OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • ABUS DES GRACES
    [CAUSES ET EFFETS.]
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 18-21.
  • CO 15
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 INSENSIBILITE
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PERFECTION
    1 RACE DE SATAN
    1 ROUTINE
    1 SCANDALE
    1 TIEDEUR
  • 1875
La lettre

Si cognovisses et tu et quidem in hac die tua, quae ad pacem tibi(1). Quel malheur pour une âme de ne pas connaître, par sa faute, le temps des miséricordes de Dieu! Dieu ne me doit rien, il me fait des avances pleines de bonté, je les repousse. A qui m’en prendre si, un jour, il me repousse à son tour! Etat terrible pour le simple fidèle, bien plus terrible pour le religieux, précisément parce qu’il a été plus prévenu et qu’il a méprisé davantage la paix de la perfection que Dieu lui offrait.

J’examinerai: 1° les sources de l’abus des grâces; 2° les effets de cet abus.

I. Sources de l’abus des grâces.

1° La tiédeur. Lorsque j’ai pris l’habit j’étais bien disposé. Peut-être, pendant mon noviciat, ai-je pris la détestable habitude de traiter les choses légèrement. Pour un motif ou pour un autre je différais à plus tard de correspondre aux grâces qui pourtant m’étaient si nécessaires. Une méditation pleine de distractions, une lecture mal faite, une messe mal entendue, la communion mal préparée, la charité pas respectée, l’obéissance sans sérieux: tout cela a amené un certain endormissement et ma vie religieuse s’est trouvée plongée dans la vulgarité.

2° Le mépris de la règle. Mépris sans délibération, mais enfanté par l’ennui de l’accomplissement. Il suffisait que ce fût un joug pour que je n’en voulusse pas.

3° La routine. Si j’observais ma règle c’était avec cette routine toute mécanique qui va comme une montre tant qu’elle est montée, et puis s’arrête, sans avoir conscience ni de sa marche ni de son arrêt. Qu’est un religieux arrivé à ce point, et que lui prédire pour son avenir spirituel?

II. Effets de l’abus des grâces.

1° Insensibilité. L’âme dans cet état ne tarde pas à contracter une sorte de paralysie, elle devient incapable de tout bien. Elle est tombée dans je ne sais quelle vulgarité spirituelle qui la rend capable de tout mépris. Elle s’affaisse sur elle-même. Dieu se retire. S’il a dit aux malades pendant sa vie mortelle: Fiat tibi sicut vis(2), et les malades étaient guéris, il dit aussi: Fiat tibi sicut vis aux paralytiques volontaires, et leur insensibilité va augmentant. Serait-ce ma situation?

2° Puissance donnée à Satan. Les esprits infernaux sont plus forts que moi. Livré à moi-même je serai vaincu. Or, le démon guette ce moment où, la grâce ne coulant plus sur mon âme, mon âme va s’affaiblissant et se dispose à étre vaincue, puisque Dieu ne combat plus pour elle et que l’enfer redouble ses efforts.

3° Impossibilité de faire le bien. Jésus-Christ l’a dit: Sine me nihil potestis facere(3). Et je redoute de l’appeler, je dédaigne son secours. Me voilà volontairement dans l’impossibilité de faire le bien. Or, si je ne fais pas le bien, quel titre puis-je un jour avoir à la récompense?

4° Scandale. Qu’est-ce qu’un religieux dans un état pareil? Un religieux destructeur de sa communauté, un religieux scandaleux, non par le mal qu’il fait, mais par le bien qu’il ne fais pas. J’oublie trop que je suis obligé à être édifiant et que, membre d’une famille spirituelle consacrée à étendre le règne de Notre-Seigneur, je suis responsable des âmes que je dois édifier et que je scandalise. Et si, ayant vocation pour sauver, je perds mes frères, quel espoir ai-je de me sauver moi-même? Pensée effrayante et qui doit ranimer mes résolutions de conversion et de ferveur.

Notes et post-scriptum
1. "Si tu connaissais, toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donné, ce qui te procurerait la paix." (Luc. XIX 42.)
2. "Qu'il te soit fait comme tu veux." (Matth. XV, 28.)
3. "Sans moi vous ne pouvez rien faire." (Ioan. XV, 5.)