- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE
- VINGT-TROISIEME JOUR.
COMPASSION - Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 445-450.
- BH 5
- 1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
1 CROIX DE JESUS-CHRIST
1 FOI DE LA SAINTE VIERGE
1 HUMILITE
1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
1 JERUSALEM, GOLGOTHA
1 MERE DE DIEU
1 MOIS DE MARIE
1 MORT DE JESUS-CHRIST
1 PASSION DE JESUS-CHRIST
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
1 VERBE INCARNE
2 JEAN, SAINT
2 MARC, SAINT
2 PILATE
2 SIMEON, VIEILLARD - 1875
L’heure du sacrifice est venue. Jésus va être immolé et Marie partagera ses douleurs. Quelques auteurs prétendent que Jésus, qui avait demandé à Marie la permission de prendre un corps dans ses chastes entrailles, lui demanda la permission de mourir. Il lui aurait ensuite permis d’assister à la Cène. Ces détails sont touchants, sans doute, et rien ne s’oppose à ce que la piété s’en nourrisse. Mais nous avons assez du récit de l’Evangile pour comprendre combien Marie a souffert. Etudions-la soit pendant les supplices de Jésus, soit à sa mort.
I. Marie pendant les supplices de Jésus.
Que Marie connût que Jésus lui serait une source des douleurs les plus vives, cela est certain. La prophétie de Siméon était là, glaive cruel qui menaçait sans cesse de s’enfoncer dans ce coeur maternel. Or, les apôtres étaient prévenus de la mort de Jésus, pourquoi Marie l’eût-elle ignorée? On dit qu’elle fut repoussée des tribunaux. Cela se comprend. Mais on comprend aussi que cette mère était trop préoccupée de ce qui était réservé à son Fils pour qu’elle ne cherchât pas à le voir à ses derniers moments. Certes, cette douleur était prévue, mais combien la vue de ce qu’un Homme-Dieu peut souffrir ne dépassait[elle] pas ses appréhensions! Ce qu’elle voit lui fait deviner le reste.
Mais pourquoi parler et de ce qu’elle voit des yeux de son corps et de ce que son amour maternel lui fait supposer? Est-ce que Jésus lui-même ne lui donne pas le sens de ses souffrances? Ce qu’elle voit, c’est Jésus-Christ qui le lui montre. Le funèbre cortège s’avance vers le lieu où Pilate prononcera les paroles solennelles: Voilà l’homme, voilà votre roi: Ecce homo! Ecce Rex vester!(1) Et Marie verra se réaliser d’une cruelle façon la parole de l’ange. Oui, voilà bien l’homme qu’elle a enfanté. Mais quoi! est-ce bien le roi qu’on lui avait annoncé? Il a un sceptre de roseau, une couronne d’épines, un manteau de pourpre, mais quelle dérision! Bientôt il sera dépouillé de tout cet appareil. Et pourquoi? Pour être crucifié. Marie voit l’adorable victime sous le poids d’un fardeau écrasant et ignominieux. Elle ne la peut soulager. Jésus-Christ est livré aux bourreaux et ses mains [à elle] ne le peuvent soutenir. Jésus et Marie ne se rencontrent que du regard, et quel regard du Fils à la mère!
Or, cette douleur est celle de la mère d’un Dieu. Pour si profonde qu’elle soit, elle est pleine d’une majesté divine. Mais quelle douloureuse correspondance dans ces deux douleurs! Tout ce que Jésus ressent a son contrecoup dans Marie.
Ah! l’union de la douleur de Marie à la douleur de Jésus est bien l’enseignement de la manière dont je dois m’unir au Fils et à la Mère dans cet effroyable moment.
II. Marie à la mort de Jésus.
Le voilà arrivé au sommet du Calvaire. D’abord, Marie écartée regarde de loin, ainsi que Jean et les saintes femmes: de longe aspicientes(2). Puis Marie a vu la croix déposée par terre Jésus étendu sur l’instrument du supplice; elle a entendu le bruit des marteaux enfonçant les clous dans les mains et les pieds sacrés de son Fils; elle a contemplé la victime par excellence élevée entre le ciel et la terre, la croix retombant lourdement dans le creux préparé pour en recevoir le pied. Ah! elle a compris les tortures de son Fils! Toutes ces tortures ont eu leur contre-coup au plus intime de son être. Et maintenant, voilà le moment suprême; les bourreaux qui ont fini leur oeuvre, fatigués de leur labeur, se partagent les vêtements du Crucifié. Alors Marie s’avance, debout, au pied de la croix.
Que dire des souffrances du corps de l’Homme-Dieu! Elles sont proportionnées aux divines délicatesses de sa nature. Ses mains et ses pieds percés, son corps ensanglanté par la flagellation, les meurtrissures de sa tête par la couronne d’épines, la soif qui le dévore, les tortures de la suspension, quel affreux état!
[Que dire des souffrances de] son intelligence, toujours aussi pénétrante? L’inutilité de son supplice, la vue de toutes les combinaisons sataniques contre son oeuvre, tout cela lui est horriblement présent et il l’accepte avec humilité.
[Et les tortures de] son coeur si aimant! Objet de tant de haine, d’ingratitude, de dédains, d’insultes, de sacrilèges, et pourtant, sous le coup de la justice divine, il le veut, il s’y soumet entièrement, pleinement.
Mais toutes ces douleurs se répercutent en Marie. Qui dira tout ce qu’elle souffre des souffrances de son Fils?
Il y eut là trois heures terribles de silence, pendant lesquelles à peine sept Paroles solennelles tombèrent des lèvres de Jésus. N’en rapportons que deux ou trois.
J’ai soif,sitio(3). Le feu de la fièvre consumait ses veines épuisées de sang; mais il avait surtout soif des âmes qu’il voulait racheter. Voilà la cause de son épuisement, il veut des âmes et elles ne lui viennent pas comme il les voudrait. Il a soif, sitio, et Marie aussi a soif. Certes, si Jésus est épuisé de sang, Marie est bien épuisée de larmes, et quand, en lui montrant Jean le disciple bien-aimé, Jésus lui dit: « Voilà votre fils »(4), le combat qui se livre dans le sein de cette divine Mère est terrible. Elle veut tout ce que veut son Fils, elle veut le salut des hommes qu’il est venu racheter, mais elle voit dans ces hommes les bourreaux de son Fils, et elle les accepte pourtant, et l’Eglise se prépare dans la parole de Jésus et l’amour de Marie.
Humiliations profondes à la vue des outrages faits à Jésus; douleurs maternelles les plus atroces qu’une créature ait endurées, à cause des perfections [mêmes] de Marie; acte de foi incomparable quand Jésus expirant et s’écriant: Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné(5), semble confesser qu’il est rejeté de Dieu lui-même; amour plus grand que tous les doutes possibles: tel est mon modèle. Oui, l’humilité, l’acceptation de la souffrance, voilà le fruit de mes réflexions sur Marie au pied de la croix.
O Marie, apprenez-moi les merveilles de votre Compassion et gravez-les dans mon âme!
2. Marc. XV, 40.
3. Ioan. XIX, 28.
4. *Ecce filius tuus*. (Ibid. 26.)
5; Matth. XXVII, 46.