OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|MEDITATIONS POUR LE MOIS DE MARIE
  • VINGT-NEUVIEME JOUR
    MORT DE MARIE
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1925, I, p. 473-478.
  • BH 5
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 APOSTOLAT DES RELIGIEUX
    1 ASCENSION
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE DE MARIE
    1 DESCENTE DE JESUS-CHRIST AUX ENFERS
    1 DETACHEMENT
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 MERE DE DIEU
    1 MOIS DE MARIE
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PATIENCE
    1 PAUVRETE DE MARIE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REDEMPTION
    1 REINE DES APOTRES
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 VERTUS DE LA SAINTE VIERGE
    2 JEAN, SAINT
    2 LUC, SAINT
    2 MARC, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PAUL, SAINT
  • 1875
La lettre

Les saintes Lettres se taisent sur les derniers moments de la Sainte Vierge. Mais nous avons une connaissance suffisante des vertus de Marie et de ses sentiments pour savoir ce que devaient être ses dispositions.

I. -Pourquoi Marie est-elle restée si longtemps sur la terre après la mort de son Fils? Elle est restée: 1° par obéissance, 2° par patience, 3° par amour.

1° Par obéissance. Jésus-Christ a été obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix. On peut dire de Marie qu’elle a été obéissante au delà de la mort de la croix. Après le mystère de la Rédemption, Jésus ayant terminé son oeuvre –Opus peregisti tuum, lui change l’Eglise -monte au ciel où il prend possession de son royaume. Pourquoi Marie ne monte-t-elle pas avec lui? Jésus, prémices de ceux qui dorment, attire avec lui le choeur des patriarches et des prophètes. Pourquoi Marie n’est-elle pas, après son fils, en tête de cette armée triomphante? Parce que son heure n’est pas venue. Du fond de son exil, elle peut répéter les paroles que Jésus lui avait adressées aux noces de Cana; elle peut dire: nondum venit hora mea (1). Et elle attendra avec une obéissance suprême, et son Fils lui ayant commandé de vivre par obéissance, elle passera encore de longues années sur la terre: Hei mihi quia incolatus meus prolongatus est(2). Mais elle obéira. Quand aurai-je une obéissance aussi parfaite?

2° Par patience. Attendre en patience, expectans expectavi Dominum(3) et (4), quelle admirable possession d’elle- même! Jésus-Christ avait dit à ses apôtres: In patientia vertra possidebitis animas vestras(5) et (6). Paroles étonnantes. La fécondité de l’apostolat se trouve dans la puissance de souffrir, et il convenait que la Reine des Apôtres donnât ce grand exemple de patience à toutes les âmes apostoliques. Je ne sais rien de plus admirable que cette attente patiente de la mort. Elle ne désire que cette nouvelle vie par son Fils. Qui, mieux qu’elle, comprend la parole de l’Apôtre: Mihi vivere Christus est et mori lucrum(7) Quel gain ne ferait-elle pas si sa dernière heure était venue? Mais non, elle vivra sur la terre et y vivra patiemment. Elle calmera les bonds de son amour maternel et virginal. Elle attendra.

O condamnation de mes impatiences en apparence les plus légitimes! Oui, Seigneur, je saurai attendre. Je dirai avec le prophète et avec Marie: Expectans expectavi Dominum, et quand je pourrai ajouter, comme David, et intendit mihi(8), c’est que les choses se seront accomplies, non au gré de mes désirs, mais des vôtres, et que, dans la perfection de la patience, je pourrai dire: Non sicut ego volo, sed sicut tu(9).

3° Par amour. Marie aimait Jésus par-dessus tout, mais Marie l’aimait dans l’ordre. Or, Jésus lui avait confié comme les premiers pas de son Eglise. Marie, du fond de sa solitude, devait y veiller. Quel est cet amour de Jésus qui accepte de ne pas jouir de sa gloire? Quel est cet amour des âmes qui, pour préparer leur salut, accepte le délai de l’heure du triomphe et de la gloire?

O Marie, donnez-moi cet amour des âmes et apprenez-moi, pour accomplir ma tâche de religieux apostolique, à sacrifier, à votre exemple, les joies du ciel, à plus forte raison celles de la terre, pour pouvoir offrir de plus nombreuses conquêtes à Jésus.

II. -Marie attendait donc avec une grande obéissance, une grande patience, un grand amour. Mais ces dispositions n’empêchaient pas ses désirs, et ses désirs étaient augmentés par la perfection de son détachement de la terre.

A quoi pouvait-elle tenir ici-bas? Son Fils n’y était plus.

Les richesses? Elle n’en avait pas, elle les méprisait, et si des dons lui étaient faits, qui doute qu’elle ne les distribuât aussitôt?

La joie? Pouvait-elle en trouver en dehors de Jésus?

Ceux qu’elle aimait? Sans doute; mais tout était subordonné à leur utilité véritable, et si, après avoir été utile que Jésus vînt en ce monde, il avait été utile qu’il s’en allât, expedit vobis ut ego vadam(10), à combien plus forte raison Marie pourrait, le moment providentiel venu, dire la même chose.

Non, rien ne la retenait, tout l’appelait, et la sainteté de ses désirs, purifiés par les vertus qui les apaisaient dans la mesure voulue, donnait comme le dernier trait à la perfection de la plus parfaite des créatures, de la Mère de Dieu.

Que se passa-t-il quand Jésus, voulant aller au-devant de sa Mère, entouré des anges et des saints, vint recueillir son âme dans son dernier soupir? Un Dieu qui dit à une créature: Venez, ô ma Mère, venez dans mon royaume! Une créature qui dit à son Dieu: Je viens, mon Fils, je vous suis là où vous m’appelez enfin! En dilectus meus loquitur mihi: Surge, propera, amica mea, columba mea, formosa mea, et veni(11). Et les anges contemplant ce prodige disent à leur tour: Quae est ista quae ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum(12)? O joie de Marie, appuyée sur son Bien-Aimé! O joie de Jésus, conduisant Marie au lieu du bonheur!

Quand j’aurai le détachement de Marie, quand j’aurai ses désirs, et quand j’aurai attendu l’heure de ma délivrance dans l’obéissance, la patience et l’amour, je suis bien assuré que Jésus et Marie viendront à ma rencontre; que Marie me reconnaissant pour son fils et Jésus pour son frère me donneront la place que, sous l’oeil du Père, ils me réservent, dans leur tendresse pour ceux qui les auront servis ici-bas.

Notes et post-scriptum
4. Tournure hébraïque, qui emploie la répétition pour renforcer l'idée. Le sens est: j'ai attendu longuement et avec persévérance.
6. La pensée de Notre-Seigneur, selon le contexte et selon les passages parallèles, est: par votre patience vous sauverez vos vies, en ce sens qu'en souffrant persécution, vous gagnerez pour vos âmes la véritable vie. Les deux autres synoptiques disent: "celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé." (Matth. XXIV, 13. -Marc. XIII, 13.) C'est la même pensée sous une autre forme.1. "Mon heure n'est pas encore venue." (Ioan. II, 4.)
2. "Hélas! mon exil s'est prolongé." (Ps. CXIX, 5. -2° antienne des vêpres des morts.)
3. "Attendant, j'ai attendu le Seigneur." (Ps. XXXIX, 2.)
5. "C'est par votre patience que vous posséderez vos âmes." (Luc. XXI, 19.)
7. "Pour moi, vivre c'est le Christ, et la mort m'est un gain." (Philip, I, 21.)
8. "Et il a fait attention à moi." (Ps. XXXIX, 2.)
9. "Qu'il en soit, non pas comme je veux, mais comme vous voulez." (Matth. XXVI, 39.)
10. "Il vous est utile que je m'en aille." (Ioan. XVI, 7.)
11. "Voilà mon bien-aimé qui me parle: Lève-toi, hâte-toi, mon amie, ma colombe, ma belle, et viens." (Cant. II, 10.)
12. "Quelle est celle-ci qui monte du désert, enivrée de délices, appuyée sur son bien-aimé?" (Cant. VIII, 5.)