OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR
  • JESUS TRAHI PAR JUDAS
  • Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 298-303.
  • CO 8
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 DIEU LE FILS
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EUCHARISTIE
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SAINTE COMMUNION
    1 TENTATION
    1 TRAHISON
    2 JEAN, SAINT
    2 JUDAS
  • 1875
La lettre

Ante diem festum Paschae(1). La Cène est terminée. Satan est entré dans le coeur de Judas pour lui faire trahir Jésus.

Sachant que son Père lui a remis tout entre les mains, qu’il vient de Dieu et qu’il retourne à Dieu, surgit a coena(2).

Considérons ce douloureux sujet, contemplons la trahison de Judas. Trois personnes se présentent dans ce drame lugubre: 1° l’instigateur; 2° le traître; 3° la victime.

I. L’instigateur.

Pourquoi Satan pousse-t-il Judas? Parce qu’il craint la fin de son règne. Il soupçonne Jésus d’être le Rédempteur; puis, il ne faut pas se le dissimuler, au fond de l’enfer Satan est esclave, le trompeur par excellence sera trompé à son tour. Telle est aussi la raison de sa haine contre moi. Aux grâces que j’ai reçues il me soupçonne appelé à la sainteté, et, dès lors, il redouble sa rage contre moi. Je suis baptisé, j’ai renouvelé les voeux de mon baptême, j’ai reçu par la Communion la visite de Jésus-Christ, j’ai fait les voeux de religion; que lui importe, il veut m’entraîner. Les tentations succéderont aux tentations, il a séduit Judas, un des douze, pourquoi ne me séduirait-il pas? Hélas! Quand je considère toutes les victimes que fait Satan, n’ai-je pas droit d’être effrayé? Et c’est au moment où Jésus donne aux hommes la plus grande marque de son amour par l’institution eucharistique que Satan pousse Judas à commettre le plus grand des forfaits. Et coena facta, cum iam diabolus misisset in cor(3).

Seigneur, sous une forme ou sous une autre, Satan n’a-t-il rien mis dans mon coeur? Ah! quelle affreuse question, si je n’ai pas toujours repoussé ses suggestions infernales! Hélas! quand je considère tant d’âmes entraînées, je me demande quel sort m’attend si je ne prends pas les résolutions les plus énergiques.

II. Le traître.

Saint Augustin donne trois caractères du crime de Judas: « Iam talis venerat ad convivium. Il était venu au banquet; explorator pastoris, espion du Pasteur; insidiator Savatoris, tendant des embûches au Sauveur; venditor Redemtoris, trafiquant du prix de son Rédempteur. »(4)

Explorator Pastoris. Oui, c’est un espion. Espion pour les ennemis de Jésus. Depuis son affreux marché, il épie tous les mouvements de son Maître ; il blâme, il critique tout, il éprouve le besoin d’être mécontent. Que de mauvais chrétiens font ainsi dans l’Eglise de Dieu! Ne serais-je pas exposé à faire ainsi?

Insidiator Salvatoris. Jésus vient nous sauver, et nous lui tendons des embûches, à lui, dans la personne des membres de son corps mystique. Que de lâches propos n’ai-je pas quelquefois tenus!

Venditor Redemptoris. Jésus répand son sang pour me racheter; je le recueille et je le vends à Satan. Je lui vends son corps par une communion indigne. Jésus lave les pieds à Judas après la Cène et Judas n’en rougit pas. Non, reprend saint Augustin: Talis venerat, il est venu dans ces dispositions. Et videbatur, Jésus, de son regard divin, plonge dans le coeur du criminel et en voit la putréfaction. Et tolerabatur, sa patience éternelle le supporte; et se ignorari arbitrabatur. Oui, j’irai, je croirai que Dieu ne me voit pas, et je livrerai la victime; mais cette victime, c’est une âme qui m’est confiée; c’est l’Eglise, dont je suis l’enfant et le ministre; c’est Jésus, mon Rédempteur.

O Jésus, que je meure mille fois plutôt que de vous faire jamais la victime de Satan.

III. La victime.

Sciens quia omnia dedit ei Pater in manus(5). Jésus sait que son Père lui a remis toutes choses entre les mains. Quelle majesté, quelle puissance dans le sentiment de ce que son Père lui a confié! Il regarde en quelque sorte du haut de sa divinité la rage de Satan et les pièges du traître. Sciens quia omnia dedit ei Pater in manus. -Ergo et ipsum proditorem. Donc, s’écrie saint Augustin, le traître lui-même est en ces mains divines.

O Jésus, tout vous appartient, jusqu’à vos ennemis, jusqu’à Satan, jusqu’à Judas. Vous vous en servez selon vos desseins mystérieux. O Jésus, que je sois entre vos mains, mais comme votre serviteur de choix, comme votre disciple aimé et non pas comme le traître. Nam si eum in manibus non haberet non utique illo uteretur ut vellet. S’il ne l’avait pas entre les mains, il ne s’en servirait pas à sa volonté. Aussi, poursuit notre Docteur: Iam traditor traditus erat, voilà le traître trahi. La trahison servira à des fins divines, et Satan sera l’instrument humilié du salut du genre humain. Sciebat enim Dominus quid faceret pro amicis qui tam patienter utebatur inimicis(6), il savait, ce bon Maître, ce qu’il ferait pour ses amis, lui qui se servait si patiemment même de ses ennemis.

Suis-je, ô mon Dieu, traître ou victime? O Jésus, que jamais la pensée de la moindre trahison n’effleure mon coeur! Etre victime avec vous, voilà ce que je vous demande; m’immoler pour vous, réparer les sacrilèges dont votre amour pour moi vous rend l’objet, être, s’il le faut, victime avec vous, trahi pour vous, pour être sauvé et racheté par vous.

Notes et post-scriptum
6. Voici la traduction suivie des passages de saint Augustin cités par le P. d'Alzon: "C'est dans cette pensée [de trahir son Maître] que Judas s'était rendu à ce repas; il venait observer son Pasteur, dresser des embûches à son Sauveur, vendre son Rédempteur. Tel était son dessein. Jésus le voyait et le supportait, et Judas s'imaginait que son dessein était ignoré...
*Jésus sachant que son Père avait tout remis entre ses mains*: donc le traître lui-même. Car si Dieu ne l'avait remis entre ses mains, le Sauveur n'aurait pu s'en servir comme il le voulait. Le traître était donc déjà livré au pouvoir de celui qu'il voulait trahir... Car le Seigneur savait bien ce qu'il devait faire pour ses amis, lui qui utilisait si patiemment ses ennemis." (S. Aug., in Ioan. Evang. Tract. LV, 4, 5.)1. "Avant la fête de Pâques." (Ioan. XIII, 1.)
2. "Il se leva de table." (Ioan. XIII, 4.)
3. "Et après le souper, le diable ayant déjà mis dans le coeur de Judas... [le dessein de trahir Jésus]." (Ioan. XIII, 2.)
4. S. Aug. Tract. LV *in Ioan, circa medium*.
5. "[Jésus] sachant que le Père avait remis toutes choses entre ses mains." (Ioan. XIII, 3.)