OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE
  • ONZIEME JOUR
    VISITATION DE LA SAINTE VIERGE
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 389-394.
  • BH 5.
Informations détaillées
  • 1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 MOIS DE MARIE
    1 ORGUEIL
    1 OUBLI DE SOI
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECONNAISSANCE
    1 RESPECT
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SAINTETE
    1 SERVIABILITE
    1 VISITATION DE MARIE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 ELISABETH, SAINTE
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 LUC, SAINT
    2 ZACHARIE
    3 JUDEE
  • 1875
La lettre

En ces jours, Marie se levant s’en alla avec hâte dans les montagnes de la Judée (1). 1° Ici, Marie allant au-devant d’Elisabeth est le modèle des relations prévenantes. 2° Elisabeth saluant Marie avec tant d’humilité est le modèle des relations reconnaissantes. 3° Marie et Elisabeth, modèles, toutes les deux, des relations saintes.

I. Relations prévenantes.

C’est une disposition générale des orgueilleux et des vaniteux de vouloir rester dans leur dignité. Ils croient de leur honneur d’attendre qu’on les prévienne. Les saints n’agissent pas ainsi; ils vont au-devant de ceux qui sont moins qu’eux. Jésus-Christ, quand [il] sauva le monde, alla au-devant des pécheurs, et Dieu, quand il a voulu créer l’univers, est allé au-devant du monde et de toutes ses créatures. Ainsi Marie. Elle n’a pas attendu, elle, la Mère de Dieu, qu’Elisabeth vienne la saluer, il lui suffit que l’ange lui ait appris qu’Elisabeth, dans un âge avancé, allait mettre au monde un fils, elle se hâte, et, enceinte elle-même, elle va dans les montagnes de la Judée, et la Mère d’un Dieu s’empresse d’aller sanctifier dans le sein de sa mère le plus grand des enfants des hommes.

Que de bien ne ferait-on pas par des avances chrétiennes! Certes, la solitude est bonne à une certaine vie de perfection, mais, quand on est appelé à une vocation de charité, c’est bien le moins qu’on sache se donner sans tenir aucun compte de ses ennuis personnels. Il ne s’agit point de savoir si les relations d’une certaine espèce sont agréables ou non, il s’agit de voir si l’on veut être, non pas apôtre en public, mais apôtre en particulier, c’est-à-dire si à l’action extérieure on veut joindre l’action intérieure, dans laquelle on fait un si grand bien à ceux qui veulent en profiter. Mais pour cela il faut vouloir faire abstraction de soi; il faut se mettre entièrement à la disposition de Dieu et se faire son humble instrument sur les âmes.

Méditons sur le cas que Marie faisait d’Elisabeth, mère de Jean. Sans doute, une lumière l’avait illuminée sur ce que Jean serait un jour. Or, il y avait là une préparation éloignée très importante, et Marie, par sa visite à sa vieille parente, travaille à cette oeuvre où elle concourra avec le Saint-Esprit.

Autre leçon non moins belle: Marie jeune fille prévient sa parente plus âgée. Enseignement admirable, où nous est montré comment doivent s’assouplir et la fausse timidité, et la raideur, et l’esprit indépendant des personnes plus jeunes en face des plus âgées.

II. Relations reconnaissantes.

Marie a salué Elisabeth. Mais quelle touchante [réponse] Elisabeth lui adresse aussitôt! Ah! vous êtes bénie entre toutes les femmes(2). Les mêmes paroles que celles de l’ange. C’est qu’en effet elle est remplie du Saint-Esprit: repleta est Spiritu Sancto Elisabeth.(3). Ainsi le Saint-Esprit a rempli Elisabeth de reconnaissance et de charité. C’est qu’elle n’est point jalouse du privilège de sa cousine. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. Elle sait bien que son fils est sanctifié par le Saint-Esprit, mais elle sait qu’elle le doit à la visite de Marie et au voisinage de Jésus. Le fruit des entrailles d’Elisabeth est sanctifié par le fruit des entrailles de Marie. Ainsi les deux enfants cachés dans le sein de leur mère, Jésus par sa vertu propre, Jean par l’action du Saint-Esprit, se reconnaissent et se saluent. Et Elisabeth accepte son infériorité et l’infériorité de son fils en présence du Fils de Marie.

Que de sentiments délicats dans les dispositions d’Elisabeth! Quelle humilité profonde! Comme elle s’incline devant sa jeune parente, comme elle accepte d’être moins bien partagée qu’elle! Comme elle se plaît de lui devoir la sanctification de son fils! Ut facta est vox salutationis tuae in auribus meis, exultavit in gaudio infans in utero meo(4). Et par un retour sur Zacharie, frappé de mutisme à cause de son doute sur les promesses de l’ange: Ah! vous êtes heureuse, vous qui avez cru, beata quae credidisti(5). Bonheur de la foi! Bonheur de se fier à la parole de Dieu: beata quae credidisti. Pourquoi? Parce que s’accompliront en vous toutes les choses que le Seigneur vous a fait annoncer: Et beata quae credidisti, quoniam perficientur ca quae dicta sunt tibi a Domino(6).

Certes, voilà des paroles dépouillées de tout sentiment personnel. C’est la gloire de Marie qu’Elisabeth célèbre, c’est la joie de Jean dans le sein maternel, c’est l’avenir de Jésus, fruit des entrailles de Marie. Quand des sentiments semblables nous animeront-ils dans nos relations avec les personnes à qui nous devons faire du bien?

III. Relations saintes.

Le monde s’en va en décomposition. Pourquoi? Parce qu’il perd l’esprit chrétien. Parce que chaque chrétien ne fait pas tout ce qu’il pourrait pour sanctifier une à une les âmes sur lesquelles il a quelque influence.

Il est bien inutile de dire: je ne puis pas. Sans doute, que pouvons-nous? Mais Dieu est là, si nous le lui demandons. Et que faut-il faire pour rendre les relations saintes? Avoir le désir de faire du bien aux âmes, comme Marie envers Elisabeth et envers Jean. Savoir recevoir le bien qu’on nous fait, comme Elisabeth dans sa reconnaissance envers Marie. Parler de Dieu et de Jésus-Christ, comme les deux saintes cousines: Et beata quae credidisti, dit Elisabeth. Et Marie: Fecit mihi magna qui potens est(7).

Leur conversation est courte, du moins ce que nous en a conservé l’Evangile; mais que le peu que nous connaissons suffit! Ainsi devons-nous faire, et nous accomplirons des prodiges de sanctification sur nous et sur les autres.

Notes et post-scriptum
1. "*Exurqens autem Maria, in diebus illis abiit in montana cum festinatione*." (Luc. I, 39.)
2. "*Benedicta tu inter mulieres et benedictus fructus ventris tui*." (Luc. I, 42.)
3. Luc I, 41.
4. "Dès que votre voix a frappé mon oreille quand vous m'avez saluée, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein." (Luc. I, 44.)
5. Ibid. 45.
6. Ibid.
7. "Celui qui est puissant a fait en moi de grandes choses." (Luc. I 49.)