OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA CONVERSION
    [2° MEDITATION]
    [OBSTACLES ET MOYENS]
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 60-66.
  • CO 23
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 AUGUSTIN
    1 CONTRARIETES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 EFFORT
    1 ENNUI SPIRITUEL
    1 FAIBLESSES
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 INSENSIBILITE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 PARDON
    1 RECONNAISSANCE
    1 SENS
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIE DE PRIERE
  • 1875
La lettre

Surgam et ibo ad Patrem meum(1).

-Au point où j’en suis arrivé, il est important que je me convertisse. Dieu m’appelle à la réconciliation. Pourquoi lui résisterais-je? Oui, je me convertirai.

Mais que d’obstacles! Je veux les examiner. Mais Dieu met à ma disposition certains moyens. Je veux les employer.

Obstacles à ma conversion; moyens de me convertir: voilà le sujet de ma méditation.

I. Obstacles à la conversion.

1° La vie des sens. -Le premier obstacle vient de mes sens: Est quaedam vita hominis carnalibus sensibus implicata, gaudiis carnalibus dedita; carnalem fugitans offensionem voluptatemque consectans(2).

Voilà comment saint Augustin, qui l’avait éprouvé, peint l’état d’une âme écrasée par la vie des sens. Quaedem vita hominis carnalibus sensibus implicata, et cela à divers degrés, depuis le plus effronté débauché jusqu’au chrétien même pratiquant qui ne veut que la vie aisée, commode. Cette soif de plaisir -tout plaisir des yeux par les spectacles; des oreilles, par l’amollissement de la musique; du palais, par les satisfactions de la table, et le reste, -exprime bien cette vie de délices charnelles: gaudiis carnalibus dedita; cet effroi de toute souffrance: carnalem fugitans offensionem; cette recherche des voluptueuses délicatesses du sybaritisme: voluptatemque consectans. Toute cette poursuite du triomphe de la chair est un obstacle absolu à la conversion qui implique la pénitence, et dont je ne veux pas. Donc, tant que je serai plongé dans cette vie, je ne pourrai me convertir.

Toutefois, saint Augustin m’apporte une grande consolation quand il ajoute: « Ab hac vita incipere necessitatis est: c’est une nécessité pour tut homme de commencer par cette vie »; mais prenez garde, c’est le fait de la volonté d’y persister: in ea persistere voluntatis est(3). Les commencements de l’enfant, avant l’âge de raison, ne dépendent pas de lui; mais plus tard, par le développement de la raison et l’aide de la grâce, il pourra se reformer.

Que d’hommes restent toujours à l’état d’enfants! Suis-je de ce nombre?

2° L’habitude. -J’ai contracté la douloureuse habitude de pécher: je pèche par habitude. Je fais d’impuissants essais d’affranchissement. Jusqu’à aujourd’hui, l’habitude a été plus forte, et je suis demeuré esclave. Mais, enfin, n’ai-je pas compris la honte de mon joug? Ne me déciderai-je pas à le rompre?

3° La faiblesse. -C’est qu’en effet le propre de l’état du péché est d’affaiblir l’âme et de la rendre absolument incapable de faire le bien, parce que la grâce se retire, parce que l’âme ne peut, en quelque sorte plus vouloir. Voilà bien mon état. J’en ,suis douloureusement là. Je ne sens en moi rien qui m’en retire. Je deviens insensible, tant ma faiblesse est grande.

Oh! quelle honte de se sentir la proie de l’ennemi qu’on aurait pu vaincre si on avait voulu être fort.

Et cet état est le mien, et je m’y complais, et je ne sais pas en sortir.

Enfin, l’ennui et le dégoût. -Est-ce bien étonnant après la manière dont je me suis éloigné de Dieu? Cela m’ennuie de revenir à lui, et comme je n’ai vécu que de frivolités, de plaisir, de poursuite d’amusements souvent coupables, quand il s’agit de changer du tout au tout, je ne veux pas en entendre parler.

Mais qu’est-ce, qu’un chrétien, un religieux qui s’arrête’ devant cette objection: cela m’ennuie? N’est-ce pas un signe d’épouvantable dégradation?

Mon Dieu, j’écarterai ces vains prétextes et je me convertirai.

II. Moyens de conversion.

Le premier moyen que Dieu nous donne pour nous convertir, c’est la prière. Car, il faut bien le remarquer, notre conversion ne dépend pas de nous; elle dépend de Dieu, à tel point que Dieu donne le commencement de la conversion, et ce commencement, c’est la puissance de crier vers lui. Nous sommes au fond de l’abîme du mal. Dieu nous donne la puissance de pousser des cris que son oreille de père entendra toujours, pourvu que nous nous adressions à sa miséricorde avec une volonté droite.

La volonté est brisée par le péché, Dieu la fortifie, mais à la condition que je demanderai qu’elle soit fortifiée. Il faut prier, il faut crier, et telle est la situation du pécheur, qu’il a peur de crier trop fort, de peur d’être entendu. Que de prières à voix basse dont le résultat est la mort du pécheur!

Seigneur, je ne veux pas qu’il en soit ainsi pour moi; je prierai, je crierai, et parce que c’est vous qui m’aurez donné la grâce de la prière, vous m’exaucerez.

Le deuxième moyen consiste à écouter le remords. Quand le pécheur rentre en lui-même, dans le silence des passions, il ne peut s’empêcher d’avoir une très grande honte de son état. Il en est humilié, et son humiliation est un principe de résurrection s’il veut en faire disparaître la cause; mais c’est ce que l’on ne veut pas toujours.

Le remords écouté me ramènerait à la vie. Combien ne préféré-je pas me jeter dans les vaines excuses? Excuses absurdes; mais que m’importe? dans ma lâcheté, je veux les prendre pour de bonnes raisons.

Pour moi, Seigneur, je suis résolu à écouter le remords que vous jetez comme un trait salutaire dans mon coeur. Le remords, c’est votre voix qui retentit dans le plus intime de ma conscience. Je l’écouterai enfin, mon Dieu, et je me convertirai parce que je ne veux pas qu’il se transforme un jour en accusateur de ma vie.

Le troisième moyen enfin, c’est le véritable effort. Oui, la grâce de Dieu doit nous prévenir, nous accompagner. Elle fait beaucoup, mais elle ne veut pas tout faire. Elle veut nous sauver, mais avec notre concours, et le concours que nous lui devons, c’est un sincère effort. Voilà donc que je suis placé dans la main de mon conseil. Je connais les obstacles, par la grâce de Dieu je puis les surmonter.

Le veux-je sincèrement? Alors, je dois m’y mettre sur-le-champ.

O Dieu, qui attirez le pécheur à la conversion par la parabole si touchante de l’enfant prodigue, il me semble qu’à la fin de cette méditation moi aussi sous le poids de mes fautes, je dis aussi: Je me lèverai et j’irai à mon Père. Voilà que je suis bien misérable, j’ai péché contre le ciel et contre vous, je ne suis plus digne d’être appelé votre fils. Pourtant, mon Dieu, je viens, vous ne me rejetterez pas, vous me pardonnerez, et, ne fût-ce que par reconnaissance pour votre infatigable tendresse, je me convertirai et ce sera pour toujours.

Notes et post-scriptum
1. "Je me lèverai et j'irai à mon père." (Luc. XV, 18.)
2. "Il est une certaine vie de l'homme, toute enlacée dans les sens charnels, toute dédiée aux joies charnelles fuyant les incommodités charnelles et recherchant ardemment la volupté." (August., Epist. CXL, II, paragraphe 3.)
3. Ibidem.