OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE CAREME

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE CAREME
  • SAMEDI APRES LES CENDRES
    [SUR L'EVANGILE DE LA FERIE: Marc. VI, 47-56]
  • Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 197-200.
  • CO 6-7
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 CAREME
    1 EGLISE
    1 ESPERANCE
    1 FOI
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    2 MARC, SAINT
  • 1875
La lettre

I. Admirable vigilance de Jésus! Il laisse ses disciples ramer seuls avec le vent contraire, mais il ne les quitte pas du regard. Il les laisse en apparence à eux-mêmes, mais il est là. Il ne s’éloignera pas.

Et c’est ce que nous voyons dans l’histoire de l’Eglise? Que de fois les païens, les hérétiques, les incrédules n’ont-ils pas semblé pouvoir dire aux vrais fidèles: « Où donc est votre Dieu? Ubi est Deus tuus? »(1) Et Dieu n’apparaît pas. Les disciples tièdes eux-mêmes disent: « Sperabamus(2): nous espérions! » Mais ils n’espèrent plus aujourd’hui. La foi s’est retirée, ou du moins elle est étonnée de se voir seule livrée à elle-même.

II. Pourtant Jésus est sur le rivage. Il surveille avec amour la nacelle, figure de son Eglise, et quand il sera temps, il saura bien s’en approcher. En effet, vers la fin de la nuit, c’est-à-dire vers la fin de l’épreuve, il se montre marchant sur les flots. Jésus-Christ foule en quel que sorte aux pieds la tempête, pour montrer qu’il en est le Maître, et il s’approche des siens, car, que les siens le voient ou ne le voient pas, il n’est jamais loin d’eux. Il fait semblant de vouloir les dépasser. Jésus-Christ est le Maître de la nuit, des flots, de la tempête, des hommes; mais, dans tout ce qu’il fait, il veut avant tout nous donner un enseignement, et nous montrer que toute l’industrie humaine est faible devant les combinaisons de sa Providence.

III. Toutefois, il permet qu’on le voie, mais ces hommes grossiers se figurent apercevoir seulement un fantôme. « Putaverunt phantasma esse et exclamaverunt. Ils crurent que c’était un fantôme et ils poussèrent des cris. » En combien de circonstances Jésus-Christ ne s’est-il pas montré à moi dans son action divine, et je ne l’ai pas reconnu! Pourquoi? sinon parce que je voulais rester avec mes pensées, mes combinaisons? Les disciples avaient laissé Jésus seul, et Jesus veut leur montrer le danger qu’il y a à ne pas attendre son moment; car, à moins que le divin Maître ne leur eût donné l’ordre de le laisser seul, quelle façon d’agir que de l’abandonner ainsi! C’est pourquoi il les atteint et les dépasse, pour leur prouver qu’il n’a pas besoin d’eux, et en même temps, dans sa miséricorde infinie, il seul laisse voir. Mais on croit que ce n’est qu’un fantôme, et l’on redoute la catastrophe. Jésus veut les rassurer: « Confidite, ego sum. Ayez confiance, c’est moi », leur dit-il, mais c’est bien inutile, ils ne le reconnaissent pas; sa voix leur semble celle d’un étranger.

IV. Jésus-Christ monte dans la barque; ils n’en sont que plus effrayés. « Et plus magis intra seul stupebant. Et ils s’étonnaient de plus en plus en eux-mêmes. » Cependant le vent avait cessé, mais leur coeur était aveuglé. Ils arrivent vers la terre de Génésareth, y amarrent leur barque, et alors ils le reconnaissent. Aussitôt ils vont chercher tous les malades voisins pour que Jésus pût les guérir, et Jésus les guérit. Etrange disposition du coeur humain et non moins étonnante destinée de l’Eglise! Semblable à son Fondateur, elle est successivement un objet d’abandon, de terreur, de confiance.

Seigneur, que du moins pour moi, et par votre grâce, ma confiance, ma foi ne soient jamais ébranlées! Que jamais je ne vous laisse seul, et que toujours je vous reconnaisse, surtout dans les épreuves que vous m’enverrez ou que vous enverrez à votre Eglise.

Notes et post-scriptum
1. Ps. XLI, 4, 11.
2. Luc. XXIV, 21.