OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • OU EN SUIS-JE? (1)
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 51-55.
  • CO 21
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 EXAMEN
    1 INFIDELITE
    1 NOVICE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VOCATION
    1 VOEUX DE RELIGION
  • 1875
La lettre

Je suis appelé, cela est certain. Je suis, par mes voeux, dans la voie de la perfection. Mais dans cette voie, ou l’on avance, ou l’on recule. Où en suis-je? Voilà ce que je veux examiner.

I. Ai-je été appelé?

Les religieux lâches se posent cette question, et elle est plus perfide que celle de Satan à notre première mère. Ai-je été appelé? Mais qu’a été mon entrée en religion? Qu’ont été les épreuves du noviciat?

Si je suis novice, je puis examiner encore. Mais non, je suis profès. J’ai pu manquer à l’appel après l’avoir entendu, mais le jour où j’ai prononcé les saints voeux, mon sort a été fixé. Je sais bien qu’autour de moi j’entends parler des voeux avec une légèreté exécrable, sacrilège; mais qui tient ce langage? Chez un novice qui, ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière et se déclare par là inapte au royaume de Dieu, cela se comprend; il quittera l’habit, il le peut, il est encore libre; il retombera dans la vulgarité de la vie, il traînera dans la médiocrité la plus humiliante, il le peut. Mais un religieux lié par des serments faits directement à Dieu, tenir un tel langage et accomplir une telle infidélité, quelle honte! Et pourtant, cela se voit. Qu’est devenue, je ne dirai pas la dignité religieuse, mais seulement la dignité humaine? On dit: Je n’étais pas appelé. Religieux indigne, tu l’étais. Mais tu as péché; mais comme Adam après son péché, tu veux fuir la face de Dieu et tu cherches à t’en aller loin de lui, comme si tu pouvais éviter sa justice après avoir insulté son amour.

O Dieu, que je meure mille fois plutôt que de subir un pareil malheur et de commettre un pareil forfait!

II. Depuis ma profession, ai-je reculé?

Je puis aisément répondre à cette question. Le temps est le prix de l’éternité. Que fais-je, et qu’ai-je fait de mon temps? Vers quelles dissipations ne s’est-il pas envolé? Avec quelle facilité ne l’ai-je pas gaspillé? Le travail, l’étude, m’étaient nécessaires. Combien de fois n’ai-je pas préféré des conversations peu charitables, des lectures au moins inutiles, des rêveries dangereuses! Est-ce ainsi qu’avance un vrai religieux?

Les dons du Saint-Esprit abondaient en moi par la confirmation. Inutile de les énumérer, mais il est certain que j’avais reçu le don de sagesse, de force, de crainte filiale du Seigneur. Eh bien! de tant de lumières, de tant de secours, qu’ai-je fait? Et je suis étonné de n’avoir pas reculé! Mais il est impossible que Dieu ne me reproche pas l’abus de ses grâces, et dès lors, qu’il ne soit pas profondément mécontent au moins de mon temps d’arrêt.

Que dirai-je de toutes les avances qui m’ont été faites des pensées intimes qui m’ont troublé, ému, des remords qui se sont réveillés, des bons conseils que j’ai reçus, des reproches de mes supérieurs, de leurs encouragements, des vertueux exemples de mes frères, du spectacle des cérémonies ecclésiastiques, de la récitation de l’office, de certains, événements extraordinaires? Ai-je profité, ai-je abusé de tant de bienfaits? Encore une fois, ô mon Dieu, où en suis-je?

III. Ai-je avancé?

Question peut-être téméraire, puisque l’Apôtre dit: Quae retro sunt obliviscens(2). Aussi ai-je quelque peine à répondre. Et peut-être vaut-il mieux dire: Veux-je enfin avancer?

Je laisse le passé quel qu’il soit. Si j’ai reculé, la voix du remords; si j’ai en effet profité de la grâce, la voix de l’amour me crie: en avant. Eh! oui, mon Dieu, de telle sorte qu’à cette question: où en suis-je? je veux répondre: J’en suis d’abord à me convertir, ensuite à me sanctifier.

O Jésus, ma lumière, ma force, ma vie, après ce que vous avez fait pour moi, faites encore plus. Vous êtes à la porte de mon coeur, frappez, frappez jusqu’à ce que je vous ouvre, frappez en Maître, en Souverain, frappez en Ami, a fin que vous ouvrant avec crainte, obéissance, adoration, je vous ouvre aussi avec un grand amour, et alors à vos pieds, ô mon Sauveur, je saurai où j’en suis.

Notes et post-scriptum
1. Cette méditation est la première du groupe intitulé *Retraite intime*. Elle est reproduite ici en tenant compte des retouches mentionnées dans la *Préface*.2. "Oubliant ce qui est derrière moi." (Phil. III, 13.)