OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE CAREME

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE CAREME
  • [VENDREDI APRES LES CENDRES]
    DU PECHE. -SES RAVAGES.
  • Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 194-197.
  • CO 6-7
Informations détaillées
  • 1 CAREME
    1 CULPABILITE
    1 IGNORANCE
    1 LACHETE
    1 PECHE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 VERITE
  • 1875
La lettre

Peccatum peccavit Ierusalem, propterea instabilis facta est(1).

L’âme pécheresse subit, à cause de ses péchés, les plus effroyables ravages. Je, veux en étudier quelque chose, afin d’en éprouver une horreur plus grande s’il est possible.

Le péché a trois sources principales: la faiblesse, l’ignorance, la malice.

I. Faiblesse du péché.

Je trouve bien souvent, ou je crois trouver une excuse à mon péché dans ma faiblesse. Mais est-ce donc là une excuse, et n’est-ce pas plutôt une occasion de rougir? Qu’est-ce qu’un homme faible? Un homme diminué, amoindri, un homme qui est moins homme en proportion qu’il est plus faible. La racine de virtus n’est-ce pas vir? Ma faiblesse m’amoindrit, me précipite vers la décadence, et je m’en fais un rempart pour me justifier quand je dis: J’ai été faible, c’est pourquoi j’ai péché. Autant vaudrait dire: J’ai cessé de mériter le titre d’homme.

Je me place au point de vue naturel. Mais dans l’ordre surnaturel n’est-ce pas bien autre chose, et ne suis-je pas très coupable, ayant la grâce, la force de Dieu à ma disposition, de dire que j’ai été faible? Si je l’ai été, c’est que je l’ai voulu, et alors où ne m’a pas entraîné cette faiblesse? A quelles dégradations? Toute impulsion extérieure me fait pencher. Je succombe à tout coup de vent. Quel triste édifice en ruines n’est pas mon âme, et je crois m’excuser en disant que je suis faible. Ah! faiblesse criminelle qui m’a peut-être fait rouler déjà au fond de l’abîme.

II. Ignorance, cause du péché.

Le pécheur croit se justifier en disant: Je l’ai fait sans le savoir. Ignorans feci. Mais quoi, le fond de l’âme n’est-ce pas l’intelligence? et l’intelligence ne nous a-t-elle pas été donnée pour connaître? O âme, tu as été créée pour un but intelligent et tu crois pouvoir te réfugier dans ton ignorance, quand ta première obligation était de connaître et de connaître ce qui était nécessaire à ton bonheur! O âme ignorante! qui t’excuses en disant que tu n’as pas connu, qu’es-tu donc sans la vérité? Peux-tu vivre sans vérité plus que l’animal sans air, le poisson sans eau? Mais si le poisson hors de l’eau, l’animal privé d’air sont condamnés à mourir, toi aussi sans vérité tu mourras, et c’est cette situation affreuse, parce qu’elle est volontaire de ta part, qui fait ton excuse! C’est comme si un insensé venait dire: « Excusez-moi si je n’y vois pas, mais j’ai résolu de fuir la lumière. » Quand tu dis: « Mon excuse est mon ignorance », tu dis: « Je trouve l’excuse de mon péché dans un péché plus grand encore », car, créée pour connaître Dieu et sa loi, ce qui est ta première obligation, si tu ne les connais pas, tu es avant tout inexcusable, et les maux dont ton ignorance est la source ne sont imputables qu’à toi, dans la mesure où Dieu t’appelait à la connaissance plus ou moins étendue de la vérité.

III. Malice du péché.

Mais quoi! je suis bien forcé de reconnaître que presque toujours, si je commets le péché, c’est que je veux le commettre. O Dieu! vous m’aviez fait pour vous, et moi je me défais en quelque sorte pour le mal, et je fais le mal parce que je veux le faire, par une pure malice. A force de me réfugier derrière ma faiblesse et mon ignorance, je finis par trouver très bon de pécher. Le péché me plaît; il est certaines espèces de péchés que je savoure, et quand on me les reproche, je réponds: « Eh bien! oui, c’est mal, mais je continuerai. »

O bonté de Dieu, vous souffrez une si horrible malice, mais vous la souffrez en vous retirant. Vous souffrez pour un temps, vous attendez votre heure. Que dirai-je, Seigneur, sinon que je suis bien coupable, que je commence à perdre le sens du bien et que, ma malice paralysant mes remords, je ne vois plus de quoi je ne serais pas capable.

Seigneur, arrêtez-moi avant que je ne sois arrivé à la dernière limite du mal. Je compte, Seigneur, sur votre immense miséricorde, qui réparera mes ruines. Benigne fac, Domine, in bona voluntate tua Sion, ut aedificentur muri Ierusalem(2).

Notes et post-scriptum
1. "Jérusalem a grandement péché, c'est pourquoi elle est devenue chancelante." (Thren. I, 8.)
2. "Seigneur, traitez favorablement Sion dans votre bonté, afin que les murs de Jérusalem soient bâtis." (Ps. I, 20.)