OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA PERFECTION
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 34-40.
  • CO 18
Informations détaillées
  • 1 ADORATION
    1 AMOUR DIVIN
    1 AUGUSTIN
    1 BEAUTE DE JESUS-CHRIST
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRACE
    1 IMITATION DE DIEU
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTION
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REDEMPTION
    1 VOIE UNITIVE
    2 ABRAHAM
  • 1875
La lettre

Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester coelestis perfectus est(1).

Au commencement de ces exercices, il est bon de placer le but que nous nous proposons. Il n’est pas autre que la perfection: Ambula coram me et esto perfectus(2), dit Dieu à Abraham; et, dans la loi nouvelle, Jésus, dès sa première prédication publique, ne craint pas de dire aux populations accourues pour l’entendre: Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester coelestis perfectus est.

En quoi consiste la perfection de Dieu? Dans la plénitude de son être, la beauté de son être, l’amour et le bonheur de son être.

En quoi doit consister ma perfection? 1° Dans l’accroissement de mon être; 2° dans la beauté rendue à mon être; 3° dans la puissance de mon être d’aimer le vrai bien et d’y trouver mon éternel bonheur.

I. Accroissement de mon être.

Les êtres participent à l’Etre plus ou moins: la pierre, la plante, l’animal. L’âme intelligente y participe bien plus encore. Mais le péché a diminué l’être: il l’a incliné vers la mort. Jésus-Christ est venu pour nous rendre un être nouveau et une vie plus abondante: Ego veni ut vitam habeant et abundantius habeant(3).

Or, ce travail est double, la grâce de Dieu nous prévient et nous accompagne; Gratia Dei praevenit… et subsequitur(4). Mais faut-il laisser faire tout à Dieu? Evidemment non. Nous avons une intelligence, nous avons une volonté, il faut nous en servir, et comment? En imitant Dieu: Estote ergo imitatores Dei sicut filii carissimi(5).

Et déjà, quel honneur d’être appelé à prendre Dieu pour son modèle et à le prendre pour son père, à admirer sa toute-puissance créatrice, à y participer et à faire tout son possible pour vivre plus pleinement en agissant plus saintement!

Mais, quelque effort que je fasse pour ressembler à la plénitude de perfection de l’Etre divin, je ne dois pas oublier que par moi-même je suis un pur néant, que je dois tout à Dieu, que je suis sous la dépendance absolue de Dieu, et que, à l’imitation des anges, je n’ai pas de plus belle fonction que de l’imiter le plus parfaitement que je le pourrai, en reconnaissant qu’il est seul grand, seul infini, seul tout-puissant, seul maître, et que je lui dois l’adoration.

Là est le premier caractère de la perfection: l’adoration la plus absolue de Dieu.

II. Imitation de la beauté de Dieu.

Qui cum sit splendor gloriae et figura substantiae eius… (6) Qui dira la beauté du Verbe, splendeur de la gloire de Dieu, figure de sa substance infiniment parfaite? Le Verbe, c’est la connaissance que Dieu a de lui-même. Dieu est, il est infini, et l’intelligence qu’il a de lui-même est infinie. Si Dieu avait des limites, on pourrait dire que le Verbe est la limite de Dieu.

Mais un être infiniment parfait a une forme infiniment parfaite, car cet être parfait étant infiniment simple, sa forme, c’est lui; sa gloire, c’est lui; sa beauté, c’est lui. Il est ce qu’il y a de plus grand et ce qu’il y a de plus beau. Et, dans cette beauté, ne concevons rien de matériel. C’est la beauté de l’intelligence, c’est l’harmonie de la sagesse et de la puissance, c’est l’admiration que le père a de lui-même, en qui il se complaît: Hic est Filius meus dilectus in quo mihi bene complacui(7).

Or, cette perfection de beauté, il faut que je la réalise en moi; et, pour le dire en passant, voilà pourquoi ce n’est ni le père ni le Saint-Esprit qui s’est fait homme. C’est le Fils, dit saint Augustin, parce que le péché avait violé la loi dont le principe est le Verbe, la parole de Dieu, et détruit la beauté de l’âme. Or, il convenait que Celui qui est la loi, la sagesse, l’harmonie et l’ordre réparât ce mal, et que Celui qui est la beauté divine rendit à l’homme sa beauté perdue; et le Fils s’est fait homme pour proportionner sa perfection à notre infirmité et nous montrer dans son humanité comment nous pouvions être les imitateurs de Dieu.

Tel est le second caractère de la perfection: l’imitation, par Jésus-Christ, de la beauté et des perfections de Dieu.

III. Amour de Dieu.

Nos ergo diligamus Deum quoniam Deus prior dilexit nos(8).

Dieu est amour. Il est, il se connaît, il s’aime. Son être, principe éternel, c’est le père; la connaissance infinie qu’il a de lui-même, c’est le Fils; l’amour que Dieu se porte à lui-même en se connaissant, c’est le Saint-Esprit. Et dans cet amour infini, éternel, Dieu trouve son bonheur et sa gloire infinie et éternelle. Il est heureux par la perfection même de son être, et sa gloire, seul il peut se la rendre comme il lui convient, car il ne peut que se la rendre infiniment, et seul il peut se rendre une gloire in finie.

Mais il est infiniment bon, et, quoiqu’il n’en ait pas besoin, il veut faire participer des êtres qui ne sont pas, mais qu’il tirera du néant, à son être, à ses perfections, à sa beauté, à son amour, et, pour agir avec une libéralité plus grande, il leur laissera la liberté de s’accroître, de s’embellir, de l’aimer en participant à son être, à sa vie, à sa beauté, à son amour; et tel est le problème de la perfection de l’homme, se réduisant à ces trois questions:

1° Veux-je avoir une plus grande abondance d'(être et de vie en me rapprochant de Dieu par l’adoration et la proclamation de sa toute-puissance? 2° Veux-je participer à la beauté de Dieu par l’imitation d’ ses perfections, telles que la révélation me les montre et telles que Jésus-Christ, Verbe éternel fait homme pour moi, me les présente dans sa vie humaine? 3° Veux-je arriver à l’éternel bonheur par la possession de l’amour de Dieu? Veux-je m’unir à Dieu, dans cet amour, de telle façon qu’il soit mon père et que je sois son fils?

Telle est la triple question que je dois me poser pour savoir si je veux devenir parfait.

O Dieu! donnez-moi une plus grande part à votre être infini! O Dieu! que je reconnaisse, en même temps, tout ce que je vous dois et que je vous adore du fond de mon néant!

O Dieu! que je reproduise la beauté de votre Fils, a fin que cette beauté, qui ne vient pas de moi, mais de vous, me rende agréable à votre in finie sagesse!

O Dieu! que je vous aime par la communication du Saint-Esprit, et que, dans cet amour, je trouve mon éternel bonheur!

Notes et post-scriptum
4. SAINT AUGUSTIN. Cette breve citation semble être un résumé d'un texte assez long du saint Docteur (*De Natura et Gratia*, XXXI, 35). Voici ce texte: *Ubi quidem operamur et nos; sed illo operante cooperamur, quia "misericordia eius praevenit nos*". (Ps. LVIII, 11.) *Praevenit autem ut sanemur, quia et subsequetur ut etiam sanati vegetemur; praevenit ut vocemur, subsequetur ut glorificemur; praevenit ut pie vivamus, subsequetur ut cum illo semper vivamus: quia sine illo nihil possumus facere*. -En voici la traduction: "Nous avons, sans doute, notre part dans ce travail (de justification); mais c'est Dieu qui opère, et nous opérons avec lui, parce que sa miséricorde nous prévient. (Ps. LVIII 11.) Il prévient pour nous guérir, parce qui'il suivra pour que, une fois guéris, nous devenions plus vigoureux; il prévient pour nous appeler, il suivra pour nous glorifier; il prévient pour nous faire vivre dans la piété, il suivra pour nous faire vivre avec lui dans l'éternité: car sans lui nous ne pouvons rien faire." -L'Eglise a consacré cette formule de saint Augustin dans la collecte du 16e dimanche après la pentecôte: "*Tua nos, quaesumus, Domine, gratia, semper et praeveniat et sequatur*. Que toujours votre grâce, Seigneur, nous vous en supplions, nous prévienne et nous accompagne."1. "Soyez donc, vous aussi, parfaits comme votre Père céleste est parfait." (Matth. V, 48.)
2. "Marche devant moi et sois parfait." (Gen. XVII, 1.)
3. "Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient plus abondamment." (Ioan. X, 10.)
5. "Soyez donc les imitateurs de Dieu comme ses enfants bien-aimés." (Eph. V, 1.)
6. "Lequel (le Fils) étant la splendeur de la gloire et l'image de la substance [du Père]." (Hebr. I, 3.)
7. "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes mes complaisances." (Matth. XVII, 5.)
8. "Aimons donc Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier." (I Ioan. IV, 19.)