OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • ABUS DES GRACES
    [SES EFFETS.]
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 21-27.
  • CO 16
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 CONFIRMATION
    1 ENFER
    1 EUCHARISTIE
    1 FOI
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 LACHETE
    1 SACREMENT DE PENITENCE
    1 SATAN
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    3 JERUSALEM
  • 1875
La lettre

Si cognovisses et tu, et quidem in hac die tua, quae ad pacem tibi(1). Représentons-nous Jésus-Christ montant, quelques jours avant la passion, à la montagne des Oliviers, et de là contemplant Jérusalem qui va lui donner la mort. Il se prend à pleurer à la pensée de tous les biens versés sur cette ville ingrate, et il s’écrie: Quia si cognovisses… N’est-ce pas là l’image de notre âme, et ne pouvons-nous pas nous adresser cette question. Depuis quand fais-je pleurer Jésus-Christ?

Il importe de traiter cette question, qui se présente à nous sous un triple aspect. L’abus des grâces amène: 1° le dégoût de la part de Dieu; 2° l’impossibilité de faire le bien; 3° un commencement de réprobation.

I. Dégoût de la part de Dieu.

Quelles doivent être, en effet, les dispositions de Dieu envers une âme comblée de ses bienfaits et qui prend plaisir à les repousser? Or, n’est-ce pas votre état? Jetez un regard sur les bienfaits principaux refus de sa main généreuse.

La foi. -Que d’hommes privés de ce don! Parcourez par la pensée le monde entier. Le nombre des baptisés est relativement bien faible. Pourquoi avez- vous été choisi? Et parmi les baptisés, que de schismatiques, que d’hérétiques, que de catholiques qui n’ont de chrétien que le baptême! Vous, vous avez le baptême, à quoi il faut ajouter une éducation chrétienne. Enfants de Dieu et de l’Eglise, avec quelle ingratitude n’avez-vous pas traité Dieu votre père, l’Eglise votre mère?

[La confirmation.] -Avançant en âge, vous êtes devenu, par la Confirmation, le temple du Saint-Esprit, vous avez été fait parfait chrétien; qu’avez-vous fait des flammes d’amour déposées en vous par l’amour de Dieu même, qu’avez-vous fait de cette perfection à laquelle vous avez été élevé?

[L’Eucharistie.] -Puis le corps de Jésus-Christ vous a été donné en nourriture, son sang en breuvage. Quelles forces avez-vous puisés dans la participation à un pareil aliment? Dans cette nourriture, vous receviez le gage d’une immortalité bienheureuse: Corpus Domini Nostri Iesu Christi, custodiat animam tuam in vitam aeternam(2). Ainsi vous allez, abusant des dons de Dieu. Les espérances immortelles président-elles à vos actions comme mobile suprême?

[Le sacrement de pénitence.] -Mais vous avez offensé Dieu. Son sang a été mis à votre disposition pour purifier votre âme. Où est l’horreur de vos fautes, la sincérité de votre accusation, la satisfaction offerte? Où sont les résolutions prises?

Que dire de tant de bonnes lectures, de tant d’instructions, de tant de messes, de tant de bonnes pensées intérieures par ou Jésus-Christ vous appelait? Qu’en avez-vous fait? Tout est perdu, dissipé, et vous voulez que Dieu ne vous prenne pas à dégoût comme un être comblé de ses avances et qui, au moment de paraître devant son Juge, est écrasé, non pas seulement sous le poids de ses péchés, mais de ses ingratitudes. Entendez les anges eux-mêmes, témoins des prévenances divines, et si souvent ministres de ses miséricordes, s’écrier à leur tour: Curavimus Babylonem et non est sanata(3). Non, non, vous repoussez Dieu, il vous repousse.

II. Impossibilité de faire le bien.

C’est un fait incontestable que le monde surnaturel, le seul où nous trouvons le bonheur, est trop au-dessus des forces humaines pour que nous puissions y pénétrer sans un secours divin, et Jésus-Christ le déclare lorsqu’il nous dit: Sine me nihil potestis facere(4). Mais saint Paul ajoute, pour montrer ce que nous pouvons au contraire avec Jésus-Christ: Omnia possum in eo qui me confortat(5). Sans Jésus-Christ je ne puis rien, avec Jésus-Christ je puis tout. Mais si je repousse Jésus-Christ, je suis incapable de quoi que ce soit par ma seule force, car Jésus-Christ m’attire et me veut de moi: Quoties volui congregare filios tuos sicut gallina congregat pullos suos sub alas et noluisti(6). Donc, c’est moi qui m’attire cette sentence: Ecce relinquetur vobis domus vestra deserta(7).

Aussi je vois l’ennemi rôder autour de l’âme qui repousse les grâces de Dieu, car il y a une autre vérité non moins certaine, c’est que, d’une part, si nous ne pouvons, sans la grâce, entrer dans le monde surnaturel, si nous ne pouvons rien pour le ciel, Satan, de son côté, étant par sa nature bien plus fort que nous, nous serons infailliblement vaincus par lui, et s’il en est ainsi, quelle démence de négliger la grâce qui nous est offerte! Les ravages seront horribles. Repassons les détails donnés par Jésus-Christ. Les armées infernales s’avancent. Elles entourent la ville coupable d’un fossé; elles s’en emparent, la renversent de fond en comble et n’y laissent pas pierre sur pierre: tel est mon état depuis que je repousse la grâce. Et dire que je suis menacé d’être ainsi renversé, et dire que je l’aurai voulu, et que cette impossibilité de résister, c’est moi qui en aurai décidé par le refus des dons de Dieu.

III. Commencement de réprobation.

Tout ce qui précède y conduit fatalement, et c’est l’état où je serai si je ne me convertie pas, si je ne profite pas de cette grâce, la dernière peut-être. « La terre qui reçoit fréquemment la pluie du ciel et qui ne donne pas de bons fruits, mais fait germer des ronces et des épines est réprouvée et bien près d’être maudite. »(8) Vous reconnaissez-vous?

Ecoutez: reproba est, elle est réprouvée. L’oeil de l’Apôtre semble pénétrer le secret de Dieu. Serai-je réprouvé? Mais voici que tout en me menaçant il me laisse quelque espoir: Et maledicto proxima. La malédiction est proche, mais les foudres ne sont pas encore tombées. Toutefois, pour que je ne me fasse pas illusion, voici ce qui est ajouté;

Cuius consummatio combustionem(9). La conclusion, c’est qu’il n y a plus pour cette terre qu’à être livré aux flammes. C’est moi qui choisirais cet état si je ne prenais pas la sérieuse résolution de mieux profiter des dons de la rosée céleste.

Qu’ai-je donc à faire, qu’à me prosterner aux pieds de Celui que j’ai si souvent insulté par mes délais, par l’abus de ses avances, dont j’ai contristé le Coeur percé par amour pour moi?

O Jésus, prenez-moi tout entier, et donnez-moi le désir de devenir une créature nouvelle, retrempée par votre grâce, dont je veux profiter désormais autant que j’en ai abusé jusqu’à présent.

Notes et post-scriptum
1. "Si tu connaissais, toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donné et qui te procurerait la paix." (Luc. XIX, 42.)
2. "Que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ garde votre âme pour la vie éternelle." (Paroles adressées par le prêtre au communiant.)
3. "Nous avons soigné Babylone et elle n'a pas été guérie." (Jér.,LI, 9.)
4. "Sans moi vous ne pouvez rien faire." (Ioan. XV, 5.)
5. "Je puis tout en Celui qui me fortifie." (Philip. IV, 13.)
6. "Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu!" (Matth. XXIII, 37.)
7. "Voici que votre maison vous sera laissée déserte." (Matth. XXIII, 38.)
8. *Terra enim saepe venientem super se bibens imbrem... proferens autem spinas et tribulos reproba est et maledicto proxima; cuius consummatio in combustionem*. (Hebr. VI, 7, 8.)
9. "Sa fin sera la combustion." (Ibid.)