OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • PERTE DU TEMPS
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 82-86.
  • CO 27
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 BAVARDAGES
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CRITIQUES
    1 DECADENCE
    1 EGOISME
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 EMPLOIS
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 ORAISON
    1 PARESSE
    1 PATIENCE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERSEVERANCE
    1 PRATIQUE DE LA PAUVRETE
    1 TRAVAIL
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRAVAIL MANUEL
    1 VERTU DE PENITENCE
    2 ADAM
    2 ANANIE
    2 BENOIT, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SAPHIRE
    3 NAZARETH
  • 1875
La lettre

Me oportet operari… donec dies est(1). La perte du temps est une dégradation du religieux, en qui elle détruit l’esprit de pénitence, de pauvreté, de charité, de sainteté.

I. Destruction de la pénitence.

Nous sommes tous condamnés au travail; avec la mort, c’est le fruit du péché. Loi dure, écrasante, impérieuse: Si quis non vult operari nec manducat(2). In sudore vultus tui vesceris pane(3). Loi applicable à tous, sans exception. Si je ne travaille pas, je ne mérite pas de vivre. Cela est vrai de tout homme, fils d’Adam, né avec le péché originel, condamné à en porter la peine.

Cela est vrai du chrétien, disciple de celui de qui le prophète, le contemplant dans l’atelier de Nazareth, a dit: Pauper sum ego et in laboribus a iuventute mea(4). Cela est vrai du religieux qui, consacré à Dieu, lui doit sa vie et, dès lors, son temps. Triste dégradation du religieux qui ne comprend pas le mal qu’il fait à la religion par les murmures qu’excite son oisiveté et les railleries qu’elle provoque.

Mais cela est surtout vrai des Augustins de l’Assomption, qui, ne se proposant pas dans leur Règle de grandes austérités, ont surtout voulu trouver la vie pénitente dans le travail.

II. Destruction de la pauvreté.

Nous ne sommes pas seulement obligés au travail comme fils d’Adam. Comme religieux, nous sommes obligés d’être pauvres, parce que nous en avons fait le voeu. Le religieux qui n’est pas pauvre est une chimère de religieux. Or, si nous ne pratiquons pas la pauvreté par les habits grossiers, le mobilier indigent, du moins, il faut que nous travaillions sans cesse pour gagner notre vie. Que faites-vous pour édifier, si sans cesse vous ne cherchez pas à acquérir et à donner la science nécessaire?

Enfin, de quoi vivrai-je, si je ne travaille pas? De ma fortune? j’y ai renoncé, si jamais j’en ai eu. De celle des autres? C’est peu honorable. Et si j’use de la fortune des autres, je suis un voleur; si j’use de la mienne, après le voeu de pauvreté, je commets le péché d’Ananie et de Saphire, et je sais comment saint Pierre les punit.

Vivrai-je du travail des autres? Tandis que je me reposerai, eux gagneront leur pain et le mien à la sueur de leur front? Quelle humiliation et quel avilissement! Sans doute, si je suis malade, j’accepterai la charité de mes frères; mais, en santé! C’est trop fort!

Remarque singulière: le religieux qui perd son temps, en général, exige d’autant plus que lui-même donne moins. Je méditerai ces paroles de saint Augustin: Omnes petunt, omnes exigunt sumptus lucrosae egestatis aut simulatae pretium paupertatis(5).

III. Destruction de la charité.

Quand on ne fait rien, il faut encore faire quelque chose, et les conséquences de la vie paresseuse du religieux ce sont, avec la perte du temps, certaines conversations déplorables où la charité est d’autant plus détruite que le temps est plus perdu. Ah! quelle utilité dans le silence religieux et que les portraits de saint Benoît, où le patriarche est représenté un doigt sur les lèvres et dans la main une poignée de verges, renferment de philosophie.

Tout s’enchaîne: voilà des religieux qui ne font rien. Savez-vous ce qu’ils font? ils murmurent, ils blâment, ils critiquent. Supérieurs, égaux, inférieurs, amis, étrangers, il faut que tout y passe. N’en ai-je pas fait l’expérience? Qui dira le charme qu’a pour le religieux flâneur le manquement à la charité? La paresse et la critique sont soeurs jumelles; il faut remplir l’esprit de quelque chose, sinon de science, au moins de curiosités peu édifiantes. En suis-je là?

IV. Destruction de la sainteté.

Où trouver l’esprit d’oraison après le temps perdu, après la charité déchirée, après les conversations inutiles, mauvaises, dangereuses, impures hélas! quelquefois? S’il s’agit du travail des mains, que ne faisaient pas les anciens religieux? S’il s’agit du travail de l’esprit, cela est encore plus vrai. Que dire de saint Paul, qui prêche le jour et travaille des mains pendant la nuit? Quae mihi opus erant, ministraverunt manus istae(6).

Dans la perte du temps, que de tentations auxquelles on finit par succomber! Et puis il faut du temps pour se sanctifier. Dieu, qui est éternel, a fait les choses créées avec le temps; il dispose les saisons de telle sorte que tout semble marcher lentement. Quelque rapide que soit la marche du soleil, du levant au couchant, je ne le vois pour ainsi dire pas marcher. C’est dans le temps que l’Incarnation s’est accomplie. Il faut du temps, mais ii faut ne pas le perdre, car « le temps est court: Tempus breve est« (7).

Mon Dieu, que chaque minute employée pour vous soit un acte de sainteté croissante dans votre amour! Que je répare le temps passé perdu, et que le temps qui me reste à vivre soit la plus parfaite préparation à mon éternité.

Notes et post-scriptum
1. "Il faut que j'opère pendant qu'il est jour." (Joan. IX, 4.)
2. "Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas." (II Thess. III, 10.)
3. "Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front." (Gen. III, 19.)
4. "Je suis pauvre et dans les travaux dès ma jeunesse." (Ps. LXXXVII, 16.)
5. "Tous réclament, tous exigent les dépenses d'une indigence lucrative ou le prix d'une pauvreté simulée." (August., *De opere Monach*. XXVIII, 36.)
6. "Ces mains ont pourvu à tout ce qui m'était nécessaire." (Act. XX, 34.)
7. I Cor. VII, 29.