ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.145
  • ARTICLES
  • LA PERSECUTION.
  • La Croix, I, août 1880, p. 257-262.
  • TD 9, P. 145; CO 182.
Informations détaillées
  • 1 ACTION POLITIQUE
    1 ANTICLERICALISME
    1 BOURGEOISIE ADVERSAIRE
    1 CATHOLIQUE
    1 CLERGE SECULIER
    1 CLERICAUX
    1 COMMUNARDS
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 COUVENT
    1 EGLISE
    1 EGLISE NATIONALE
    1 EVECHES
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JESUS-CHRIST
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 LIBERTE
    1 LOI CIVILE
    1 LOI DIVINE
    1 LOI HUMAINE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MAHOMETANISME
    1 MONASTERE
    1 MORALE INDEPENDANTE
    1 PAPE
    1 PARLEMENT
    1 PAUVRE
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUPLE
    1 PRETRE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 RELIGIEUX
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SAINTETE DU CLERGE
    1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 SOCIETES SECRETES
    1 SPOLIATEURS
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 UNION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 VOEUX SOLENNELS
    2 ANDRIEUX, LOUIS
    2 ANTIOCHUS IV EPIPHANE
    2 BERRYER, PIERRE-ANTOINE
    2 CAZOT, THEODORE
    2 DEMOLOMBE, JEAN-CHARLES-FLORENT
    2 FREYCINET, CHARLES-LOUIS DE
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GREVY, JULES
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 LOUIS XVI
    2 LUTHER, MARTIN
    2 MAHOMET
    2 NAPOLEON III
    2 PILATE
    2 ROULAND, GUSTAVE
    2 ROUSSE, EDMOND
    2 TERTULLIEN
    2 THIERS, ADOLPHE
    2 VATIMESMIL, ANTOINE DE
    3 ANGLETERRE
    3 CANNES
    3 ESPAGNE
    3 ETATS-UNIS
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 LYON
    3 NICE
    3 PARIS
    3 PARIS, BELLEVILLE
    3 ROMANS-SUR-ISERE
    3 ROME
    3 WILHELMSBAD
  • août 1880.
  • Paris
La lettre

Elle est ouverte. On l’annonçait depuis trois mois, et plusieurs espéraient qu’on n’oserait pas porter les premiers coups. Erreur étrange: c’était bien peu connaître un certain monde; mais non moins étrange erreur de leur côté: on ne pouvait se persuader que l’on rencontrerait cette résistance silencieuse, calme, grave, pleine de dignité, qu’ont montrée les premières victimes, que les autres sauront montrer également. Cela exaspère d’abord, puis cela humilie: on peut continuer à frapper, mais on se sent vaincu par la grandeur de ceux que l’on veut supprimer.

I. LES CAUSES.

Les vraies causes de la persécution remontent très haut. La race d’Antiochus ne fut jamais sans rejetons. On l’avait vue apparaître avant Jésus-Christ; elle grandit avec Hérode et Pilate: on crut qu’elle avait atteint son apogée sous les derniers empereurs païens. Cherchez une époque où l’Eglise n’a pas répandu son sang, vous n’en trouverez pas. Il y a moins de dix ans encore, elle en versait à la Roquette. On crochette les portes de ses enfants: bagatelle; il faudra bien aller plus loin; en douter serait une imprévoyance inexplicable.

A côté de cette haine implacable de Satan contre Jésus-Christ, si nous étudions quelques causes particulières, nous pouvons en indiquer plusieurs.

Voyez l’horreur que Mahomet, le propagateur du Coran par la violence et la volupté, avait pour les moines. Luther, moine défroqué, a montré avec sa réforme la même haine contre les religieux. En France, plus de deux mille ont été égorgés pendant les guerres de religion. La franc-maçonnerie a recueilli cette succession de haine acharnée. On a parlé des abus des couvents; je pense bien qu’ils ont fourni assez de victimes pour avoir expié toute les fautes qu’on leur reproche, fussent-elles prouvées.

Mais les religieux ne sont qu’un détail de la grande guerre organisée contre l’Eglise. Les religieux, dit-on, ne sont pas de l’essence de l’Eglise. -Eh! mon Dieu, ils n’en sont que la perfection par les conseils qu’ils pratiquent. L’évêque a la perfection, dit saint Thomas, parce qu’il perfectionne les chrétiens avec la Confirmation et l’Ordre: perfector; le religieux doit avoir la perfection par la pratique des vertus conseillées: ;perfectus. Cette perfection est la condamnation de la morale très immorale des libres penseurs. Puis ces religieux, qui ne sont pas de l’essence de l’Eglise, se trouvent, sous la direction du Pape et des évêques, en être les plus vaillants défenseurs. Ils sont l’armée proprement dite. Qui fait les conquêtes sur les pages lointaines? Les religieux. Qui distribue le pain de la parole, qui convertit le plus? Les religieux. Quand il s’agit d’une oeuvre générale permanente, à qui faut-il avoir recours? Aux religieux. Cela est si vrai qu’il se rencontre fréquemment dans le clergé séculier de saints prêtres, préoccupés des souffrances des âmes qui leur sont confiées, du bien à leur faire, des maux à guérir: si eux-mêmes ne se font pas religieux, ils fonderont des religieuses.

La révolution ne peut souffrir ces forces massées, groupées avec intelligence. Et voyez comme elle se trahit. Elle en veut aux congrégations locales, française, mais elle en veut surtout à celles qui ont leur chef à Rome, sous l’action plus immédiate du Pape. C’est le vicaire de Jésus-Christ qu’on veut dépouiller de ses troupes, est-ce assez clair?

II. Préparatifs.

Il est facile de trouver les préparatifs, et de dire où le plan de la nouvelle guerre a été adopté. De même que la franc- maçonnerie décréta la mort de Louis XVI à Wilhemsbad (Allemagne) en 1785, de même, la destruction de l’Eglise a été décrétés à Naples pendant le concile du Vatican par un concile maçonnique, où le représentant le plus accrédité de la France était ce M. Andrieux qui vient de faire crocheter la porte des jésuites à Paris, comme en 1870, à Lyon, il avait fait jeter en prison tous les religieux sur qui il pouvait mettre la main.

Regardez: les religieux sont supprimés en principe en Italie, en fait dans l’empire allemand, c’est le même travail en France. Et en vertu de quel droit? Vous savez bien que vos lois existantes n’existent pas? Mais il y a une doctrine révolutionnaire supérieure, et en voici une application rigoureuse: l’omnipotence de la loi humaine. Plus de loi divine; Dieu, s’il existe, obéissant à l’homme, n’est-ce pas le principe de la franc-maçonnerie? Or, la franc- maçonnerie, qui ne reconnaît pas, je pense, les autorisations que lui conféra le dernier empire, veut que les congrégations religieuses se soumettent à elles, et si vous suivez attentivement sa marche, vous serez surpris de voir sa persistance poursuivre son but malgré ses échecs.

Sous l’empire, elle voulait la ruine de l’Eglise par l’établissement d’une Eglise nationale: les mémoires secrets de M. Rouland, découverts à la chute de Napoléon, sont là pour le prouver. Mais aujourd’hui il s’agit bien d’Eglise nationale, il s’agit de la destruction entière. On lui enlèvera ses soldats, on la privera de toute influence sur l’enseignement, on la prendra par la famine, tous les moyens sont bons, surtout les plus hideux: la franc-maçonnerie, fille de Satan, par sa nature est profondément laide. Le diable, a dit Tertulien, est le singe de Dieu; la franc-maçonnerie est le singe de l’Eglise; c’est une vrai guenon.

Donc, la Chambre des députés étant pleine de francs-maçons, il a bien fallu que les soldats obéissent au chef; on trouvait bien le plan de campagne violent, les procédés iniques, mais le grand chef avait parlé, il n’y avait qu’à courber la tête. Depuis le discours de Romans, le but était bien désigné.

Que les francs-maçons se dévorent bientôt entre eux, cela ne saurait être pris en doute; mais on ne saurait les empêcher de poursuivre leurs projets communs. Qu’ils se querellent sur d’autres questions, c’est possible, mais le fond, c’est qu’on prépare l’entier anéantissement de l’Eglise. Quels assouts ne sont pas livrés aux avant-postes! La foi arrachée au coeur des enfants, le soldat privé de tous secours religieux, les filles de Charité expulsées des hôpitaux, sauf à les rappeler quand l’épidémie chasse les infirmières laïques, l’insulte, les voies de fait, employées contre les prêtres; qui pousse à tout cela? Et s’il n’y a pas un plan prémédité, quel étonnement ne doit pas exciter un hasard qui donne de pareils résultats avec un tel ensemble!

III. Les premières exécutions.

C’est une triste fatalité que celle d’un gouvernement engagé dans une voie détestable et obligé d’aller jusqu’au bout, quand il ne peut arriver qu’à la ruine. Et c’est une fatalité non moins grande que l’impossibilité où il se met de reculer, parce qu’il est aveuglé par la passion de ceux qui le poussent malgré lui. Que si parmi les chefs les uns ont une certaine impression de l’honnête et les autres l’ont entièrement perdue, le chaos devient complet; voilà où nous en sommes. Les uns voudraient une apparence de bien, les autres veulent toute la réalité du mal. Le mal l’emportera toujours.

La franc-maçonnerie s’effrayait de ce que la France possédait tant de catholiques élevés chrétiennement depuis 1850. Ces abus ne pouvaient durer, la révolution y perdait trop, l’ordre aurait pu se rétablir dans les principes et dans les moeurs. Impossible d’accepter pareille perspective. Et voilà que de faiblesses en faiblesses, les meneurs de la franc-maçonnerie la conduisent à ne plus savoir que descendre du niveau où elle semblait s’être relevée pour monter plus haut encore. Comment s’est opéré cet amoindrissement? Les catholiques ont eu leurs torts, avouons-le, quand ils se sont laissés prendre au mirage de certaines idées fausses, mais vernies de libéralisme. Peut- être l’expérience était-elle indispensable pour convertir certaines intelligences par trop éprises de faux systèmes. La France n’en a pas eu moins à subir les résultats, et nous sommes arrivés à l’état que nous subissons. Après les désastres de la guerre, le vrai souverain de la France fut M. Thiers.

On lui préféra une des gloires de l’armée, mais dont les idées fluctuantes faisaient espérer qu’on le pourrait mener en laisse; il se laissa mener par tout le monde, et de concession en concession, acculé à un état que son honneur ne pouvait plus subir, il s’en alla: mais la France était livrée à la révolution.

Ce fut le tour de M. Grévy, qui après tout, bon homme, n’était qu’un plastron, le plastron de la franc-maçonnerie. On le vit bien au ministère qu’on lui imposa. Ces hommes, francs-maçons des plus haineux contre tout principe religieux, avaient leurs projets arrêtés. Ils s’étalent assez au grand jour pour qu’on n’ait plus à en parler; et à leur point de vue, ils n’ont pas tort de l’exécuter. Quand, en dehors d’une minorité vaillante et admirable dans son obstination à se faire écraser pour le bon droit, on voit tant d’honnêtes gens, dans l’espoir d’apaiser la faim du monde révolutionnaire, lui jeter tour à tour tout ce qu’il demande à dévorer, on est surpris qu’il ne demande pas davantage. Pourtant il demande assez, et du train dont il réclame et dont on lui accorde, bientôt il ne restera plus rien.

Enumérer ce qu’il a déjà englouti depuis sa victoire sur cet infortuné 16 mai, est inutile. Nous l’avons vu, et il ne nous reste plus guère rien à voir, si Dieu n’y met la main, que la mort de la France.

Et, comme les francs-maçons, avec leur instinct infernal, sont plus clairvoyants mille fois que les honnêtes endormis de la tourbe conservatrice, ils voient fort bien qu’humainement parlant ils vont être les maîtres de renverser l’Eglise, quand ils en auront (du moins y comptent-ils) supprimé les plus ardents défenseurs. Ils ont commencé par l’enseignement, par l’armée et la magistrature, nous en sommes aux religieux, pour n’indiquer que les sommets; mais c’est ici que Dieu semble les attendre.

On avait espéré que la monstruosité des mesures fixées dans les décrets du 29 mars en empêcherait l’exécution; c’était bien peu en connaître les auteurs et surtout les inspirateurs. Le 29 juin n’est pas terminé que déjà Jésus-Christ est lui-même mis sous les scellés dans certaines églises; et il convenait qu’il en fût ainsi: avant d’expulser les disciples, il était bon d’emprisonner le Maître. « Qu’est-ce que la vérité? » disait Pilate au Sauveur captif quelques heures avant sa mort; et Jésus restait emprisonné en attendant les fouets, la couronne d’épines et la croix.

Pour les Jésuites, ils ont été mis à la porte avec le choix ou d’être traités comme vagabonds, s’ils s’arrêtent trop dans la rue, ou d’être encore dispersés. N’a-t-on pas dissous le Jésuite qui, à Nice vivait tout seul, dans une mansarde au quatrième étage? N’en a-t-il pas été de même à Cannes? « -Monsieur, au nom de la loi, a dit le commissaire, dissolvez-vous. -Mais je suis seul, répond le religieux, comment puis-je me dissoudre? -Ah! cela ne me regarde pas, adressez-vous à M. Cazot qui en sait long; ce que je puis vous dire, c’est que si vous ne vous dissolvez pas, j’appelle les gendarmes. » Cela se passait le 30 juin 1880, à des heures plus ou moins matinales.

IV. Les consultations.

Voici un fait inouï: La célèbre consultation Vatimesnil et Berryer avait passé pour un évênement d’une gravité extrême, à cause du grand nombre d’hommes de loi qui lui donnèrent leur adhésion. Or, celle de Me Rousse, du barreau de Paris, obtient trois fois plus de signatures autorisées, et comme pour clore ce merveilleux ensemble, M. Demolombe, le jurisconsulte le plus célèbre de tous les pays qui acceptent le Code Napoléon, vient avec son écrasante logique pulvériser l’opinion de tous les avocats du garde des sceaux. Ah! monsieur Cazot, qu’avez-vous à répondre, quand on vous dit que contre le droit nouveau, proclamé depuis 1789, on ne peut arguer de lois antérieures et positivement contradictoires? Que pouvez-vous répondre à ceux qui vous demandent comment vous osez appliquer les décrets furieux de Napoléon Ier, quand les tribunaux créés ad hoc n’ont plus la possibilité d’exister? Chicanez tant qu’il vous plaira, la vraie science du droit, la science impartiale, désintéressée, vous condamne; mais que vous importe, vous avez pour vous la force; pour le moment, que faut-il de plus?

V. Les démissions.

Mais voici qui est plus fort: que des juristes indépendants émettent leur opinion, cela ne tire pas à conséquence pour leur position matérielle; mais que des membres de la magistrature debout, ayant une carrière longue déjà, et souvent privés de moyens d’existence, n’attendant pas une révocation, disent à M. Cazot: « Nous ne pouvons vous obéir, nous avons trop d’honneur pour servir vos haines maçonniques; nous déposons la toge pour ne pas la souiller par les forfaits que vous voudriez nous faire commettre; nous sacrifions une position d’autant plus aimée que nos vertus l’avaient rendue plus belle! Plus d’un s’en ira avec ses enfants chercher dans la pauvreté quelque moyen de porter un poids bien lourd, quand on est père; mais avant tout, l’honneur et la conscience, dans leur intégrité, sont le plus précieux des biens. Et quand nos fils n’auront pour héritage qu’un nom fièrement et noblement porté, ils n’en seront que plus dignes de servir la France, quand l’ordre lui sera rendu.

Quand a-t-on vu pareil exemple dans les annales de la justice? Et je pense que plus d’un magistrat étranger en est surpris.

La magistrature a commencé: elle ne s’arrêtera pas là. M. de Freycinet et M. Cazot veulent des places pour leurs affamés? Le moyen en est tout trouvé pour en procurer: qu’ils proscrivent un plus grand nombre de couvents, et quelques centaines de magistrats se lèveront de leurs sièges et suivront de glorieux exemples. Puis, quand l’heure de l’épuration de la magistrature assise aura sonné, les successeurs seront tout trouvés pour ceux dont on aura pris les places. Ce sont les magistrats debout qui auront obéi à la révolution. Et de quoi peupleriez-vous les parquets devenus déserts? De tous les avocats sans cause, et partant d’autant plus révolutionnaires. Voilà une belle magistrature, bien souple, bien plate! Quel avenir pour ceux que les ministres voudront envoyer sur la sellette!

VI. Les résultats.

En attendant, la conscience se réveille; et, par ce côté, on ne saurait trop remercier les ministres de rendre à la France une conscience qu’eux ont bien légère, s’ils en ont. De toutes parts, les protestations se font entendre, et ne sont pas étouffées par la clameur de mensonges que fait pousser le gouvernement. Pour qui regarde attentivement, un beau spectacle commence. C’est le peuple, le vrai peuple, sortant d’une longue torpeur, revenant tous les jours un peu plus à la foi de ses pères. Sans doute, le mouvement qui en résulte est plus caractérisé sur certains points que sur d’autres, mais il existe incontestablement. Quels témoignages de sympathie ne reçoivent pas les religieux! comme on est empressé à leur offrir une hospitalité, déjà nécessaire pour les uns, bientôt peut-être indispensable aux autres.

Les pays étrangers se préoccupent de nous offrir un refuge: l’Espagne, l’Angleterre, les Etats-Unis, l’Italie même s’émeuvent, et de toutes parts les offres les plus généreuses arrivent. Quand ces asiles magnifiquement offerts auront été acceptés, si les religieux expulsés en profitent, quel témoignage pensez-vous qu’ils rendent de la justice française, et surtout du gouvernement français? Ils sont honnêtes, intègres, après tout; leur vie, quoi que vous en disiez, est honorable; ce sont des victimes, et de qui? La révolution se prépare elle-même de terribles accusateurs, qui porteront l’amour de la vraie France, mais aussi l’horreur des misérables qui, pour un moment, la tiennent sous leurs pieds et voudraient lui ôter les vieilles croyances, source de son vieil honneur. Que la franc- maçonnerie poursuive son oeuvre, et nous verrons si jamais s’est manifesté contre la malhonnêteté, le cynisme, l’emploi de tant de moyens infâmes, un sentiment de répulsion plus énergique que celui qu’inspirent de plus en plus les chefs de la secte. Tenons-nous sûrs du triomphe.

VII. Le droit nouveau.

M. Demolombe l’a dit: « Le jurisconsulte uniquement occupé de la recherche du droit en vigueur, en matière de communautés religieuses, le seul que le gouvernement ou les particuliers puissent légalement appliquer, doit d’abord écarter tous les édits, ordonnances ou arrêts antérieurs à la loi des 13-19 février 1799 et à la constitution des 3-14 septembre 1791.

« Privilèges et incapacités de l’ancien régime, faveurs et restrictions, tout a disparu pour faire place à un ordre nouveau.

« …Le jour où la loi constitutionnelle du pays eut proclamé qu’elle reconnaissait plus de voeux monastiques solennels, le jour où les ordres religieux furent supprimés comme corporation, ce jour-là le religieux rentra dans la plénitude de ses droits individuels, ce jour-là la législation, fondée sur la reconnaissance des voeux, s’écroula tout entière.

‘C’est donc aux lois modernes qu’il faut uniquement s’attacher.

Ce passage magistral pose la question d’une façon si manifeste qu’il suffit de le lire pour voir la solution acceptée par les catholiques. Un droit nouveau crée des situations nouvelles; mais, laissant les avantages du droit ancien, nous entendons n’en pas subir les inconvénients.

Peut-être, il est vrai, la crise actuelle est-elle pour nous d’un grand profit. On verra qui est sincère ou des chrétiens, des francs-maçons. Les francs-maçons cherchant dans toutes les lois neuves ou vieilles des instruments d’oppression, les chrétiens acceptant le droit nouveau franchement, sans restriction, afin d’user de tous ses avantages; les francs-maçons ayant juré la destruction de l’Eglise par tous les sophismes qu’un légiste de mauvaise foi peut inventer, les chrétiens forts de leurs droits et de la loi sincèrement appliquée. La lutte est entre la loyauté et le mensonge; et le long cri de réprobation parti de tous les points de la France et de toutes les poitrines honnêtes en est la plus éclatante démonstration.

Oui, un droit nouveau s’est établi: il n’y a pas de privilèges, nous renonçons à tous ceux accordés par la vieille monarchie, peut-être n’y perdons-nous pas trop. Nous n’aurons plus les riches abbayes, mais nous n’aurons plus les abbés de commande; croyez-vous donc que ce soit un si grand mal? Nous n’aurons plus des évêchés à grands revenus, nous n’aurons plus

Trente-six prélats

Qui ne résident pas.

La résidence des évêques a produit déjà des merveilles que ne compensent pas les richesses de l’Eglise volées, parce qu’elles n’allaient pas assez aux pauvres.

Nous serons pauvres, mais égaux devant la loi, avec le droit d’être chez nous, d’aller où nous voudrons, de vivre comme il nous plaira, de demeurer en commun quand bon nous semblera, comme l’ont si bien dit nos conseils, et personne n’aura le droit de se mêler de nos affaires, excepté si nous commettons quelque délit, comme les autres citoyens en peuvent commettre. Nous garantissons, et l’on nous croira, que l’on n’aura jamais à nous amnistier pour quelque abomination communarde.

Mais pour que les hommes de la révolution acceptent qu’une arme forgée contre les religieux devienne si puissante, en faveur de ceux-ci, il faut évidemment du temps. Je soupçonne même que s’ils avaient prévu certaines conséquences, ils auraient préféré, pour les ordres religieux, le privilège avec ses chaînes. Il est trop tard; il faut nous prendre comme nous sommes, forts des droits accordés à tous, mais protégÉs si bien par les droits accordés à tous, que si l’on attaque les nôtres, la liberté de tous les français en est meurtrie.

Il fallait les luttes présentes pour faire éclater la rigueur inéluctable de ces principes. Nous aurons notre droit à nous, mais l’Etat n’aura rien à y voir, de même que pour le maintenir nous ne demandons rien à l’Etat. Il n’a que faire dans ces questions de famille, mais son droit absolu est de nous protéger comme de simples citoyens. Nous ne lui demandons pas davantage, mais nous lui demanderons tout cela jusqu’à ce qu’il prenne son parti de ne pas nous traiter comme des malfaiteurs.

VIII. Les dents de la bête.

Il y a donc une bête? Eh oui, celle à qui M. Gambetta voulait donner les cléricaux en pâture. La bête s’aperçoit que les cléricaux sont trop maigre pitance, et ses dents sont longues. On ne revient pas pour rien de Nouméa, et quand on aura pendu quelque curé, fusillé quelques religieux, mangé du Jésuite, cela donnera-t-il longtemps à vivre? Mais M. Gambetta est riche, lui, mais ses caves sont pleines de vin excellent, mais ses cigares embaument les salons d’un parfum exquis; mais M. Gambetta n’est pas seul, d’autres bourgeois ont acheté hôtels et forêts; voilà, voilà où il y a à prendre, à piller. Sentez-vous comme les dents de la bête révolutionnaire s’allongent. Hélas! il y en a plus d’une. Chaque grande ville où le radicalisme triomphe a la sienne, ou les siennes, comme il vous plaira. Mettons qu’il y aura des essais sur la chair du prêtre; allez, allez, la chair du riche bourgeois est bien autrement succulente. Puis, le prêtre dévoré est martyr, on lui fera un culte, et le bourgeois incrédule avalé n’est qu’une masse de viande de moins; son amour pour les enfouissements civils le dit assez: qui en aura pitié?

Donc M. Gambetta tremble, et la bourgeoisie sans foi, ni morale, mais riche, ne tremble pas moins. Qui donc pousse à ouvrir la porte à la prison des communards, à se réjouir avec eux ou du moins à en faire semblant? Et ne le voyez-vous pas? Ce sont les chefs occultes des sociétés secrètes. M. Gambetta, repu, voudrait bien s’arrêter: impossible. Ah! si les fourneaux de Trompette pouvaient le protéger! Impossible. Et l’expulsion des religieux? Impossible. Et les poignées de main aux femmes de Belleville? Impossible. Marche, marche, avocat gasçon, sophiste haineux par calcul, ne vois-tu pas écrit sur les murs de tes salles d’orgie la sentence tracée par la main invisible et fatale? Hâte-toi de jouir, tes heures sont comptées. Où seras-tu un an après l’anniversaire de la Bastille rasée?

Et, remarque-le bien, ce ne sont pas les catholiques, persécutés par toi, qui te pousseront à l’abîme, ils auraient peur à ton contact de se souiller les mains. La roche tarpéienne t’attend, les tiens seuls sont faits pour t’en précipiter.

Peut-être en ce moment verra-t-on, comme on l’a vu d’autres fois, la Révolution et la franc-maçonnerie s’entre-dévorer. La fable dit que les petits de la vipère lui rongent les entrailles; pour la franc-maçonnerie, ce sera une réalité.

E. d'Alzon.
Notes et post-scriptum