OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS SUR LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR
  • COMPASSION (1)
  • Méditations sur la Perfection Religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 307-313.
  • CO 8
Informations détaillées
  • 1 ANNONCIATION
    1 COEUR DE MARIE
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 MARIE NOTRE MERE
    1 MERE DE DIEU
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PURETE DE MARIE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE FORCE
    2 JEAN, SAINT
    3 JERUSALEM, GOLGOTHA
  • 1875
La lettre

Stabant autem iuxta crucem Iesu Mater eius…(2). Jésus est suspendu à l’arbre de la croix. Tous les apôtres, un seul excepté, ont pris la fuite. Jean est resté fidèle et silencieux. L’amitié de Jésus l’a retenu de son charme divin. Que de sujets de contemplation! Arrêtons-nous un instant à l’amour de Marie, et étudions-en les principaux caractères: 1° sa compassion; 2° son respect; 3° son courage; 4° son obéissance.

I. Sa compassion.

Que ne souffre-t-elle pas en voyant Jésus réduit à un pareil état. C’est une mère, tout ce qu’il y a de plus aimant dans la nature. Cette mère est condamnée par l’amour à voir expirer son Fils. Elle veut rester là jusqu’à ce que son dernier soupir ait été rendu. Elle ne voudrait pas être arrachée à un pareil spectacle, et ce spectacle est son supplice. Où souffrirait-elle plus? En s’éloignant ou en restant? Tout est une douleur à ce coeur de mère. C’est une mère, la plus parfaite des créatures, par conséquent de toutes la plus délicate dans ses impressions. Nul ici-bas n’est capable comme Marie de jouir de son titre de mère, nul plus capable d’en souffrir. Ce sont de ces circonstances douloureuses où la perfection même devient un accroissement à la douleur. Personne n’a subi les angoisses de Jésus, personne n’a eu ses tristesses, ses brisements; son corps ici-même, temple de son âme, y a participé. Or, voilà la Femme bénie entre toutes les femmes, condamnée à trouver un supplice plus affreux dans son privilège plus grand. Marie est une mère, la plus sainte des mères, mais au pied de la croix. Le fruit admirable qui y est suspendu est le plus beau des enfants des hommes, l’Homme-Dieu. Seule de toutes les créatures, Marie voit son Dieu dans son Fils, et il lui est non seulement permis, mais il lui est ordonné d’aimer son Fils comme son Dieu. Voilà à quoi elle s’était exercée, avec le coeur de mère le plus grand, le coeur de vierge le plus pur, dès le premier instant de l’Annonciation. Quel accroissement avait pris cet amour dans les dispositions de cette nature exquise et dans les habitudes de la maternité, et sous l’action d’un Dieu qui, ayant pris cette créature pour l’aimer au-dessus des autres, avait voulu lui donner le pouvoir d’aimer plus que tout autre être sorti des mains créatrices. Amour de mère, amour de la Mère la plus parfaite des mères, amour de la Mère d’un Dieu, amour de mère multiplié par toutes les grâces qu’un Dieu est capable de verser dans le coeur de celle qu’il a prise pour sa mère, tel était le coeur de Marie, et tel était son bourreau au moment de la mort de Jésus. plus Marie était parfaite, plus elle souffrait; plus l’objet divin de son amour était ineffable, plus il faisait souffrir Marie. Sur le Calvaire, je me représente le Coeur de Marie et le Coeur de Jésus comme deux foyers qui se renvoient la souffrance, ainsi qu’on place, en face l’un de l’autre, deux foyers qui se renvoient la lumière. La douleur, partant du coeur de l’un pour aller au coeur de l’autre, prenait, par l’effet de l’amour, d’inexprimables proportions. J’adore Jésus, augmentant silencieusement ses douleurs de toutes celles qu’il fait endurer à sa Mère. J’admire Marie acceptant ces douleurs qui viennent s’ajouter aux siennes, puisqu’elle songe qu’elle est un surcroît de souffrances pour Jésus, et acceptant d’être la créature par qui Jésus souffre le plus, parce qu’elle est la plus aimée.

Je me perds et dans la profondeur de ces souffrances et dans les abîmes de ces amours. Mais après tout, pourquoi? O Jésus, ô Marie, c’est pour moi que vous souffrez ainsi; quand donc, à mon tour au pied de la croix, à côté de Marie, apprendrai-je à souffrir toujours plus, en m’exerçant à aimer davantage.

II. Respect de Marie à la croix.

Quels opprobres n’accepte pas Marie sur la montagne du Calvaire! N’y eût-il que les clameurs des pharisiens contre Jésus, c’en serait bien assez. Les soldats s’y mêlent, la populace continue ses hurlements, et elle, la voilà, la Mère du supplicié, auprès de l’instrument du supplice. Le reste des parents et des connaissances se tenaient loin: Stabant omnes noli eius a longe(1), c’était un groupe de prudents et de trembleurs.

O Marie, votre courage maternel ne connaît point ces alarmes; plus votre Fils est insulté, plus vous tenez à le reconnaître pour votre Dieu, et vos souffrances pour moi s’expliquent par la grande mission que vous accomplissez en ce moment. Vous adorez et vous aimez, au nom de la création et des hommes. Jésus n’a plus besoin d’amour et d’adoration quand vous êtes là. De ces deux sentiments se forme le culte d’honneur, de louange, de respect que vous lui rendez. C’est ce caractère de respect que revet votre silence; mais la foi, en m’apprenant que nulle créature n’a aimé et adoré comme vous, m’apprend par quel culte de respect vous dédommagez Jésus de tous les opprobres dont il est couvert. O Marie, apprenez-moi à lui offrir un culte semblable, afin de réparer mes irrévérences passées et de pouvoir aussi le dédommager de celles que d’autres lui font subir.

III. Courage de Marie.

Noti autem aspiciebant a longe: ses connaissances regardaient de loin. Que se passe-t-il donc? La plus aimante, la plus respectueuse des créatures est ici la plus courageuse. Elle ne craint pas d’aller à Jésus, malgré tout ce qui eût pu l’en détourner. Cette tribulation ne lui est qu’un aiguillon de plus.

O Marie, en face de ce courage maternel, je veux me poser cette question: N’ai-je jamais rougi de Jésus? Je veux que vous soyez le témoin de mes résolutions de courage au service de votre Fils. Votre pose au pied de la croix sera mon modèle. Vous ne vous livrez pas aux transports d’une douleur qui serait après tout bien naturelle. Vous êtes debout dans votre force, vous ne faites éclater aucun cri, vous êtes debout et silencieuse. Votre douleur n’en est que plus grande à mesure qu’elle est plus concentrée. Mais si votre Fils vous l’a faite plus profonde, il vous l’a faite aussi plus généreuse. O Marie, que dans toutes mes épreuves je montre votre courage et votre générosité.

IV. Obéissance de Marie.

Jésus est son Dieu et son Fils. Comme Fils, il doit pourvoir à sa mère, et dans le testament de Jésus, je vois la pensée de sa tendresse pour le disciple bien-aimé; il lui confie sa Mère.

O Jésus, apprenez-moi à prendre les intérêts de Marie. O Marie, apprenez-moi à obéir comme vous à Jésus, disposant d’un mot du reste de votre vie.

Jésus a dit à Jean: Ecce mater tua(4), et dès ce jour Jean reçoit Marie dans sa maison. Mais Jésus a dit à Marie: « Voilà votre fils », et l’Eglise entière regarde Jean comme le représentant de l’humanité. O hommes, voilà votre mère. Vous me donnez la mort, et après m’être livré pour vous, je vous offre le coeur le plus aimant, le coeur de ma Mère. Et Marie obéit, et son obéissance va jusqu’à accepter pour enfants les bourreaux de son Fils, car les soldats romains n’ont été que des instruments; les vrais bourreaux, ce sont les pécheurs.

O Marie, dans un immense cffort d’amour obéissant, vous nous acceptez avec une tendresse maternelle, vous nous adoptez. Qu’à partir de ce jour mon coeur accepte pour frères tous ceux que Jésus voudra, et que mon obéissance à vaincre ce qui me répugnerait prenne pour modèle votre obéissance à Jésus, qui adopte ceux qui lui ont donné la mort.

Notes et post-scriptum
1. En plaçant ici cette méditation, le P. d'Alzon a interrompu l'ordre des événements pour suivre l'ordre liturgique. Elle est destinée, en effet au vendredi de la Passion, où l'Eglise commémore Notre-Dame des Douleurs.2. "Près de la croix de Jésus se tenaient sa Mère..." (Ioan. XIX, 25.)
3. "Tous ceux de sa connaissance se tenaient à l'écart." (Luc. XXIII, 49.)
4. "Voici votre mère." (Ioan. XIX, 27.)