans les réunions, pour la défense des droits de Dieu. De nouveaux accents doivent être entendus; ils peuvent sortir de la poitrine des jeunes gens à la foi profonde et avec la résolution de n’être point des chiens muets. Il est plus que jamais temps d’aboyer aux voleurs des âmes. On a volé à l’Eglise ses biens terrestres, il importe de protester contre le brigandage de ses biens les plus précieux, de ceux qu’elle a directement reçus de son fondateur. Un avenir magnifique s’ouvre à quiconque se fera l’avocat d’une pareille cause; mais il faut pour cela défendre l’Eglise, et, avec la connaissance approfondie des principes sur lesquels elle repose, des droits à revendiquer pour elle, avoir l’amour du fils luttant pour l’existence de leur mère.

Place aux nouveaux missionnaires! Dans les premiers temps, saint Paul permettait à de simples fidèles de parler dans l’Eglise de Dieu; il faut que les fidèles élèvent la voix toutes les fois qu’un pouvoir persécuteur viendrait dire au prêtre: Vous faites de la politique: gare aux gendarmes!

On aura beau dire: Ce n’est pas le prêtre envahissant sur la politique, c’est l’Etat usurpant sur l’essence même de l’Eglise, la raison du plus fort est là. Si le prêtre est réduit à se taire, le simple fidèle parlera pour lui. Ce ne sera pas un sermon, ce ne sera pas une harangue de tribune, ce sera un discours au peuple chrétien.

IV. J’abrège; et j’ajoute que la jeunesse catholique doit étudier la franc-maçonnerie pour en prendre ce qui est acceptable dans ses moyens d’action et dans son organisation. Evidemment, elle y trouvera des choses abominables, et ce ne sont pas certes celles-là que je lui recommande; mais que de moyens légitimes de se soustraire à l’action des gouvernants, quelle puissance d’organisation à développer! Voyez les lois romaines qu’ils savaient tourner en leur faveur même pour acquérir le droit de propriété, ne fût-ce que celle de leurs tombeaux. Du reste, cette organisation se prépare, et si l’on prétend l’empêcher, les catholiques sauront bien constater d’un bout de la France à l’autre, et la persécution dont ils sont victimes et leur droit de se défendre. Ce jour-là peut-être les persécuteurs verront-ils se retourner contre eux une antipathie méritée, et les catholiques inspirer un intérêt qui leur préparera la victoire.

La jeunesse françaises a une aptitude merveilleuse pour ce genre de travail; on l’a utilisée pour le mal, servons-nous-en pour le triomphe du bien.

Qui empêcherait une correspondance active n’ayant rien d’officiel, mais faisant connaître partout où c’est nécessaire que l’on ne se bat pas seulement sur un point, mais sur tous? Ce sentiment que la bataille est générale enflamme le courage et décide les incertains à se mettre en ligne, et à donner à leur tour. Cette correspondance serait publique ou privée, peu importe; pourvu qu’elle fût prudente et ne donnât pas lieu à trop de vexations de la part du cabinet noir.(2)

Le courant en quelque sorte électrique qui s’établirait ainsi entre les coeurs jeunes, pleins d’enthousiasme pour leur cause, d’ardeur et d’intelligence pour la défendre, produirait les plus féconds résultats; l’opinion se retournerait plus vite qu’on ne le pense contre l’hypocrisie des oppresseurs, à plus forte raison contre leurs violences possibles.

Le théâtre de l’action pourrait s’élargir; aux correspondances on pourrait ajouter les journaux. Que de jeunes hommes de talent ont besoin pour se former d’avoir une occasion! Le journalisme leur ouvre ses portes. Ils ont à la vérité trois conditions à remplir: une certaine instruction, du style, une direction à accepter dans les commencements; mais s’ils ont le feu sacré, cela s’acquiert. Qu’ils donnent à leur carrière un but sérieux, qu’ils y marchent avec la délicatesse de la conscience chrétienne, mais aussi avec le courage chrétien des soldats de la vérité: bien des victoires les attendent.

Les procédés sans gêne du pouvoir actuel, qui chasse de leurs positions les hommes les plus honnêtes et les plus capables, pour faire place aux affamés qui l’on servi et qui réclament leurs gages, inspire de sérieuses réflexions aux jeunes gens prêts à fixer leur avenir. Les actes arbitraires du Gouvernement sont loin de leur inspirer le désir de lui apporter leurs talents; et l’on ne veut plus entrer dans des administrations, d’où le caprice du premier préfet venu expulsera les hommes les plus capables et les plus honnêtes. On sait qu’il n’y a pas mieux à attendre des ministres. On cherche une carrière indépendante; et le Gouvernement ne se fait pas, dans ceux qui l’obtiennent, de bien chauds partisans.

Peut-être ceci est-il un bien. Que de gens s’accoutumaient à croire qu’on ne peut plus vivre que du morceau de pain officiel! On verra qu’on peut en trouver d’aussi bon; et la pensée de le manger avec indépendance lui donnera une toute particulière saveur. Quel bienfait ne procurerait pas la Révolution, si par son instabilité elle dégoûtait de la fureur des places administratives, et n’obligeait pas à en créer sans cesse de nouvelles pour satisfaire la meute des compétiteurs. Nous ne voyons rien de semblable dans le monde ancien, ni chez une partie des peuples de l’Europe moderne. Le paganisme avait ses esclaves dans les familles riches, l’Etat a les siens dans les bureaux, esclaves paresseux, comme ceux d’autrefois, et un peu moins attachés à leurs maîtres par-dessus le marché.

Ah! si la jeunesse chrétienne pouvait se débarrasser de cette servitude, quel bonheur pour elle! -Oui, dira-t-on, mais alors qui mettrez-vous dans les bureaux? -Si peu de monde, que la bureaucratie aura disparu. Sous Louis XIV, je ne sais plus quel ministre de la guerre avait dix-sept commis dans ses bureaux; ce n’est pas quand ils furent augmentés que le grand roi remporta les plus glorieuses victoires.

N’exagérons rien, il y aura toujours des bureaux, donc il y aura toujours des commis: mais il en faudrait beaucoup moins; et dans tous les cas, quand les Français ne dépendraient pas tant de l’autorité administrative, les choses n’en iraient pas plus mal.

Une vie publique nouvelle s’ouvre pour la jeunesse. Est-ce un bien? Est-ce un mal? Je dis que c’est une nécessité. Les grands intérêts sociaux sont compromis de la façon la plus affligeante. Ceux qui aiment l’Eglise et la France doivent prendre en main ces intérêts vitaux. Ils sont trop jeunes, direz-vous, et sans expérience. -Heureusement ils ont des chefs; puis il faut bien qu’ils se forment, et jamais l’occasion ne fut plus favorable. Partout retentit la grande voix des orateurs contre la tyrannie gouvernementale. La liberté religieuse est menacée: qu’à leur tour, les jeunes hommes de talent osent parler, d’abord à des auditoires moins nombreux, et quand ils auront fait leurs essais, ils se montreront sur une scène plus vaste. On a demandé des conférences pour tous les chefs-lieux de canton; ce serait difficile à exécuter, si de jeunes orateurs ne viennent en aide: mais aussi quelle magnifique campagne à ouvrir! Supposeriez-vous par hasard plus d’éloquence aux agents que la franc-maçonnerie envoie pérorer dans les cabarets de village? C’est ainsi que les villages sont saisis par les doctrines les plus abominables, il faut les ressaisir. Un immense talent n’est pas nécessaire: j’ai connu des hommes qui en avaient peu et qui réussissaient; ils avaient du coeur, et où en trouverait-on, s’il faisait défaut à la jeunesse chrétienne?

Un magnifique avenir s’ouvre devant elle. Fortifiée par une éducation dont les temps présents doivent toujours lui faire comprendre le prix, elle voit sans doute le danger qui menace, mais c’est un nouvel attrait pour son courage. Qu’elle ait à gémir sur certaines défections, quoi d’étonnant! il y a toujours des êtres bas et vils, qui n’ont vers les régions supérieures, où l’on respire plus à l’aise, d’où l’on contemple les plus vastes horizons, d’où les plans de l’ennemi sont plus aisément découverts, et d’où l’on peut se précipiter sur ses rangs avec plus de chances de succès. Le moment est solennel, il a ses périls; mais à coup sûr, avec la foi, l’organisation et l’ardeur, il aura de magnifiques triomphes.

Notes et post-scriptum