OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE
  • DIXIEME JOUR
    ENCORE L'ANNONCIATION DE MARIE
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 383-389.
  • BH 5.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 ANNONCIATION
    1 DIEU LE PERE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 EPOUSE DU SAINT-ESPRIT
    1 ESPERANCE
    1 GRACE
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE
    1 MERE DE DIEU
    1 MOIS DE MARIE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PRUDENCE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REGNE
    1 SAUVEUR
    1 TRINITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 ELISABETH, SAINTE
    2 GABRIEL, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 LUC, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
  • 1875
La lettre

Marie fille du Père, mère du Fils, épouse du Saint-Esprit.

Entrons par la pensée dans cet étonnant dialogue de l’ange avec Marie, et voyons, non par ordre(1), mais selon que le récit évangélique nous le fera connaître, comment Marie entre en un rapport admirable avec la Trinité tout entière; de telle façon qu’avec l’Eglise nous saluons la fille du Père, la mère du Fils, l’épouse du Saint-Esprit.

[I]. L’ange Gabriel est envoyé à Marie; il la salue en ces termes: Ave, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus(2). La grâce vient de Dieu, et la grâce spéciale qui est accordée à Marie pour l’accomplissement de l’oeuvre qu’on lui propose, c’est le privilège de devenir la Mère de Dieu.

Qu’est ceci? Aucune créature n’a été élevée si haut. Dieu a un privilège incommunicable, c’est d’engendrer son Fils de toute éternité; Marie aura ce privilège incommunicable de concevoir ce même Fils et de l’enfanter. Mais la puissance d’une simple créature ne va pas jusqu’à donner le jour à un Dieu; la créature a besoin d’un secours divin, aussi l’ange ajoute: Dominus tecum, et quand c’est un envoyé du ciel qui prononce cette parole ce n’est pas d’une simple salutation qu’il s’agit, c’est une affirmation positive que l’on exprime. Oui, le Seigneur est avec elle, soit pour la faire concevoir et enfanter, soit pour lui donner la force de concourir à ce prodige, qui va l’inonder de bénédictions: benedicta tu in mulieribus.

Marie ne répond rien, tant elle est troublée. L’ange poursuit: Ne timeas, Maria, invenisti enim gratiam apud Deum(3). Dans son trouble, elle est rassurée par Gabriel, elle a trouvé grâce auprès de Dieu. Ecce concipies in utero et paries Filium et vocabis nomen eius Jesum(4).

Le mystère se dévoile, le Désiré des nations va enfin paraître, et ce sera dans le sein béni de Marie qu’il prendra naissance, et il s’appellera Jésus, c’est-à-dire Sauveur. Il sera le Sauveur du monde: Hic erit magnus, et Filius Altissimi vocabitur(5). Voilà le Fils du Très-Haut, en même temps fils de Marie. Il sera le fils de Marie et il sera en même temps le Fils du Très-Haut. C’est donc dans le sein de Marie que se consomme cette première union de la nature divine et de la nature humaine.

N’allons pas plus loin, car nous serions entraînés par les prophéties de l’ange dont il n’y a pas à s’occuper ici, sinon pour dire que le règne de Jésus-Christ est éternel dans l’âme qui veut s’y soumettre: et regni eius non erit finis(6). Un règne sans fin du Sauveur dans une âme qui s’abandonne à lui, voilà le prodige, voilà la grandeur, voilà l’amour du Sauveur des hommes.

[II]. Maintenant Marie demande par quel prodige cela se fera? Cela se fera par la grâce du Sauveur, et quand un Dieu met la main à son oeuvre de choix, il serait bien étonnant qu’elle ne fût pas merveilleuse. C’est ici qu’il faut scruter, avec toute l’attention dont nous sommes capables, les paroles de l’ange, qui soulèvent, du mystère, tous les voiles qui peuvent être écartés. Recueillons-nous et écoutons: Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit tibi, ideoque quod nascetur ex te Sanctum vocabitur Filius Dei(7). Example d’Elisabeth: quia non erit impossibile apud Deum omne verbum(8). Elevons-nous au-dessus des lois de la nature. Celui qui comme Dieu n’a qu’un père, comme homme veut n’avoir qu’une mère. Mais Dieu engendre son Fils par sa toute-puissance. Quant à Marie, elle sera l’instrument du prodige, mais ne l’accomplira pas. Que dire? Voici l’explication de l’ange. Voyez semble-t-il dire, l’action de la Trinité tout entière: Spiritus sanctus superveniet in te, l’Esprit-Saint viendra en vous: voilà la troisième personne. Et virtus Altissimi obumbrabit tibi, la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre: voilà bien la première. En effet, la chose sainte qui naîtra de vous sera appelée le Fils de Dieu: ideoque quod nascetur ex te Sanctum vocabitur Filius Dei. Celui que l’ange appelait plus haut le Fils du Très-Haut est appelé [ici] le Fils de Dieu, non pas le Fils du Saint-Esprit, mais le Fils du Père, Dieu par nature comme lui: vocabitur Filius Dei. Marie est la première fille d’adoption du Père. Nous venons après.

La naissance du Fils de Dieu dont elle est la mère selon la chair a lieu par l’opération du Saint-Esprit.

[III]. Mais quelque chose de semblable ne se passe-t-il pas en nous, si nous le voulons? Est-ce que Jésus-Christ ne nous dit pas que nous devons être les fils de notre Père: ut sitis filii Patris vestri(9)? Nous sommes donc nous aussi les fils du Père, puisque Jésus-Christ est notre frère: vade autem ad fratres meos. Voyez, nous sommes frères de Jésus-Christ. Et dic eis: ascendo ad Patrem meum et Patrem vestrum, Deum meum et Deum vestrum(10). Nous sommes de la famille de Jésus-Christ; nous avons le même père qui est Dieu; nous avons le même frère, Jésus-Christ; nous avons le même Esprit, par qui la charité est répandue dans nos âmes. Et s’il en est ainsi, qu’avons-nous à faire qu’à devenir dignes d’un pareil Père, d’un pareil Frère et d’un pareil principe d’amour?

Considérons par ce côté la merveille de la réponse de Marie. Elle voit, ouvert devant elle l’abîme de la Trinité adorable: Spiritus Sanctus; Virtus Altissimi; Filius Dei; et elle s’y plonge.

Tel est l’état d’une âme dont le progrès dans la perfection est un perpétuel commencement: Ecce ancilla Domini. Oui, je m’abandonne dans l’humilité, dans l’obéissance, mais aussi dans la confiance, et c’est pourquoi, si je veux entrer dans la vie de la foi et de la sainteté, je dois, étant prises les précautions de la prudence, m’y livrer avec un abandon complet. Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum.

Et ces prodiges s’accompliront en moi, si je le veux. Mon Dieu, donnez-m’en la grâce, et faites que tout en moi soit vôtre. Ainsi-soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon veut dire qu'il ne s'astreindra pas à suivre l'ordre de la division annoncée au début. Il n'a marqué aucun arrêt dans le développement de sa pensée ni aucun point de méditation. Nous indiquerons trois divisions entre crochets, selon ce qui nous a paru le plus rationnel, pour la plus grande commodité du lecteur.2. "Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes." (Luc, I, 28.)
3. "Marie, ne craignez pas, car vous avez trouvé grâce auprès de Dieu." (Luc. I, 30.)
4. "Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils, et vous l'appellerez Jésus." (Luc. I, 31.)
5. "Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut." (Ibid., 32.)
6. "Et son règne n'aura point de fin." (Ibid., 33)
7. "L'Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très- Haut vous couvrira de son ombre: c'est pourquoi le (fruit) saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu." (Ibid., 35.)
8. "Car il n'y a rien d'impossible à Dieu." (Ibid., 37.)
9. "Afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux." (Matth. V, 45.)
10. "Va vers mes frères et dis-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu." (Ioan. XX, 19.)