OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR
  • SAINT PIERRE RENIE JESUS
  • Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 303-307.
  • CO 8
Informations détaillées
  • 1 CONTRITION
    1 INGRATITUDE
    1 LACHETE
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 ORGUEIL
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 TRAHISON
    2 JEAN, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
  • 1875
La lettre

Voilà le chef des apôtres, la pierre sur laquelle l’Eglise devait être bâtie, celui qui a déclaré qu’il n’abandonnera pas son Maître. Et pourtant, il le renie. « Non novi hominem: Je ne connais pas cet homme. »(1) Dans ce reniement, je méditerai sur trois circonstances principales: 1° la présomption; 2° la faiblesse; 3° l’ingratitude de saint Pierre; 4° enfin son retour et sa pénitence.

I. Sa présomption.

N’est-ce pas Pierre qui, lorsque Jésus a annoncé qu’il serait abandonné de tous, s’est écrié: Etiam si oportuerit me mori tecum non te negabo(2)? Jésus lui annonce sa chute, mais il n’en veut rien croire; il est si sûr de son courage! Jésus a été conduit chez le grand-prêtre; il veut le suivre. C’est l’amour, sans doute, mais aussi la curiosité. Ajoutez le besoin de parler, lorsqu’il eût mieux fait de garder le silence, ce qui le fait reconnaître à son accent.

Vous comptez sur vous, vous savez que vous résisterez, vous le dites du moins. Eh! Seigneur, que de fois ne l’ai-je pas dit? Et que de fois cette présomption n’a-t-elle pas amené les chutes les plus honteuses? Hélas! que de fois n’ai-je pas été présomptueux?

II. Sa faiblesse.

Qui fait tomber saint Pierre? une servante, ancilla ostiaria, une portière. Hélas! en faut-il plus pour abattre bien des courages. Que de fois n’ai-je pas rougi de vous, ô mon Dieu! Un regard, un sourire, une plaisanterie, et je succombais avec la plus déplorable faiblesse. Certes, les prétextes ne me manquent pas. Je ne veux pas me singulariser, je suis au milieu de relations bonnes, après tout, puis à quoi bon me compromettre? Et les lois de l’Eglise, et les droits de Jésus-Christ seront méconnus. Quant à l’esprit chrétien, n’en parlons plus. Il y a la pression du monde, de ses maximes, de ses exigences, de ses passions, de ses moeurs. Il est vrai que, même pour moi, au delà des lois de l’Eglise et de Dieu, au delà des exigences humaines, il y a les conseils évangéliques; mais que sont les conseils évangéliques quand on a commencé à rougir de Jésus-Christ? Et que de façons de rougir! De même que, dans le monde, il y a divers degrés de corruption, de même dans le cloître il y a divers degrés, soit de relâchement, soit de perfection. L’on y trouve aussi ceux qui veulent tout concilier, et qui, sous prétexte que la charité exige des concessions, se compromettent et sont ensuite tout surpris de s’être laissé entraîner. Malheureusement, le mal était fait.

Eh bien! mon Dieu, où en suis-je à cet égard? Suis-je des fervents? des relâchés? des concessionnaires? N’ai-je pas mille et mille fois lâché pied? Disons le mot, n’ai-je pas rougi de vous? Ne vous ai-je pas renié? Eh! quoi, ce n’était peut-être pas en matière grave, c’était pourtant en matière de décadence pour ma communauté. Et voilà à quoi a abouti ma présomption.

III. Son ingratitude.

Et qui renie? Le disciple chef des autres. Il renie son Maître, celui qui lui avait fait de si magnifiques promesses. Jésus a déclaré que par lui il confirmerait ses apôtres. Mais qu’importe à Pierre? Il y a là un danger plus ou moins réel, car on ne le poursuivait pas. Ceux qui connaissaient Jean, placé à deux pas de Pierre, le connaissant mieux, savaient qui il était et ne lui suscitaient pourtant aucun ennui; mais le respect humain est là, et Jésus sera renié. C’est horrible, et tel est bien souvent mon procédé envers Jésus. Suis-je allé jusqu’aux imprécations de Pierre: Tunc coepit detestari et iurare quia non novisset hominem(3). Non, peut-être. Mais le joug religieux ne ma-t-il jamais pesé quand j’avais un devoir catégorique à accomplir?

O Jésus, je vous ai abandonné quand il fallait me mettre de votre côté avec le plus de courage.

IV. Son repentir.

Mais Jésus voit le fond du coeur de cet homme si faible, il le regarde: Et conversus Dominus respexit Petrum(4). Et le coeur de Pierre est touché: et egressus foras flevit amare(5). Il n’en faut pas davantage; le coeur de Pierre est transpercé par le Coeur de Jésus, et sa chute sera désormais l’aiguillon de son zèle.

O Jésus, que de fois je vous ai trahi, renié; qu’il n’en soit plus ainsi désormais, que je ne rougisse plus de vous, mais que, détestant mon respect humain passé, je lave dans les larmes de l’amour la honte de mes reniements.

Notes et post-scriptum
1. Matth. XXVI, 72.
2. "Quand même il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point." (Matth. XXVI, 35.)
3. "Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu'il ne connaissait pas cet homme." (Matth. XXVI, 74.)
4. "Et le Seigneur, s'étant retourné, regarda Pierre." (Luc. XXII, 61.)
5. "Et [Pierre] étant sorti dehors pleura amèrement." (Luc. XXII, 62.)