ARTICLES

Informations générales
  • ARTICLES
  • L'EDUCATION CHRETIENNE.
  • La Croix, I, janvier 1881, p. 673-682.
Informations détaillées
  • 1 ACTE DE CREATION
    1 ADOLESCENTS
    1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
    1 AMOUR DES AISES
    1 ANCIENS ELEVES
    1 ANGES
    1 ASCENSION
    1 AUGUSTIN
    1 AUSTERITE
    1 AUTORITE DIVINE
    1 BAPTEME
    1 BEAU CHRETIEN
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 BEAUTE DE DIEU
    1 BLE
    1 BONHEUR
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHATIMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRITION
    1 CREATION
    1 DECADENCE
    1 DESIR
    1 ENFER
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENTERREMENT
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT FAUX
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FOI
    1 GRACE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 IGNORANCE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JOIE
    1 LEGERETE
    1 LIBERTE
    1 LIBRE PENSEE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 MAITRES
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 MEMOIRE
    1 MENSONGE
    1 MINISTRES PROTESTANTS
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 NUTRITION
    1 PAGANISME
    1 PARESSE
    1 PATRONS DES ASSOMPTIONNISTES
    1 PECHE
    1 PERFECTION
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUR
    1 PREDICATION
    1 PUISSANCES DE L'AME
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RELIGIONS ADVERSAIRES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SAINTE VIERGE
    1 SATAN
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 TOMBEAU
    1 TRINITE
    1 VERTUS THEOLOGALES
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIGILANCE
    2 ABRAHAM
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 JEAN, SAINT
    2 JOB, BIBLE
    2 JOSEPH, SAINT
    2 LUTHER, MARTIN
    2 MICHEL, SAINT
    2 MONIQUE, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    3 AFRIQUE
    3 ALLEMAGNE
    3 AMERIQUE
    3 EGYPTE
    3 FRANCE
    3 INDES
    3 TURIN
    3 URQUIE
  • janvier 1881.
  • Paris
La lettre

Les lecteurs de la Croix avaient l’habitude de trouver en tête de chaque livraison un article du T. R. P. d’Alzon. Il nous a semblé qu’ils seraient heureux de l’entendre encore après sa mort, et nous publions ici une série d’instructions adressées par lui aux élèves de l’Assomption pendant une de ces dernières années.

On y trouva, sous une forme simple et concise, tout un traité de l’éducation chrétienne, telle que l’entendait ce grand et énergique éducateur.

Amice quomodo huc intrasti?

Ces paroles, mes enfants, sont prises d’une parabole où N.-S. nous représente un homme donnant un festin à une foule immense; il entre dans la salle et observe un homme qui n’a pas la robe des noces. Il lui demande comment il a pu entrer sans la préparation convenable, et comme cet invité n’a rien à répondre, il lui fait lier les pieds et les mains et le fait jeter dans les ténèbres extérieures. Ces paroles je les adresse à celui d’entre vous qui serait le plus mal disposé, et dont l’âme, sous le coup de péchés mortels, commis pendant les vacances, voudrait en ce moment former des projets de résistance, d’opposition; je lui dirai: Amice, quomodo huc intrasti?

Mais, rassurez-vous, si nous sommes disposés à jeter dans les ténèbres extérieures, c’est-à-dire à renvoyer impitoyablement ceux qui refuseraient d’une manière obstinée de prendre le genre, les idées, les moeurs, l’esprit de la Maison, ce ne serait pas pour nous un motif de ne pas user de beaucoup de patience et d’affection; mais pour vous mettre à même d’accepter notre action, il faut, je crois, 1° vous dire du premier coup ce que nous nous proposons de faire de vous; 2° vous indiquer les dispositions dans lesquelles nous venons à vous; pour cela, il faut vous rappeler certains passages de l’Ecriture.

Le premier est celui où, après avoir créé l’univers, et voulant lui donner un roi, Dieu dit: Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance; pour cela Dieu lui imprima une image, l’image de l’adorable Trinité. Il lui donna l’être; Dieu a l’être par lui-même et il le communique à l’homme. Il lui communique la puissance d’agir ou de faire des actes, il lui communique l’intelligence, il lui communique la volonté.

Et ainsi, l’homme était semblable à Dieu le Père tout-puissant, au Fils, intelligence infinie, au Saint-Esprit, volonté divine et amour divin.

Le Père lui donna quelque chose de son pouvoir, le Fils un rayon de sa sagesse, le Saint-Esprit les flammes de son amour. Or, cela a été détruit par le péché, il faut le réparer.

Le but de l’éducation est de vous rendre semblables à Dieu le Père, par le pouvoir de faire le bien, à Dieu le Fils, par les idées chrétiennes, à Dieu le Saint-Esprit, par l’amour de Dieu et du prochain, amour qui est la plénitude de la loi.

Mais cela n’est pas facile, car il faut réformer votre volonté pervertie par les passions, votre intelligence obscurcie par les idées fausses, votre caractère énervé par les chutes nombreuses de votre passé.

Il faut vous donner un beau caractère, une intelligence ouverte du côté du Beau infini, un coeur capable d’aimer tout ce qui est grand et noble, capable de fouler aux pieds le vil égoïsme et de se porter aux sacrifices pour les saintes causes.

Et maintenant avec quelles dispositions irons-nous vers vous?

Ecoutez. Lorsque Notre Seigneur fut sur le point de monter au ciel, il dit à ses Apôtres: Omnis potestas a Deo,… euntes ergo docete omnes gentes, baptizantes eos in nomme Patris et Filii et Spiritus Sancti.

C’est au nom du Père que nous venons, c’est-à-dire avec puissance, autorité, mais avec l’autorité qui vient de Dieu.

Nous venons au nom du Fils, vérité éternelle, vous parler de son droit à vous éclairer, nous venons pétrir vos intelligences avec les vérités révélées par Dieu le Fils. Et c’est pourquoi notre enseignement est plein de certitude, parce que notre doctrine n’est pas notre doctrine, mais la doctrine de Celui qui nous a envoyés.

Nous venons vers vous au nom du Saint-Esprit, c’est-à-dire avec l’amour que Dieu nous a donné pour vos âmes.

Voilà en un mot notre programme: si vous nous demandez ce que nous voulons faire de vous, je vous répondrai: des hommes divins,images de Dieu même.

Vous voyez que notre ambition est grande. Dieu nous guidera, mais Dieu ne fera pas tout. A vous de nous y aider.

C’est pourquoi je vous en conjure, laissez dès le premier jour toutes les misères, toutes les chutes des vacances, armez- vous de bonnes pensées, mettez-vous sur-le-champ sous la protection des saints patrons de cette Maison: la Sainte Vierge, S. Michel, S. Joseph, S. Pierre, S. Paul et S. Jean, S. Augustin et Se Monique. Ils vous aiment déjà et nous vous apprendrons à les aimer.

Venez donc avec courage; quand on est disposé à subir une autorité venue de Dieu, une règle, commentaire dans ses grandes lignes de l’Evangile même; quand on est reçu avec une tendresse dont le principe, et la source, n’est autre que l’amour de Dieu, on est bien fort pour se réformer et rendre à tout son être l’énergie, l’intelligence surnaturelle et cet élan divin qui forme les chrétiens et les saints.

REFORME DE LA MEMOIRE

L’homme est créé à l’image de Dieu. On a cherché en lui cette image de plusieurs manières. S. Augustin nous assure que de son temps des hérétiques accusaient les catholiques de dire que Dieu avait des yeux, un nez et une bouche.

Non, cette image de Dieu est placée dans la portion la plus noble de notre être, dans notre âme. Or, dit encore S. Augustin, l’homme a trois facultés: la mémoire, l’intelligence et l’amour, qui correspondent au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Et si vous me demandez comment l’homme dans le plus intime de son être ressemble à Dieu: « L’âme, poursuit le grand Docteur, se souvient d’elle-même, se comprend et s’aime ». Ecce mens meminit sui, intelligit ac diligit se. (de Trinitate, L. XIV.)

Vous le voyez, la mémoire, l’intelligence, l’amour sont les puissances fondamentales de l’homme. Parlons aujourd’hui de la mémoire.

Par mémoire, je n’entends pas cette facilité d’apprendre une leçon, de retenir des vers. Par mémoire, j’entends la puissance qu’a l’homme de retenir les idées, qui font l’ensemble de sa vie spirituelle.

Expliquons-nous. L’homme a un corps et une âme; et Dieu a disposé les choses de façon à ce que les idées ne vinssent à l’âme que par son corps.

Je prendrai une comparaison. L’homme a besoin d’aliments pour vivre, il les prend, les introduit dans son estomac. Là, par une opération merveilleuse, ces aliments sont transformés en sang qui circule dans tout le corps et forme sa vie. Si les aliments sont sains, le corps se fortifie; s’ils sont mauvais, le corps souffre. Il en est de même pour l’âme.

Je vois: l’image s’empreint dans mon oeil. Mon âme la saisit et la généralise. Mon oeil a vu l’image, mais mon âme ne saisit que l’idée générale.

Ces idées générales restent en moi. L’idée des êtres extérieurs n’est en soi ni bonne ni mauvaise. Mais combien d’autres idées sont mauvaises sans que nous y fassions attention; il y a en effet des idées vraies et des idées fausses, des idées bonnes et des idées mauvaises.

Mais recevoir des idées fausses, mauvaises, injustes, c’est affreux. Ainsi un jeune homme entendra dire que toutes les religions sont bonnes. Il laisse s’établir en lui ce principe que les protestants publièrent au temps de Luther, Illius est religio, cujus est regio. (Il faut suivre la religion de son pays). Mais dans ce cas, il faut être catholique ou libre penseur, en France, protestant en Allemagne, mahométan en Turquie, brame dans les Indes, païen au centre de l’Afrique ou de l’Amérique; ou bien l’Eglise catholique doit être persécutée, parce qu’elle persécute les autres religions!

Vous voyez l’inconvénient de certaines idées fausses: elles s’étendent, gagnent l’esprit. Eh bien! voilà une partie fondamentale de votre éducation: vous donner des idées vraies, des idées justes. Mais comment vous les donnerons-nous? S. Augustin nous répondra encore: Haec Trinitas mentis, non propterea Dei est imago, quia sui meminit mens et intelligit ac diligit se; sed quia potest et meminisse et intelligere et amare a quo facta est. Cette trinité n’est pas l’image de Dieu parce qu’elle se souvient d’elle-même, parce qu’elle se comprend, parce qu’elle s’aime; mais parce qu’elle rappelle, elle comprend, elle aime Celui par qui elle a été faite. Etablissons bien ceci: Vous avez été faits à l’image de Dieu. Vous étiez capables de le connaître, mais le péché originel est survenu et a brisé quelque chose en vous, et le premier effet a été l’ignorance.

L’ignorance est la perte plus ou moins complète de la mémoire, entendue au sens où je vous le disais tout à l’heure. L’âme a été dégradée dans sa première faculté, la mémoire. C’est l’ignorance qui nous fait perdre l’idée de Dieu. Voyez le monde avant J.-C. en proie au paganisme. Voyez encore le monde depuis que de fausses idées, fruits du péché, sont venues le dégrader. Ignorance coupable qui nous vient de la paresse; je ne parle pas de la paresse qui nous empêche d’étudier les objets de l’instruction classique. Je parle de cette paresse qui nous fait négliger les vérités du salut.

Et vous voyez l’importance d’avoir des idées justes, des idées divines. Et pour cela, que faut-il?

1° Comprendre l’importance des idées vraies à mettre dans la mémoire. Pourquoi le triomphe de la révolution? A cause du triomphe des idées fausses. Il faut, au nom de votre foi, chercher les idées vraies. Et comment? Le voici: Lorsque vous avez été baptisés, vous avez reçu le don infus de la foi. Ce don vous a communiqué une facilité plus grande pour recevoir les idées divines, votre âme a pu se souvenir de Dieu: Potest meminisse, et intelligere et amare a quo facta est. Il y a sans doute là une faculté naturelle, mais il y a aussi un don magnifique de Dieu; car si l’âme peut recevoir l’idée de Dieu et dans l’ordre de la raison et dans l’ordre de la foi, elle possède l’idée mère, l’idée source de toutes les idées vraies.

2° Quand vous aurez compris l’importance de ces idées, il faut secouer la paresse et les développer en vous, et voilà l’importance de l’instruction religieuse. Prémunissez-vous de bonne heure contre cette idée si fausse que l’instruction religieuse n’est bonne à rien -même à un point de vue humain, l’instruction religieuse agrandit merveilleusement les idées; -mais ce qui est sûr, c’est que l’instruction religieuse vous fait, autant qu’il est permis ici-bas, connaître et aimer Celui par qui votre âme a été faite et en qui vous trouverez l’éternel bonheur.

3° Enfin, il faut la soumission de la foi. Oui, pour réformer vos idées, il faut un grand esprit de foi. Et qu’est-ce que l’esprit de foi? C’est l’acceptation des vérités de la foi, et, dans la pratique, la disposition à voir les choses comme Dieu les voit.

Ayez, mes amis, le courage de réformer votre mémoire par la destruction des idées fausses, par l’acceptation des idées justes. Vous serez surpris de voir, au bout d’un certain temps, votre âme s’épanouir dans un monde nouveau et se fortifier par la nourriture divine qu’elle aura reçue et dont elle se sera pénétrée.

REFORME DE L’INTELLIGENCE

L’éducation a pour premier but de réformer dans la mémoire l’absence d’idées entretenue par l’ignorance, et les idées fausses produites par l’erreur.

Et c’est tout d’abord une source de reconnaissance pour les jeunes catholiques qui ont été élevés dans la vérité, et qui par le baptême ont reçu la grâce de la foi.

On ne sait pas assez la différence qu’il y a entre le baptisé que l’éducation chrétienne développe, et le non baptisé, dans la facilité qu’a le premier et que n’a pas le second pour accepter les vérités de la foi.

Ce qui est certain, c’est que les vérités, les idées déposées dans la mémoire n’y doivent pas rester dans un état d’engourdissement perpétuel. Il faut les développer. J’ai vu à Turin, il y a plus de trente ans, des grains de blé produits par d’autres grains de blé déposés dans une monie Egyptienne. Semés, ils avaient produit après deux ou trois mille ans. De même les idées sont déposées dans la mémoire, mais si on ne les cultive pas, elles finissent par rester à l’état de sommeil. Que faire? Les cultiver par l’intelligence.

I. On peut tous les jours les accroître par l’étude; la mémoire se cultive, mais l’intelligence s’emparant des idées se les approprie par l’attention. Que d’idées n’auriez-vous pas si vous donniez une attention plus grande aux leçons de vos maîtres! Mais, après avoir donné une application sérieuse à écouter, en vous efforçant de comprendre ce qu’on vous dit, vous avez à faire un travail personnel, vous avez à réfléchir, c’est-à-dire à vous replier sur vous-même pour savoir quelles conclusions vous devez tirer de certaines idée.

Par exemple, vous avez reçu cette idée que Dieu est bon, mais qu’il est juste. La conclusion est que vous devez avoir recours à sa bonté pour en obtenir tout ce qui vous est nécessaire, mais aussi que vous devez redouter sa justice, si vous abusez de sa bonté.

Voici deux autres conclusions: il faut lui demander les secours qu’il vous accordera dans sa bonté; il faut fuir le péché qui vous exposerait aux coups de sa justice.

On vous a dit cela, mais vous n’y avez pas fait attention. Si, au contraire, vous fixez par un effort votre esprit sur ces vérités, si vous-mêmes, par une réflexion sérieuse vous tirez les conséquences de ces principes et de beaucoup d’autres qui vous auront été confiés dès l’enfance, vous serez surpris de la joie que vous procurera la découverte de certaines vérités que vous connaissiez peut-être, mais que vous n’aviez pas suffisamment faites vôtres par le travail de votre intelligence.

On est surpris quand on voit combien les conséquences les plus nécessaires à la vie chrétienne sont faciles à tirer de certains principes parfaitement clairs. Et ce qui surprend bien davantage, c’est de voir combien peu de jeunes gens se donnent la peine de penser, de fixer leur esprit, de réfléchir, de tirer des conséquences si claires, si rigoureuses et si importantes.

Mais outre ces conclusions tirées par le simple chrétien, il reste, à ceux que Dieu a placés dans une position plus élevée, à penser, à réfléchir beaucoup plus. Le champ des connaissances humaines s’ouvre devant eux et ils ont des études à faire, études pénibles et voici pourquoi:

Dieu a créé les anges capables de saisir du premier coup l’objet de leur pensée. Ils ont l’intuition de la vérité.

Votre oeil voit une maison comme un ange voit la vérité. Mais vous ne voyez pas la vérité. Il faut qu’on vous la décrive; comme, pour avoir l’idée d’une maison que vous ne voyez pas, il faut qu’on vous la décrive. Mais plus vous étudierez les détails de cette vérité, plus vous en aurez une idée développée, et plus votre intelligence se fortifiera. Ainsi vous ne voyez pas Dieu, mais si vous cherchez à vous rendre compte de sa puissance, de sa providence, de sa perfection, de sa justice, de sa miséricorde, il est évident que vous sentirez des rapports plus intimes s’établir entre Dieu et vous.

Quels magnifiques horizons ne s’ouvrent pas pour l’intelligence, quand elle se livre à une étude sérieuse et bien dirigée sur le terrain de la vérité et surtout, quand sous la pensée de Dieu, elle étudie son origine qui est Dieu, la raison de son existence et de sa conservation qui est Dieu, et le terme de son être dans l’éternité qui est Dieu! après cela elle pourra se livrer à des études secondaires, nécessaires aux devoirs de la vie humaine, mais elle aura toujours au-dessus d’elle la pensée de la grandeur de son origine, de la dignité de sa nature, de la fin pour laquelle elle existe; puisqu’elle ne trouve que Dieu pour la créer, la conserver, lui donner l’éternel bonheur.

Elle sent combien de telles pensées l’élèvent au-dessus d’elle-même et au- dessus de ceux qui refusent de l’imiter dans ses travaux.

II. Malheureusement, de nombreux obstacles s’élèvent pour s’opposer aux travaux de l’intelligence.

1° La paresse. Il en coûte pour ployer son intelligence à la réflexion. Il est doux aussi de ne penser à rien et de regarder voler les mouches. La paresse! on fait des projets, mais la paresses empêche de les réaliser. Desideria occidunt pigrum, on fait de brillants projets d’avenir, mais la paresse les dissipe, comme les rêves de l’homme qui se réveille. On pouvait fournir une belle carrière, mais il y fallait entrer par les portes des études préparatoires. Ces portes, la paresse les ferme. On eût été un homme distingué, la paresse vous rendra un homme nul: conséquence de la stérilité de l’intelligence annulée par défaut de travail.

2° La légèreté. On a un certain esprit d’àpropos. Si un maître vous reproche un défaut, on répond: Vous donnez sottement vos qualités aux autres. Et l’on est très satisfait de sa citation. La légèreté empêche de penser qu’on prend un caractère détestable, qu’on est insupportable aux autres, qu’on prend un mauvais coeur et que cette impossibilité de prendre les choses par le côté sérieux, empêchera plus tard de se porter aux travaux sérieux, qui résultent de méditations laborieuses, pour atteindre un grand but et les sommets auxquels on avait le droit d’aspirer.

3° J’aborde un côté peu honorable de l’abaissement de l’intelligence, c’est la mauvaise foi. Il y a divers degrés: le premier degré, c’est l’habitude des mauvaises raisons. Pourvu qu’on ait une mauvaise raison, on se tient pour content. Qu’importent les raisons bonnes! on a répliqué quelque chose. Cela n’a pas le sens commun. Mais on a répliqué.

Puis viennent les mauvaises raisons habiles qu’on finit par croire vraies, puis la franche mauvaise foi que l’on couvre des plus odieux sophismes. J’ai connu un jeune perverti, qui s’était fait ministre protestant, et qui m’avouait qu’avant de monter en chaire, il demandait à Dieu ne pas permettre qu’un seul de ses auditeurs crût ce qu’il allait dire.

4° Enfin la peur. Oui, la peur! On veut se mal conduire et on veut étouffer le remords, et pour n’avoir pas peur, on entasse les efforts de l’intelligence pour obscurcir l’intelligence. Que de jeunes gens en sont là! Mais nous reviendrons sur ce triste sujet.

En attendant, mes amis, nourrissez-vous des idées saines, vraies, éternelles comme Dieu, qu’on vous donnera dans cette maison. Comprenez combien une intelligence qui est nourrie de ces vérités devient de plus en plus semblable à Dieu, non seulement par le dogme de la foi, qu’elle arme et fortifie dans sa mémoire, mais par les fruits de ces vérités qu’elle a acquises par la culture de l’intelligence. Cultivez la vérité, agrandissez votre âme. Vous serez les vrais grands hommes parce que vous participerez à la grandeur même de Dieu.

Or ces quatre fautes deviennent plus tard dans la vie quatre crimes.

Crime de la paresse qui nous est représenté par le mauvais serviteur qui n’avait pas fait valoir son talent. Il n’avait pas travaillé, il fut jeté dans les ténèbres extérieures. Que d’hommes que leur paresse prive des dons de l’intelligence et conduit au vice!

Crime de légèreté. Le besoin de prendre les choses par le côté léger conduit à plaisanter de tout ce qu’il y a de plus saint. De là le cynisme et le scepticisme: ce fut le crime de Voltaire.

Crime de la mauvaise foi. On sait que l’on a tort, mais on se vend: Crime de tant d’hommes publics! ce fut le crime de Pilate disant: Quid est veritas? et condamnant Jésus-Christ.

Crime de la peur. On voit la nécessité de confesser la vérité, mais on a peur. C’est là le crime des honnêtes gens.

REFORME DE LA VOLONTE.

J’aborde maintenant le noeud de la grande question de l’éducation: la réforme de la volonté.

On veut vous aider par une éducation chrétienne à cette réforme de toutes les réformes. Mais pour vous faire comprendre tout ce qu’il va de grand là- dedans, il faut poser certains principes extrêmement importants: -1° Dieu avait fait l’homme avec une parfaite droiture de volonté, Deus fecit hominem rectum, avec une intelligence droite et une volonté tendant à son vrai bien: l’homme devait un jour être parfaitement heureux.

2° L’homme, créé avec une intelligence et une volonté saines, a péché; et aussitôt son intelligence a été sujette à l’ignorance et aux ténèbres, sa volonté à la concupiscence, c’est-à-dire à subir une pente vers le mal.

3° Malgré cela l’homme a été créé avec le désir de la vérité, aliment de son intelligence, et un désir invincible du bonheur. Ne cherchant pas toujours la vérité, ni le bonheur là où ils sont, il s’égare dans les ténèbres et se perd dans des maux causés par ses illusions.

L’homme ne peut pas ne pas vouloir la vérité. Il ne prendra jamais un maître pour lui dire enseignez-moi l’erreur, enseignez-moi des choses fausses, il ne dira jamais: indiquez-moi le moyen d’être malheureux.

Voilà donc l’homme avec le désir du bonheur, le cherchant; et par l’effet de l’erreur de son intelligence et de la corruption de sa volonté, exposé à chercher le bonheur où il n’est pas. Vous avez là l’histoire des égarements et des souffrances de l’homme.

Et toutefois, en combien de circonstances n’est-il pas profondément coupable, puisque, bien qu’il sente un penchant vers le mal, il a toujours le cri de la conscience avant de commettre le mal, et l’aiguillon du remords quand il l’a commis.

On a entendu de nos jours dire: mais si je suis ainsi poussé invinciblement vers le bonheur, je ne suis pas libre. Eh bien! il faut, une bonne fois, établir ce qu’est la liberté.

On est plus libre, à mesure que l’on devient plus parfait. Ou bien il faut dire que la liberté est une imperfection. Accordez-vous cela? Evidemment non; car si la liberté était une imperfection, il faudrait la fuir. Mais de tous les êtres, le plus parfait est Dieu. Dieu est par conséquent de tous les êtres, le plus libre. Et pourtant Dieu ne peut pas pécher. Que conclure, si non que la liberté ne consiste pas dans un droit égal à faire le bien et le mal, mais qu’elle est l’état d’un être que rien n’empêche d’arriver à sa perfection, ou si vous aimez mieux, le droit de faire ce qui est conforme à notre nature. Mais il est conforme à notre nature de vouloir être heureux. Donc, nous nous mettons dans un état contre notre nature quand nous choisissons ce qui nous rendra malheureux; et comme le mal nous procure le malheur, nous nous mettons dans un état contraire à notre nature quand nous faisons le mal.

Peut-on se dire libre quand on viole les lois de la nature humaine?

Eh bien, l’éducation, en réformant la volonté corrompue, va remettre les choses en place; et pour cela, elle développe le désir du bonheur en montrant en quoi ce bonheur consiste. Il consiste à chercher volontairement sans contrainte, par conséquent très-librement, le bonheur pour lequel nous avons été faits. Or le bonheur est comme infini dans notre désir. Il est infini dans son terme. Ce terme, c’est Dieu, qui nous a faits, et qui nous a faits pour lui. De là, ce cri de S. Augustin: Fecisti nos ad te, Domine, et irrequietum cor nostrum, donec requiescat ian te. La volonté corrompue par le péché s’en va dans les voies les plus déplorables, et se perd par la violation de la loi de Dieu dans un malheur inexprimable. Il faut réformer tout cela.

Et comment? voici quelques principes que vous ne pourrez contester:

1. Vous avez en vous le désir invincible du bonheur; et vous devez chercher à être heureux.

2. Vous êtes forcés de reconnaître que vous ne pouvez trouver le bonheur en vous-même.

3. Si votre conscience n’est pas encore totalement obscurcie, vous reconnaîtrez encore que l’homme, qui ne peut trouver le bonheur en lui, le trouvera seulement hors de lui: où donc?

4. Si vous ne croyez pas en Dieu, je n’ai rien à vous dire, mais si vous croyez en Dieu, c’est à Dieu, votre créateur, que vous devez aller demander le couronnement de votre création, le bonheur. Et pour cela, il faut le prier.

Pourquoi? parce que ce bonheur est la possession de lui-même. Croyez-vous que vous pourrez le posséder sans sa permission?

D’autre part, vous ne pouvez rien de bien sans lui; Jésus-Christ a dit lui-même: Sine me nihil potestis facere.

Mais si vous accordez ces propositions, nous en tirerons certaines conséquences

1. Si je suis d’autant plus libre que je suis plus parfait, je dois tendre à la plus grande perfection pour arriver à la liberté, à la liberté la plus grande.

2. Dieu était le plus parfait des êtres et le plus libre en même temps; pour avoir la plus grande liberté, je dois m’appliquer à pratiquer la perfection de Dieu autant que j’en suis capable.

3. Il y a en moi deux grandes possibilités, la possibilité de devenir parfait et libre, comme je le comprends; et la possibilité d’être heureux comme je le désire. La perfection, la liberté, le bonheur, sont là où, seul, je ne puis atteindre; mais ce que je ne puis atteindre par moi-même, celui qui m’a créé pour le bonheur, me le donnera par sa grâce, si je le lui demande.

Seigneur, devons-nous lui dire, vous m’avez créé, et créé avec une volonté qui aspire au bonheur, je vois bien des hommes chercher le bonheur où il n’est pas, on me dit qu’il est en vous, qu’il n’est autre que vous; eh bien, ce bonheur, je le désire, mais vous seul pouvez le donner, je vous le demande.

Certes, il y a là-dedans une puissante réforme, l’homme par l’orgueil est séparé de Dieu, et l’homme pour se rapprocher de Dieu s’humilie dans la prière, c’est déjà un commencement de guérison de son mal.

-Je pourrais maintenant prendre mon sujet par un autre point de vue, et dire que Dieu infiniment parfait a produit des êtres qu’il voulait parfaits à son image, pour les pousser à lui ressembler. Il leur a donné comme aiguillon, le désir très convenable du bonheur. Ce désir, étant dans leur nature, n’offensait pas leur liberté, qui se perfectionne à mesure qu’ils deviennent plus parfaits eux-mêmes.

Et voilà trois faits étonnants auxquels il faut aboutir.

1. Quand Dieu a dit: faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, c’est comme s’il avait dit: faisons l’homme parfait. Quelle plus grande perfection que la ressemblance avec Dieu?

2. Eh Dieu, la liberté est égale à la perfection. L’homme, à mesure qu’il devient plus parfait devient aussi plus libre, et la liberté est une imitation de Dieu.

3. Mais l’homme devenu parfait et libre de la liberté des enfants de Dieu, peut dire à Dieu: mon Père, puisqu’il est libre comme un enfant, et puisque Dieu, son Père, lui a donné pour premier titre la liberté, l’homme peut bien dire: mon Père, vous qui m’avez rendu libre, rendez-moi heureux.

Et Dieu répond: la liberté que je donne à mes enfants est une liberté de bonheur infini, libertatem gloriae filiorum Dei, de telle façon que la réforme de la volonté, que je vous propose, est une réforme qui, vous faisant pratiquer la loi de Dieu, vous rendra parfaits; en vous rendant parfaits, vous rendra libres; en vous rendant libres, vous rendra heureux. Inlibertatem gloriae filiorum Dei.

Ipsa creatura liberabitur a servitute corruptionis, in libertatem gloriae filiorum Dei.

REFORME DES PASSIONS

Nous portons en nous un principe désordonné depuis le péché, la révolte des passions. L’on est assez généralement convenu de les réduire à quatre: la joie, la tristesse, la crainte, et l’espérance. En les considérant ainsi, ou je me perdrais dans des considérations trop philosophiques, ou je dirais trop peu. J’aime mieux les prendre par un côté plus pratique. Les passions sont des impressions que nous avons beaucoup de peine à dominer depuis le péché originel, et qui nous entraînent à des mouvements de notre âme, contraires à l’ordre voulu de Dieu et nous poussent au péché. En sommes-nous les maîtres? Non, en ce sens que nous ne pouvons pas ne pas subir certaines impressions. Oui, en cela que nous pouvons, surtout avec la grâce, ne pas nous y laisser entraîner.

Or un des buts principaux de l’éducation consiste à résister à l’attrait des passions qui doit être nous poussent au mal.

Ce qu’un chrétien doit désirer le plus, c’est la pureté de son âme. Jésus-Christ a dit: Beati mundo corde, et pourquoi? Quoniam ipsi Deum videbunt. Là sont les joies éternelles, là l’infini bonheur: la vue de Dieu, c’est-à-dire du plus grand de tous les biens. Tout doit être sacrifié à un but pareil.

Or, le malheur d’une foule de jeunes gens, c’est qu’ils oublient ces choses. Ils se laissent entraîner par les joies mauvaises et les espérances coupables. Peu à peu les ténèbres se font dans le ciel: ils n’en peuvent plus percer la profondeur. Dieu se cache. Ils se condamnent à ne pouvoir plus voir Dieu. Pourquoi donc? Parce qu’ils se sont laissé envahir par leurs passions. Elles sont désormais les plus fortes et ils sont condamnés à n’avoir plus de regards que pour la terre et pour ses viles jouissances.

Est-ce la destinée humaine?

Evidemment non. -Comment triompher? Ah! voici le problème. C’est évidemment une lutte à livrer. Que voulez-vous? Question terrible et dont la solution décide de l’avenir heureux ou malheureux. Hélas! Combien de fois la solution n’est-elle pas donnée sans qu’on s’en doute. Une tentation s’est présentée, une impression a été donnée. -Le consentement au péché est survenu, le mal est commis.

Mais enfin, y a-t-il un remède? -Oui, Dieu dans sa miséricorde nous offre une grâce qu’il ne nous doit pas, mais il veut que nous aussi nous apportions notre concours.

Comment?

1° Par la vigilance. Oui, il faut veiller. Amen dico vobis, vigilate! Il faut veiller sur son coeur, il faut veiller sur ses sens, il faut veiller sur sa volonté, il faut veiller sur les occasions et les entraînements. De combien de pièges ne sommes-nous pas entourés? Amen dico vobis, vigilate.

2° Il faut prier. Au moment où il livrait ses luttes suprêmes, le divin Sauveur disait à ses apôtres endormis: Vigilate et orate, joignant les deux conseils ensemble, Vigilate et orate, ut non intretis in tentationem*; donc la prière est nécessaire au jeune homme et, s’il peut apprendre à prier, quels triomphes ne remportera-t-il pas? Qui me donnera un jeune chrétien qui prie? Et il me sera facile d’en faire un saint. Pourquoi? Parce que la prière lui attirera les forces nécessaires pour combattre et vaincre ses passions. Il prie et voilà que Jésus-Christ se met de son côté contre Satan et ses oeuvres. Il prie et des sentiments plus nobles se mettent dans son coeur. La prière fait descendre la grâce du ciel, la prière y fait remonter nos désirs.

3° L’austérité. L’amour du bien-être nous a envahis. On se croit fait uniquement pour la terre. On n’aspire qu’à une chose, à s’y bien trouver. Toutes les satisfactions sont préparées pour les sens. Est-il étonnant qu’ils en abusent? Et quant tout se fait pour les sens, il est bien difficile que quelque chose se fasse pour Dieu. Aussi, considérez ce jeune homme qui ne rêve que le plaisir; qu’on lui parle de Dieu; où est son amour? Qu’on lui parle du ciel, où sont ses désirs. Il se trouve bien sur la terre, et s’il s’y trouve mal, son rêve est de s’y bien trouver un jour. Sa jeunesse, si elle est laborieuse, n’aura de travaux qu’en vue de certaines jouissances du bien-être d’ici-bas. Vous êtes allés, il y a deux jours prier sur la tombe des maîtres et des camarades qui vous ont précédés dans cette maison. Que sont devenus ces corps auxquels quelques-uns avaient sacrifié l’innocence? Un peu de poussière, quelques ossements qu’il faut peu à peu entasser, pour faire place à d’autres cercueils renfermant de nouvelles dépouilles. La mort se charge de faire des places nouvelles et de laisser les tombes vides afin de placer des corps, objets de recherches et de jouissances souvent coupables. A quoi ont servi ces plaisirs, ces joies, ces satisfactions impures? La corruption et les vers en ont tiré la première vengeance, en attendant que la second soit réclamée par l’enfer. L’enfer, c’est la conséquence des mauvaises passions.

Ah! que la pénitence, l’austérité sont préférables pour vaincre les passions et nous éviter l’éternel supplice.

Vous veillerez, vous prierez, vous ferez pénitence, vous vaincrez vos passions et dans ces premiers triomphes, vous acquerrez le gage du triomphe éternel dans la grâce et la gloire de Dieu.

REFORME DU CARACTERE

Nous avons parlé des diverses perturbations apportées dans l’homme tout entier par le péché originel, de la dégradation de son intelligence, de sa volonté, de ses passions. Il résulte de toutes les diverses puissances de l’âme, un tout qui se modifie selon qu’elles sont plus ou moins développées, ou amoindries en nous. C’est comme un cachet imprimé sur toutes nos actions, par je ne sais quelle influence, sortie de nous, qui se combine avec des influences extérieures subies et qui forment ce qu’on appelle le

Notes et post-scriptum