ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.2
  • ARTICLES
  • MEMOIRES D'UN ANCIEN. (1)
  • La Croix, I, décembre 1880, p. 628-629.
  • TD 7, P. 2.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 JEUNES RELIGIEUX
    1 REFUGE LE
    1 REGLEMENT SCOLAIRE
    1 RELIGIEUX ANCIENS
    1 RESPECT
    1 SOUVENIRS
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOCATION SACERDOTALE
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 CICERON
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 LARESCHE, PIERRE-JOSEPH
    2 MONNIER, JULES
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 THERESE, SAINTE
    2 TISSOT, MADAME
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    3 AIX-EN-PROVENCE
    3 BESANCON
    3 DOUBS, DEPARTEMENT
    3 LYON
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 NIMES, EGLISE SAINTE-PERPETUE
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
    3 ROME
  • décembre 1880.
  • Paris
La lettre

[I.] Si je prends la plume pour rappeler mes souvenirs, c’est que je vois tant de générations passer dans cette chère Assomption qu’il est à craindre de lui voir perdre son antique esprit. Il a oscillé quelquefois, mais comme les sapins battus par la tempête, après avoir penché leur tête en des sens divers, se hâtent de fixer leur cîme vers le ciel, je voudrais que notre vieil et si bon esprit d’autrefois, après ses épreuves, tempora mea, comme dit Cicéron, revint à sa primitive direction.

Qui suis-je? Qu’est-ce que cela vous fait, ami lecteur? Pourvu que je vous intéresse en témoin fidèle! Croyez-vous que si je vous ennuie, il me plaise de vous voir bâiller à la seule vue de mon nom?

Je suis des vieux: que cela vous suffise pour comprendre que je sais des choses que vous ne savez pas. J’aime les jeunes, et, comme disait un grand vicaire de Moulins, je ne vois pas pourquoi un sot depuis cinquante ans serait préféré à quelqu’un qui n’a de l’esprit que depuis vingt-cinq. Du reste, à l’Assomption, les vieux aiment les jeunes; les jeunes respectent les vieux; grande consolation pour les vieux qui peuvent être ennuyés d’être vieux, et pour les jeunes qui seront vieux à leur tour; dans tous les cas, méthode essentiellement antirévolutionnaire.

Quoi qu’il en soit, on prétend que le P. d’Alzon, venu au monde avec une légère dose d’originalité, avait eu l’idée, à son retour de Rome, où il avait été ordonné prêtre, de fonder à Nimes deux oeuvres: un couvent de Carmélites et un Collège. -Point du tout: on lui confia les Dames de Miséricorde, et les mauvaises langues assurent lui avoir entendu dire que, s’il s’était douté qu’on l’affublerait un jour d’une pareille besogne, bien habile eût été qui lui aurait fait prendre la soutane. Le P. d’Alzon devait avoir mal dormi le jour où il se permit pareille impertinence.

Quant au Collège, on l’angaria à fonder un Refuge, qu’il dirigea pendant dix ans: après quoi, avec son inconstance bien connue, il songea à faire autre chose.

Toutefois, il n’était pas tellement inconstant qu’il n’eût toujours en tête les Carmélites. Profitant donc du sacre de Mgr Sibour, qui eut lieu à Aix en 1840, il alla trouver les Carmélites de cette ville et leur parla de son projet. Ces saintes filles acceptèrent avec enthousiasme. Il ne s’agissait que d’un local à trouver. Quant à l’argent, une demoiselle de Nimes devait fournir 40,000 fr.; une demoiselle étrangère, 50,000 fr.; c’était assez beau. La nimoise ne put entrer: sa belle-soeur mourut en huit jours à la pensée de la voir derrière les grilles, et voilà la pauvre Carmélite manquée obligée de servir de mère à des enfants devenus orphelins, parce qu’elle avait voulu être fille de Ste Térèse! Cela semble curieux: pourtant, rien de plus vrai. Et en attendant, 40,000 fr. faisaient défaut. Quant à l’étrangère, sa mère se hâta de l’enlever aux griffes du P. d’Alzon! Hélas! dix-huit ans après, le dit Père la revoyait; bien que mariée, elle lui déclarait qu’elle ne se sentait faite que pour être carmélite. Très peu de jours après elle était morte, et c’est ainsi que les mamans font le malheur de leurs enfants en les empêchant de suivre leur vocation. Voilà la vérité!…

[II.] Avant d’aller plus loin, j’ai besoin de protester contre une note qui précède le premier chapitre de ces mémoires. On dit que je suis très-vénéré et très-aimé. Quel magot a put dire cela? -Je ne suis ni vénéré, ni aimé: je suis un ancien. Et si l’on surajoute ainsi à ce que j’écris, je ne dirais plus rien. Cela bien établi, je continue.

Vers 1839, M. l’Abbé Vermot, prêtre de Besançon, attiré à Nimes par M. l’abbé Laresche, vicaire-général, originaire de Besançon, lequel eût bien voulu renvoyer son compatriote au plus tôt dans son Doubs, n’ayant pu obtenir la permission de fonder une maison de missionnaires, fonda sans permission un collège. Il plaça à la tête M. l’abbé Tissot, prêtre très- pieux et très- instruit, de Lyon, dont la mère était morte de faim parce que, une nuit, elle avait oublié de mettre près d’elle de quoi manger: la pauvre femme fut trouvée morte d’inanition.

Le collège, dit-on, fut bientôt réduit un peu à l’état de la mère de M. Tissot. Il se traîna de maître en maître, et l’on pouvait prévoir que cela finirait par un enterrement de pauvres, quand le P. d’Alzon et M. l’abbé Goubier, curé de Sainte-Perpétue, eurent l’idée de l’acheter pour les Carmélites que l’on devait faire venir d’Aix. A peine les propositions étaient-elles faites qu’il se trouva que jamais le collège n’avait été plus florissant. Les instituteurs locataires du bâtiment refusèrent obstinément de le livrer aux acquéreurs: pourtant la maison avait été vendue à un très-beau prix. Que faire? On chercha un autre local pour les Carmélites.

Mais ne voilà-t-il pas que la faim, qui fait sortir le loup du bois, fit sortir de l’Assomption le récalcitrant M. X. Que faire de la maison, puisque les Carmélites en avaient une autre? C’était bien simple: Relever le collège.

Il fallait des hommes et de l’argent, rien que cela. Le P. d’Alzon avait quelques écus et surtout deux précieux amis: M. Monnier, professeur au lycée de Nimes, et M. Germer- Durand, professeur au lycée de Montpellier, tous deux agrégés de l’Université. Des propositions leur furent faites, et, grâces à Dieu, acceptées. Nous parlerons de M. Monnier qui n’est plus, et de M. Durand, s’il nous le permet.

Aussitôt furent ouvertes des conférences intimes entre MM. Goubier, Monnier, d’Alzon et Durand. M. Goubier y apportait les souvenirs du petit séminaire, M. d’Alzon ceux du collège Stanislas de Paris, MM. Durand et Monnier les méthodes universitaires. Ce fut de la combinaison de ces divers éléments que résulta le règlement de l’Assomption future. Qu’il y eût des utopies, c’est possible; mais ce qui est incontestable, il y avait de la vie, plutôt trop que pas assez. On était plein d’espérances, on fit un prospectus.

UN ANCIEN.
Notes et post-scriptum
1. Premières livraisons de l'Assomption.