OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA VEILLE DE LA RETRAITE
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 5-10.
  • CO 12
Informations détaillées
  • 1 DETACHEMENT
    1 EFFORT
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MARIE
    1 PURIFICATION
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 REVELATION
    1 SOLITUDE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VIE DE SILENCE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VIGILANCE
    1 VOIE UNITIVE
    3 BETHLEEM
  • 1875
La lettre

L’âme qui entre en retraite, pour avancer dans la vie religieuse ou de perfection, doit se proposer de se dépouiller du péché, du monde extérieur, d’elle-même, et, les yeux fixés sur Notre-Seigneur et la Sainte Vierge, ses modèles, tendre, dès ici-bas, à l’union la plus parfaite avec Dieu, terme de toute sainteté.

Conditions pour bien faire une retraite.

Ducam eam in solitudinem et loquar ad cor eius(1). Je veux faire une retraite sérieuse; je veux me mettre en face de moi-même et de Dieu; je veux surmonter les ennuis, les dégoûts, peut-être les terreurs que la retraite m’inspire; ou bien je veux laisser de côté un inutile enthousiasme. En fin, je veux faire ma retraite aussi parfaitement que j’en suis capable.

Pour cela, on me demande quatre principales conditions: [1° le silence; 2° le recueillement; 3° l’esprit de foi; 4° la correspondance à la grâce.]

I. Le silence.

Venite seorsum in desertum locum et requiescite pusillum(2), disait Notre-Seigneur à ses disciples: il faut aller a l’écart, il faut se reposer. Je prends la résolution, pendant ces jours bénis, de me séparer des créatures autant qu’il dépendra de moi; je me tairai avec les autres et avec moi-même; je me reposerai sous l’oeil de Notre-Seigneur, mon Maître et mon premier amour.

J’irai me taire devant le Saint Sacrement. « J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur mon Dieu; Audiam qui loquatur in me Dominus Deus. »(3) « Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur vous écoute dans un silence respectueux: Loquere, Domine, quia audit servus tuus. »(4)

Résolution la plus énergique de me taire autant qu’il dépendra de moi.

J’offre mon silence comme une expiation de mes conversations inutiles, dangereuses ou coupables.

II. Le recueillement.

Il ne suffit pas que je me taise, il faut que je me recueille. J’entends Jésus-Christ m’avertir: « Quod autem vobis dico, omnibus dico: Vigilate. Ce que je vous dis, je le dis à tous: veillez. »(5) Cette vigilance ne s’obtient que par le recueillement de mon âme. Or, comment, avec mon habitude de dissipation, me recueillerai-je? Ah! déjà! voilà le combat! Mais il faut que je le livre, car il s’agit, mon Dieu, de me mettre comme Marie, à vos pieds, et de rester là, occupé à remplir de vos paroles le trésor de mon coeur.

Il faut aussi, dans la sincérité de mon âme, examiner le pour et le contre de mon état présent, le pour et le contre de ce que je me propose de faire. Or, j’ai une très grande répugnance à approfondir certaines choses. « L’esprit humain, dit Bossuet, aime mieux juger que d’examiner les raisons, parce que la décision lui plaît et que l’examen le travaille. »

J’examinerai dans le recueillement, et je me déciderai avec toute la maturité dont je suis capable. Mais n’est-ce pas là ce qui m’effraye? Une résolution prise à la précipitée n’est, pour ainsi dire, pas un engagement. Mais si j’ai sérieusement réfléchi, je n’ai plus de prétexte pour y manquer, et c’est là ce qui me fait craindre ce recueillement, dont les conséquences seront un changement peut-être aussi nécessaire que redouté.

III. L’esprit de foi.

Pourquoi me recueillir? Pour sortir du monde, des illusions, des faiblesses, du mensonge, du péché; pour entrer dans le monde surnaturel, d’où je me suis peut-être trop écarté. Qui m’y fera rentrer? L’esprit de foi. Jésus-Christ accorde à la foi toutes les merveilles; par la foi, toutes les guérisons sont obtenues. Quelque malade que soit mon âme, la foi peut lui rendre la santé: Fides tua te salvum fecit(6). La foi brise toutes les chaînes: Omnia possibilia sunt credenti(7). La foi sème dans l’âme toutes les vertus. Vade, et sicut credidisti, fiat tibi(8).

N’avez-vous aucune maladie spirituelle au plus intime de votre âme? L’esprit de foi en sera le remède. Impossible pour moi de méditer les grandes vérités de la foi sans éprouver une commotion vivifiante, à moins du plus coupable endurcissement. Eh bien! pendant ces jours bénis, séparé du monde et de vous-même, s’il est possible, demandez l’esprit de foi, vivez par la foi, non hors de vous, mais au-dessus de vous-même.

Puis, vous avez à entrer dans un monde nouveau, où toutes vos pensées, vos intentions, vos sentiments, vos paroles, vos actes ont besoin d’être purifiés par la foi. Iustus ex fide vivit(9). Quand la foi sera-t-elle votre vie? Voilà pourtant à quoi vous devez vous exercer!

Mon Dieu, je crois, aidez mon incrédulité(10).

IV. La correspondance à la grâce.

Vidimus enim stellam eius in Oriente, et venimus adorare eium(11). Les Mages suivent l’étoile, et, des extrémités de l’Orient, ils vont à Jésus-Christ. Si loin que je sois de Bethléem, je n’ai qu’à suivre mon étoile, c’est-à-dire l’appel de la grâce. Ne l’ai-je pas encore aperçue, cette lumière si pénétrante? Je ne dois pas m’effrayer; l’étoile se montre, disparaît, se montre encore jusqu’à ce qu’elle s’arrête au-dessus du lieu habité par Jésus. Videntes autem stellam gavisi sunt gaudio magno(12). Cette joie, il n’est pas encore temps pour moi de la partager, mais cela viendra, quand j’aurai marché en correspondant à l’appel de Dieu. Pour cela, j’ai besoin de me séparer des miens, peut-être de mon pays, comme les Mages; comme eux, d’obéir, de persévérer, de souffrir. Oui, je quitterai tout, je ferai comme les Mages, et aussi, comme les apôtres, je quitterai mes filets, je quitterai mon père, tout, en un mot, et je suivrai Jésus-Christ.

Seigneur Jésus, dont le Père a caché ses secrets aux savants et aux prudents du monde, pour les révéler aux petits, permettez que, pendant cette retraite, je descende dans ma petitesse et mon néant, a fin que, quand vous me direz comme à saint Matthieu: « Sequere me. Suivez-moi », je me lève aussitôt et je vous suive partout où vous voudrez me mener: Et surgens, secutus est eum(13). Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. "Je la conduirai dans la solitude et je parlerai à son coeur." (Os. II, 14.)
2. "Venez à l'écart dans un lieu solitaire, et reposez-vous un peu."(Marc. VI, 31.)
3. Ps. LXXXIV, 9.
4. I Reg. III, 9.
5. Marc. XIII, 37.
6. "Votre foi vous a sauvé." (Marc. X, 52.)
7. "Tout est possible à celui qui croit." (Marc. IX, 22.)
8. "Allez, et qu'il vous soit fait selon que vous avez cru." (Matth. VIII 13.)
9. "Le juste vit de la foi." (Rom. I, 17.)
10. *Credo, Domine: adiuva incredulitatem meam*. (Marc. IX, 23.)
11. "Nous avons vu, en effet son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer." (Matth. II, 2.)
12. "A la vue de l'étoile, ils furent transportés d'une joie extrême." (Matth. II 10.)
13. "Et se levant, il le suivit." (Marc. II, 14.)