OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE TEMPS DE LA SEPTUAGESIME

• OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE TEMPS DE LA SEPTUAGESIME
• [SAMEDI DE LA SEPTUAGESIME]
  PREMIER MEURTRE.
• Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 173-175.
• CO 5

• 1 CHATIMENT DU PECHE
  1 CONTRITION
  1 ENFER
  1 JUSTICE DE DIEU
  1 MEURTRE
  1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
  1 SCANDALE
  1 SEPTUAGESIME
  2 ABEL
  2 ADAM
  2 CAIN
• 1875

Vox sanguinis fratris tui clamat ad me de terra(1). Que s’est-il passé? Adam a eu deux fils. L’aîné a tué le plus jeune. Qu’est-ce donc? Faut-il que la mort entre dans le monde sous l’horrible forme du meurtre, d’un fratricide? Il n’est que trop vrai. Etudions ce qui suit.

I. La voix de Dieu se fait entendre: Ubi est Abel frater tuus(2)? Dieu veille sur l’innocent, il punit le meurtrier, sinon par la peine du talion, du moins par un châtiment plus terrible peut-être. La Providence divine se manifeste. Les coupables ont toujours intérêt à cacher leur faute, et, par une loi fatale, le mensonge est le fruit naturel du péché. Que répond Caïn à la question faite par Dieu? Nescio. Num custos fratris mei sum ego(3)? C’est bien là le crime dans sa brutalité, même envers Dieu. Nescio. Il le sait, lui, qu’il a tué, mais il a intérêt à mentir, et il ment. C’est pourquoi Dieu lui dit: « La voix du sang de ton frère crie vers moi de la terre. » Je t’avais interrogé afin de découvrir en toi quelques vestiges de repentir, mais puisque l’arrogance de ta réponse prouve que tu ne connais pas le remords, voilà que tu seras maudit: Nunc igitur maledictus eris super terram(4). Va partout; partout la terre qui a bu le sang de ton frère te refusera ses fruits; tu seras errant et vagabond sur la terre: Vagus et profugus eris super terram(5). Etrange destinée. Dieu ne le fera pas périr, il empêchera même qu’on attente à sa vie; il s’en ira, portant partout son crime, le signe que Dieu a posé sur son front, et l’horreur que son meurtre inspire à la postérité d’Adam.

II. Image effrayante, d’un meurtrier des âmes. Qu’ils sont nombreux aujourd’hui, et que leur crime est plus affreux que celui de Caïn. Caïn a tué le corps du juste Abel, mais Abel, image de Jésus-Christ, a sa part dans les cieux. Le corps a été la proie de la mort. L’âme, de toutes la première, présentée au tribunal suprême a été admise là où les patriarches attendaient la venue du Messie. Mais tuer une âme sans la détruire, lui infliger la mort éternelle par la séparation d’avec Dieu pour toujours, quel crime! Et dire que des religieux s’en sont rendus coupables! Est-il étonnant après cela que Dieu fasse tomber sa colère sur certaines communautés? Oui, des âmes sont tuées, le sang de Jésus-Christ ne leur sert de rien, et ceux qui devaient être des instruments de salut deviennent les suppôts de l’enfer et des ministres de damnation.

Seigneur, où en suis-je, et si je suis un second mais plus coupable Caïn, quel supplice ne mérité-je pas si je ne me hâte de faire pénitence?